31 mars 2006
par JDCh


Ces "méchants" fonds d'investissement

Comme annoncé dans un précédent "post" (cf Post "Capitalisme: qui est le plus sauvage ?") , en voici un sur ces "méchants" fonds d'investissement que nos médias généralistes désignent à l'unisson comme une espèce diabolique et maléfique, faisant la pluie et le beau temps dans les entreprises dans lesquelles ils investissent et qui, comme les hyènes et les vautours, seraient avant tout nuisibles: des créatures sulfureuses que le capitalisme aurait généré tant il est pervers et sans retenue !

Voyons ce qu'il en est réellement.

Je ne couvrirai pas dans ce "post" les fonds d'investissement de type "fonds alternatifs" (appelés "hedge fund") qui interviennent sur les bourses du monde entier dont on peut simplement dire qu'ils sont des acteurs et des animateurs importants de ces marchés et qu'ils ont une pratique "spéculative" (ce qui n'est pas négatif pour moi) d'intervention. On semble encore s'étonner que des acteurs du marché puissent gagner de l'argent en misant sur la baisse d'une valeur: ils ne font pourtant qu'utiliser les outils disponibles appelés "contrats à terme" permettant d'acheter un "put" (l'option de vendre une action à un certain prix à une certaine date) et s'ils trouvent un "put" à acheter c'est bien qu'il y a en face sur le marché un acteur prêt à acheter lesdites actions au prix prévu. Bref, ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui...

Revenons sur les fonds d'investissement en "Private Equity" qui investissent dans des sociétés privées (à savoir non cotées en bourse) et qui, en général, restent actionnaires de ces sociétés pendant plusieurs années.

On dénombre 4 grandes familles d'investisseurs de ce type:

- le capital-risque (en anglais "venture capital"): ces acteurs investissent essentiellement dans les secteurs technologiques et dans des entreprises récentes et, par leurs apports en fonds propres (augmentation de capital), permettent à ces entreprises de financer le développement de leurs produits, les premières étapes de commercialisation et la première phase de croissance (dont ils espèrent qu'elles sera à trois chiffres). La plupart des grandes sociétés technologiques (Cisco, Google, ...) ont fait appel à leurs débuts à ce type de financement qui est relativement peu décrié dans ses pratiques même si la relation entre capital-risqueur et entrepreneurs peut être difficile si la société financée n'est pas la "pépite" escomptée au début de leur relation. Ceci est mon métier, j'aurais vraisemblablement l'occasion d'en reparler un jour.

- le capital-développement ("growth capital"): ceux-ci investissent dans des sociétés plus mûres souvent dans des secteurs plus traditionnels et permettent par leurs apports en capitaux à une entreprise de financer sa croissance (typiquement une chaîne de magasins qui souhaite ouvrir 50 magasins supplémentaires ou une entreprise leader dans sa "niche" qui souhaite faire l'acquisition de certains de ces petits concurrents pour renforcer sa position). Ces investisseurs sont la plupart du temps minoritaires et ont plutôt bonne réputation. Comme pour le capital-risque, la relation entrepreneur-investisseur est régie par un pacte d'actionnaires qui doit sceller l'alignement des deux parties y compris sur le calendrier de liquidité offert à l'investisseur (en général 3 à 5 ans).

- le capital-transmission ("buy-out"): comme leur nom l'indique, ces investisseurs permettent la transition entre une certaine base actionnariale et sa suivante. Ils rachètent en général la majorité ou la totalité des actions d'une entreprise à ces propriétaires (un grand groupe industriel qui souhaite céder une filiale, une famille qui souhaite vendre son entreprise...) et quelques années après cèdent à nouveau cette majorité ou totalité à un nouvel actionnariat (cession à un industriel, mise en bourse ou, et c'est de plus en plus courant, à un autre fonds d'investissement). Ces investisseurs, surtout lorsqu'ils sont anglo-saxons, sont souvent "satanisés" (cf les articles du type "Machin SA tombe dans les mains du fonds XXX"). Il est vrai que ces acteurs recherchent une plus-value en réalisant ce type d'opérations mais, comme on le verra plus loin, rien de "diabolique" à tout cela.

- le capital-retournement ("turn around financing"): cette dernière famille beaucoup moins nombreuse et investissant des sommes souvent beaucoup plus modestes s'intéresse aux entreprises en difficulté (exemple: le fonds Butler Capital investissant dans la SNCM), finance et tente de faire mettre en oeuvre un plan de redressement de l'entreprise. Souvent appelés "vautours", ces investisseurs permettent à des sociétés que leurs actionnaires et leurs banquiers ne veulent/peuvent pas "sauver" d'espérer l'être. Ce ne sont pas ces croque-morts à la Lucky Luke brocardés par nos médias incultes économiquement. Ils cherchent également un retour financier dans leurs opérations mais est-il question de le leur reprocher ?

En effet, si vous êtes d'accord avec la phrase suivante "Investir dans des sociétés et dégager une plus-value de cet investissement est forcément malhonnête" alors mieux vaut ne pas lire la suite et passer votre chemin... Si tel est votre cas, vous faîtes sans doute également partie des gens qui pensent que tous les champions sportifs sont des tricheurs et je vous remercie de bien vouloir cliquer !

Vous êtes toujours avec moi ? Si oui, on continue...

Une équation intéressante régit ce monde du capital investissement:

"Valeur de l'entreprise+Trésorerie = Valeur des actions+Dettes".

Cette équation très simple a plusieurs vertus pédagogiques dont voici les principales.

- Elle permet tout d'abord de bien comprendre la différence entre un investisseur en capital et un banquier. Tous les deux amènent de l'argent à une entreprise mais de façon complètement dissymétrique. L'investisseur achète des actions émises par l'entreprise ce qui fait augmenter la trésorerie de l'entreprise: il fait le pari que cet argent nouveau va permettre d'augmenter la valeur de l'entreprise (et donc de ses actions) et il prend le risque de beaucoup/tout perdre si l'entreprise ne "performe" pas. Le banquier, lui, prête à des entreprises qui peuvent rembourser (vieil adage "on ne prête qu'aux riches"): il amène de l'argent rémunéré à un certain taux d'intérêt à l'entreprise contre une dette et il espère simplement être remboursé aux échéances prévues.

- Elle permet également de comprendre que les actions d'une entreprise ne valent pas grand chose lorsque celle-ci n'a plus de "cash", n'est pas capable d'en générer au travers de son exploitation et a, en plus, des dettes. On voit même que la valeur des actions peut-être négative si le niveau de dette est bien supérieure à la valeur de l'entreprise: c'est ce qui arrive lorsque les créanciers d'une entreprise appellent les actionnaires en "comblement de passif". C'est ce qui explique que les fonds de retournement rachètent des sociétés pour des sommes jugées dérisoires au regard de la valeur potentielle de l'entreprise SI elle était "retournée". Quand Alain J. avait déclaré que Thomson valait 1 franc, il parlait sans doute de la valeur des actions et non de la valeur de l'entreprise...

- Elle explicite enfin les bases de ce que l'on appelle les "opérations à effet de levier" (en anglais "Leveraged Buy-Out") qui consistent à racheter une entreprise via une holding de reprise. Cette holding est endettée (l'argent est prêté par des banques) et rembourse cette dette avec le "cashflow" généré par l'entreprise rachetée.

Exemple: si la valeur d'une entreprise est 100 et qu'elle peut rembourser 10 de dette par an (plus intérêts), je monte une holding (possédant 100% des actions de l'entreprise rachetée) avec 60 amené par moi sous forme de capital (actions) et 40 sous forme de dette (remboursable en 4 ans): à la fin de la période de remboursement, l'entreprise n'a plus de dette, sa valeur est sans doute supérieure à 100 (disons 120, si elle a amélioré ses résultats financiers) et pourtant je ne l'ai payée que 60 soit un multiple de 2 sur ma mise (contre une simple plus-value de 20% en 4 ans si je n'avais pas "leveragé" cette opération).

Pour en revenir à mes "méchants" confrères du "buy-out" ou du "retournement", il me paraît utile d'énoncer les constatations suivantes:

- Ces intervenants existent parce qu'ils répondent à une demande et ce, notamment dans les cas suivants: Pour les fonds de "buy-out", une entreprise familiale pour laquelle aucun "héritier" n'est en mesure de prendre la direction de l'entreprise et de faire prospérer ainsi le patrimoine familial (d'où le nom de "capital transmission"), un grand groupe endetté qui a besoin de se départir de quelques activités qui ne sont pas au coeur de son "business" (cas des cessions de TDF ou de Numericable respectivement par France Telecom et Vivendi/Canal+), une filiale non stratégique en dés-errance (cas de la "belle endormie") dont les dirigeants veulent faire une entité autonome et stratégique (pour eux et les salariés de l'entreprise) ou une société "orpheline" après une fusion avortée (cas de Legrand dont Bruxelles a refusé le mariage avec Schneider). Pour les fonds de retournement, une société qui a mal anticipé une évolution du marché, qui n'a pas su se restructurer avant d'être dans une situation difficile vis à vis de ses créanciers ou, pire, obligée de se déclarer en cessation de paiement (en langage familier "déposer son bilan") ou des actionnaires qui ont longtemps soutenu un "business" qui n'arrive toujours pas à le remettre "dans le vert" et qui n'ont plus les moyens de "remettre au pot"...

- Les entreprises reprises par ces fonds se portent mieux. Pour les fonds de retournement, c'est l'évidence puisque, même si le retournement n'est pas réussi dans 100% des cas, on passe très souvent d'une situation désespérée à une situation de survie qui elle-même peut mener à une situation prospère. Pour les acteur du "buy-out", une statistique démontre que plus de 60% de la création de valeur n'est pas lié au seul montage financier (le fameux effet de levier). Cette création de valeur est le fruit des programmes de changement et d'optimisation initialisés lors de la transaction. De plus, une fois une partie de la dette remboursée, les marges de manoeuvre de l'entreprise étant recouvrées (similaire à un coureur de fonds qui s'entraînerait avec un sac à dos de 20 kg qui se trouverait extrêmement léger lors des compétitions), investissements, embauche et croissance externe reviennent à l'ordre du jour révélant une ambition et une confiance forte de la part de l'entreprise et de ses actionnaires.

- Le "top" management et parfois une grosse partie du "middle" management sont associés financièrement au succès: les investisseurs sont des gens motivés par la plus-value, ils proposent naturellement aux équipes des "packages" qui alignent fortement les intérêts des dirigeants et managers avec l'actionnaire financier. Ce passage de salariés à salariés-actionnaires est souvent fortement créateur de valeur...

- Le comportement des fonds est prévisible: les équipes de gestion de fonds quand elles bâtissent une thèse d'investissement la partagent avec le management (quel business plan commun et quelles marges de manoeuvres), acceptent de prendre des risques (un effet de levier trop important ou une enveloppe pour restructuration insuffisante) et explicitent les règles du jeux (horizon et type de sortie). Nos médias aiment bien faire du sensationnel avec des affaires qui n'ont visiblement pas fonctionné comme prévu (ex: Otor/Carlyle ou Gemplus/TPG). On parle ici ou là de "pieuvre" ou de "hold up". Une chose est sûre, les équipes d'investissement visent avant tout des plus-values financières et elles doivent rendre des comptes à leurs actionnaires (pour les "holding" cotées comme Wendel, Eurazeo ou 3i) ou à leurs porteurs de parts (appelés "Limited partners") qui veulent un rendement financier et savent demander les explications qui vont bien sur les cas d'échec.

Étant un acteur du capital-investissement, vous trouverez ce "post" sans doute un peu partial. Il est certain que, comme dans toutes les professions, on trouve sans doute des investisseurs "malhonnêtes" ou "vicieux". Le principal message que je veux passer ici est une forme de démystification de ce qui fait se lever le matin un investisseur (créer de la valeur pour dégager une plus value) et une démonstration qu'il y a une vraie utilité économique derrière l'activité du capital-investissement.

Une petite remarque acerbe pour finir à destination de notre tragique Président (à qui des des conseillers ont dû expliqué ce qu'était le "Private Equity") qui a récemment tancé les assureurs-vie pour ne pas assez participer au financement des entreprises privés. L'allocation d'actifs ne se décrète pas. Elle peut bien évidemment être favorisée par des mesures fiscales. Elle est, en tout cas, du ressort du gestionnaire qui doit décider s'il souhaite allouer une partie de ses investissements à des segments souvent fort profitables mais bien évidemment plus risqués que d'autres.

Comme on dit en anglais, "there's no free lunch" !



28 mars 2006
par JDCh


Comme pour la visite du Comité International Olympique...

J'ai entendu sur BFM le Président du Symop qui se sentait "largué"... Ce salon semble être l'occasion annuelle pour des milliers de PME de rencontrer des prospects et clients internationaux. Probablement beaucoup d'annulations. Ce sera pour l'année prochaine...

A la veille de la journée de grève nationale du 28 mars, les professionnels de l’industrie mécanique française en appellent à la raison !

Alors que s’ouvre le salon INDUSTRIE Paris, le Symop (Syndicat des entreprises de technologies de production) et Exposium, l’organisateur français du salon Industrie souhaitent que politiques, syndicats professionnels, professeurs et étudiants construisent ensemble un avenir en adéquation avec les attentes des entreprises industrielles françaises.

Sortir vite de la crise pour aborder les vrais problèmes

La crise que traverse aujourd’hui notre pays et l’annonce d’une journée de grève massive le 28 mars risquent de mettre en péril un événement de portée internationale comme le salon INDUSTRIE Paris, sachant qu’il génère un chiffre d’affaires de plusieurs millions d’euros dans le domaine de l’hôtellerie, du tourisme, de la restauration, des transports (air, fer, route)…

D’une seule voix, Jean-Paul Bugaud, directeur général du Symop (représentant l’ensemble de ses adhérents) et Benoît Gauthier, commissaire général du salon INDUSTRIE Paris déclarent : « Nous faisons appel à la raison et au bon sens de tous les acteurs de cette crise. D’autre part, nous souhaitons que l’industrie revienne véritablement au coeur des préoccupations économiques, sociales et éducatives de notre pays pour permettre à l’entreprise France de voir son avenir plus sereinement. »

Le point commun entre un avion, une voiture, un réfrigérateur et un bijou « made in France »

Ces produits, fleurons de l’industrie manufacturière française, n’existent que grâce aux « machines », outils de production et génératrices d’emploi.

Du 27 au 31 mars 2006 à Paris Nord Villepinte, le salon INDUSTRIE Paris 2006 rassemble tous les deux ans, plus de 60 000 professionnels de l’industrie manufacturière française et européenne.

Ce rendez-vous est très attendu car il permet de :

• donner une image dynamique et positive de l’industrie manufacturière française,
• créer une émulation de branche en réunissant en un lieu et sur une seule période tous les principaux acteurs d’un secteur (fabricants, importateurs, clients nationaux ET internationaux, étudiants, élèves-ingénieurs, professeurs, presse professionnelle),
• d’être le porte-parole national d’un marché de plus de 7000 entreprises mécaniciennes, regroupant 613 000 salariés et réalisant 88 milliards d’euros de CA. Les industries manufacturières représentent environ 12 % de la valeur ajoutée totale en France et contribuent de manière significative au dynamisme du secteur des services.

Les conséquences collatérales d’une irresponsabilité collective

Depuis une trentaine d’années, les métiers de l’industrie sont peu soutenus soit par les instances politiques, soit par les médias destinés à sensibiliser le grand public :

• Faible soutien politique ou médiatique sur les différents salons ou événements de la profession,
• Valorisation insuffisante des métiers de la filière technique auprès des jeunes (CAP, BEP, BTS, IUT et Ingénieurs) alors que les entreprises vont manquer de débutants professionnels,
• Limitation de la portée de la réforme de la taxe professionnelle encourageant l’investissement,
• Absence de véritable réponse publique face aux délocalisations.

Et ce, alors que l’espoir chez les industriels revient et que les initiatives se multiplient (action Robotcalisez pour les PME (robotiser pour ne pas délocaliser), succès de l’avionique française, affichage dans le métro sur le recrutement de techniciens …).

Que le 28 mars permette aussi à tous de prendre conscience de nos forces !



24 mars 2006
par JDCh


Conseils de vieux c...

Je vous ai déjà parlé de ma dernière née (cf Post "I had a dream"), voilà que j'ai envie de m'adresser à mon fils qui va vers ses 17 ans. Arthur n'a pas le look d'un fils de la bourgeoisie "friquée" (qu'il appelle les "chals"), ni celui d'un banlieusard du neuf-trois (qu'il ne considère pas tous comme des "cailleras"). Il est plutôt du genre "baba clean". Je le trouve pas mal et, il paraît, que les filles sont de plus en plus d'accord avec moi !

En première dans un lycée privé Parisien, il fait, sans aucun doute, partie des privilégiés. Ceci dit, comme moi à son âge, il n'aime pas le système dans lequel la réussite financière constitue un verdict qu'il considère comme trop simpliste.

Je suis, je le crois, d'accord avec lui mais difficile, après 20 ans de vie professionnelle dont 6 ans dans le capital investissement, de nier voire d'oublier que la réussite professionnelle est, pour une bonne part, étalonnée sur la capacité financière qu'elle induit ou qu'il est beaucoup plus agréable de ne pas avoir trop de souci d'argent.

Bien évidemment, bien qu'ayant été fort exposé au modèle anglo-saxon et au modèle américain en particulier, je n'en suis pas à vénérer le "dieu dollar". Il me suffit de me rappeler les épisodes douloureux de la vie pour savoir que bonheur et argent ne sont pas corrélés et que, parfois, l'avidité peut avoir des conséquences désastreuses.

Ceci dit, à partir du moment où je ne léguerai pas à Arthur un héritage lui permettant d'être rentier, il va lui falloir dans les années qui viennent prendre des décisions importantes qui auront un impact certain sur son "insertion" professionnelle future.

Comme tous les lycéens et étudiants qui manifestent ces derniers temps, Arthur n'a qu'une très vague idée de ce qu'est la vie professionnelle (malgré quelques semaines de stages ici et là). Il est sans doute beaucoup plus réaliste que ces "leaders" de confédération lycéenne, de coordination étudiante, de l'UNEF ou de SUD, espèces de clones d'O. Besancenot dans leur côté "propres sur eux", que nous avons vu défiler sur nos écrans de télévision. Il n'a pas cet air à la fois revendicateur, plein de rancoeur et d'aigreur et "déjà vieux" de ces apprentis syndicalistes: pour être honnête, il me font peur quand je les vois marcher aussi fidèlement et aveuglément dans les pas utopiques et vains de leurs aînés.... Ils me font penser à ces gymnastes de la RDA aux Jeux Olympiques de Moscou en 1980: à peine 14 ans et déjà terrifiant...

Je crois qu'Arthur a compris que certaines vérités sont indéniables: nous évoluons dans une économie mondialisée fondée sur le libre-échange et la libre-concurrence, la France est une ancienne grande puissance dont le déclin se confirme année après année, le chômage est structurel dans ce pays incapable de se réformer et avoir un "bon job" fait partie des conditions indispensables pour échapper à la "chienlit"...

Le syndrome polytechnicien voudrait que je sois un père obsédé par les études de son fils, que l'atavisme crée une forme de répétition et que cette éventuelle reproduction soit tout à fait rassurante pour moi. En fait, il n'en est rien. Mes conseils "professionnels" sont simples, génériques et, je l'espère, utiles. Les voici.

Faire des études utiles: par cela, j'entends simplement suivre un cursus correspondant à un fort taux d'embauche à l'issue des études: en un mot, éviter les immenses "zones" de notre système universitaire (que, je crois me rappeler, un certain Devaquet voulait "évacuer" lorsque je venais de finir mes études en 1986) dans lesquelles vivent déconnectés, souvent désoeuvrés et parfois angoissés plus d'un million et demi de nos étudiants en littérature pré-néandertalienne ou en sociologie des cheloniens... La culture c'est bien mais la sodomie de diptères ça va bien !

Apprendre et pratiquer l'anglais: sachant qu'un salarié du secteur privé sur cinq travaille pour une entreprise étrangère (et cela va augmenter), il me paraît plus qu'indispensable d'être capable d'avoir un dialogue intelligible avec le "headquarter": cela se passera vraisemblablement en anglais. Sachant également que la croissance des entreprises Françaises passe quasi-obligatoirement par une capacité à exporter au delà de la Suisse Romande et de la Wallonie, maîtriser la langue de Shakespeare peut s'avérer plus qu'utile si ton employeur a son siège social en France.

Faire de la vente: dans libre-échange, il y a échange et donc, en général, un vendeur et un acheteur. Être le "vendeur", c'est d'abord être au coeur de la transaction économique, c'est aussi être en première ligne pour comprendre ce que signifient qualité, compétition, budget, ROI... et c'est enfin en apprendre beaucoup sur l'être humain. En plus, un bon vendeur c'est rare et tout ce qui est rare est cher... Enfin, devant les grandes tendances à l'"outsourcing" et à l'"offshoring", la population des vendeurs est sans doute parmi les plus pérennes... Si vendre te rebute, sois au moins sûr d'avoir un rôle "customer facing" !

Être conscient économiquement: un salaire d'embauche ne représente pas ta valeur mais la valeur contributive du "job" qui t'est proposé: une simple équation "intérêt du travail x rémunération proposée" à analyser. Par la suite, mieux vaut comprendre voire privilégier les compléments de rémunération (variable, bonus, commissions voire stock options) plutôt que de batailler sur le salaire fixe: ces éléments complémentaires sont fondés sur la réussite économique de l'entreprise et ta contribution personnelle (donc "win win" entre salarié et employeur). Enfin promotion et augmentation significative viendront probablement d'une mobilité extra-entreprise: changer 5 à 10 fois d'employeur dans une carrière est "banal" et chaque changement est générateur de motivation, de curiosité et d'énergie renouvelées. Le monde change, les entreprises s'adaptent plus ou moins bien, les collaborateurs ont le choix entre saisir des opportunités ou être les victimes expiatoires du système !

Être positif et honnête: les râleurs et les vicieux sont toujours trop nombreux. Ils sont chimiquement difficilement diluables. N'en fais ni tes collègues préférés, ni des gens dont tu pourrais dépendre. Les aigris à qui il arrive ce qu'ils méritent et qui passent leur temps à le déplorer sont, en réalité, assez inoffensifs mais les fréquenter peut être contagieux. La maladie est souvent incurable... Les "malins" (appelés les "malfaisants" par Audiard) sont eux beaucoup plus toxiques. Si l'on est obligé de les côtoyer, rien ne sert de guerroyer avec eux. Comme des ingrédients indigestes, il suffit de les laisser poliment sur le bord de son assiette... Honnêteté sans naïveté doit être ton "vade me cum".

Je crois que si tu suis ces 5 conseils, tes chances de trouver un bon "job" sont largement maximisées et la probabilité de te faire "virer" (fût-ce dans le cadre des deux premières années d'un CPE) limitée à des problèmes économiques rencontrés par ton entreprise. Dans ce dernier cas, pas de regret, ce sera mieux dans une autre entreprise en meilleure santé.

En ces temps de quasi-révolte de notre population étudiante, il me paraissait utile de rappeler ces éléments de bon sens. Tout ceci est extrêmement simple mais je n'ai entendu aucun homme politique ou journaliste "dédramatiser" ces enjeux qui semblent faire si peur à nos successeurs: la droite est non crédible et la gauche préfère souffler lâchement sur les braises...

J'ai malheureusement également peur que nos enseignants se refusent, dans leur grande majorité, à véhiculer des recommandations aussi concrètes (en fait je suis convaincu qu'ils ne sont qu'une infime minorité à les comprendre) : c'est vrai que la philosophie, la sociologie, l'idéologie et la tetra-capiloctomie c'est bien plus stimulant intellectuellement...

Après avoir réussi, il y a plus de cent ans, notre séparation de l'Eglise et de l'Etat et créé le concept de "laïcité", peut-être nous faudrait-il lancer le concept de "concrêticité" c'est à dire celui correspondant à la séparation de l'Idéologie et de l'Etat !

Il est bien sûr beaucoup moins "excitant" de prôner le pragmatisme que de faire de grandes envolées lyriques mais il me semble que nous en avons un besoin extrême. D'où ce "post" d'une platitude remarquable.

Vive la "concrêticité" !

PS: aucune prétention dans ce "post" de s'attaquer au chômage des jeunes mais économistes et décideurs "business" confirmeront, sans doute, que, si 3 à 5 de ces conseils étaient suivis par une majorité d'étudiants et jeunes demandeurs d'emploi, un certain recul du chômage serait assez vite constaté...



20 mars 2006
par JDCh


Mail de source estudiantine reçu ce matin...

"Je sais que pour la plupart vous n'en avez rien à faire et vous ne vous sentez pas concernés mais c'est important pour nous étudiants en fac...

Je vous écris pour vous demander votre soutien aux étudiants qui se trouvent pris en otage par les manifestations actuelles mais aussi pour vous exposer la réalité de notre situation bien loin de celle que les médias comme à leur habitude déforment.

Je suis étudiante en master de droit des affaires à Paris X Nanterre et je suis révoltée face au blocus des universités.

Premièrement il faut rétablir la vérité, la majorité des étudiants sont contre ce blocus sauf que nous subissons des menaces et des intimidations alors peu d'entre nous osent prendre la parole. De plus, les médias font preuve d'une véritable manipulation dans leurs reportages et oublient bien souvent de mentionner les moyens totalement anti-démocratiques utilisés par ces manifestants.

Tout d'abord, les assemblées générales qui ont été diffusées à la télévision ne sont qu'une mascarade : ainsi lorsque le résultat d'une première AG avait donné le non au blocus majoritaire, dès le lendemain une seconde AG était organisée par une minorité de manifestants pour revoter illégitimement le blocus, ne respectant pas la décision des étudiants. Enfin l'AG réunissant le plus grand nombre d'étudiants jeudi dernier était un véritable scandale: nous étions majoritaires contre le blocus alors ils nous ont d'abord imposé 3 heures de faux débats (temps de parole inégal et les intervenants autorisés étaient à 90% leurs partisans). Ils ont mené une véritable propagande anti-gouvernementale bien loin du problème du CPE et énoncé des abérrations telles que le CPE facilite le licenciement des femmes enceintes et permet de licencier pour une tenue vestimentaire non conforme en dehors des horaires de travail... Le problème c'est que la plupart des jeunes (non juristes) le prenne pour parole d'évangile!!!

D'autre part pendant cette assemblée la sécurité laisse des individus circuler avec des foulards cachant leurs visages et manifestement menaçants. Enfin le vote s'effectue à main levée avec des gens qui pour la plupart ne sont absolument pas étudiants mais des syndicalistes ou autres appelés en renfort: nous étions 2000, seulement 750 ont voté pour le blocus et ils ont quand même déclaré que nous avions perdu!!!

Mais le plus grave ce sont les intimidations et la violence de ces gens que les médias ne dénoncent pas: jeudi et vendredi lorsque des étudiants ont voulu entrer dans leur faculté des bagarres ont éclaté à coups de barres de fer, une jeune fille a été poussée dans les escaliers par des représentants de l'Unef et a été sérieusement blessée mais là encore personne ne dit rien ou ne se scandalise: non toute cette violence est légitimée par le droit de grève?!!!

Enfin lorsque les manifestants étaient minoritaires face aux vrais étudiants qui voulaient accéder aux cours, ils ont fait appel à des lycéens de nanterre arrivant en masse et criant. Ces jeunes n'étaient là que pour nous intimider et n'ont trouvé rien de mieux que de se prendre en photo avec leurs portables devant l'université en nous narguant et chahutant démontrant leurs réelles motivations!!!

C'est donc un appel à l'aide que je vous adresse pour les vrais étudiants qui veulent que leur droit à l'éducation et celui de ne pas faire grève soient respectés. Les dirigeants de notre université étant démissionnaires et les médias refusant de prendre en compte notre témoignage, je vous sollicite donc pour nous aider à rétablir la vérité et pour que l'Université française redevienne un lieu où les libertés individuelles peuvent s'exercer loin des propagandes et de la violence.

Je vous remercie de votre attention et d'essayer de diffuser au maximum ce message."

Sophie



17 mars 2006
par JDCh


Petite proposition extravagante

Je suis de loin depuis quelques semaines l'affaire de la "licence globale" sur laquelle nos députés semblent passer beaucoup de temps. Il s'agirait de mettre en place une "redevance" permettant à tout un chacun de télé-charger et échanger des oeuvres musicales sur Internet. Cette redevance serait ensuite "re-distribuée" entre les ayant-droits (auteurs, compositeurs, interprètes) suivant un mécanisme à définir. Cette discussion parlementaire me fait une nouvelle fois penser à la suppression du "hors-jeu" dans le football français (cf Post précédent): légiférons localement sur des sujets globaux et comme cela, on est à peu près sûr d'être ridicule ou inefficace au niveau international !

Je ne vois en effet pas bien comment Robbie Williams ou Eminem pourraient accepter d'être piratés tranquillement par des internautes Français moyennant le versement d'une dîme calculée par une nouvelle administration ou organisme créée par ces "f* frogs" !

Je ne vois pas bien, non plus, comment Jean-Michel Jarre ou Manu Chao pourraient adhérer à un système qui ne s'applique qu'à l'intérieur de nos frontières alors que le monde entier semble aller vers le télé-chargement ou l'échange légal et payant et une raisonnable prévention/répression des échanges illégaux.

Je ne vois pas, en fait, comment on pourrait se passer du consentement individuel des ayant-droits pour "légaliser les échanges illégaux". Si l'on était capable de discriminer les échanges concernant les "consentants" de ceux concernant les "non-consentants" alors le problème du piratage serait simplement techniquement réglé !

Messieurs les Députés, vous feriez sans doute mieux de vous occuper de choses sur lesquelles vous êtes compétents et qui permettraient d'améliorer le sort de la France. Évitez, s'il vous plaît, de consommer votre énergie sur des sujets qui ne peuvent être traités au seul niveau Français !

J'ai un sujet pour vous: l'Impôt de Solidarité sur la Fortune.

Voilà un impôt que tous nos voisins n'ont jamais connu ou ont supprimé, dont les méfaits sont reconnus par tous les acteurs économiques et sur lequel vous êtes absolument compétents !

Mes dernières conversations avec des gens "informés" montrent qu'une majorité de députés UMP sont favorables à la réforme de cet impôt (et ils sont majoritaires à l'Assemblée Nationale), ils auraient même trouvé un nouveau nom pour cette contribution anachronique: Impôt sur le Patrimoine !

Nous voilà bien avancés sachant qu'il leur faudra, sans doute, une session parlementaire toute entière pour arriver à ce simple changement d'intitulé (du point de vue "marketing", il faut avouer que c'est mieux car cela colle plus à réalité: le propriétaire d'un 3-4 pièces dans Paris n'est pas à la tête d'une fortune, il a, par contre, un patrimoine !). Sur le fond, il est, paraît-il, impossible d'aller plus loin dans sa réforme tant que notre tragique Président sera à l'Elysée: Jacques C. aurait-il peur d'être impopulaire ? de ne pas être ré-élu ? Je pensais qu'il était déjà "out"...

Mais quelles sont donc les conséquences néfastes de cet ISF ?

Vu de ma courette, à savoir celle du financement des sociétés innovantes, elles sont très simples.

Dès que l'équipe fondatrice d'une société se retrouve réellement à la tête d'un patrimoine significatif, l'obsession de ces entrepreneurs devient le choix entre Londres, Bruxelles ou Genève comme résidence fiscale à venir. Autant dire que ces équipes "successful" n'imaginent pas un seul instant rester en France, y développer le "business" ou y lancer d'autres entreprises...

D'autres, plus attachés à notre chère patrie, restent en France mais se gardent bien, si possible, de travailler (pour profiter du "bouclier fiscal" qui permet de ne payer "que" 60% -en fait 72% si l'on compte la CSG/CRDS- de ses revenus en cumul de l'Impôt sur le Revenu et de l'ISF). Un peu comme des champions sportifs en pleine forme qui ne feraient plus de compétition pour ne pas être trop médaillés ! Quel gâchis...

On trouve également de nombreux cas où les fondateurs parce que leur pourcentage de détention d'actions dans la société est faible et/ou parce qu'ils ne sont plus actifs dans ladite société ne peuvent considérer ce "patrimoine virtuel" comme "outil de travail". Ils doivent acquitter l'ISF sans avoir la liquidité ou les revenus leur permettant de le faire: une taxe anticipée sur une "fortune" que beaucoup ne verront jamais !

On ajoutera à cela les sommes investies en oeuvres d'art (ou autre forme d'exonération) ou tout simplement "planquées" à l'extérieur de nos frontières qui doivent, c'est certain, avoir un rapport avec le fait que le financement en amorçage par des "business angels" est 20 fois moins important en France qu'en Angleterre.

Comme souvent en France, plutôt que d'attaquer le problème à la source en réformant la cause d'un dysfonctionnement, on ajoute une couche au millefeuille législato-fiscal. En effet, prendre des mesures fiscales favorisant l'investissement par des personnes privées dans les PMEs ne peut pas être précédé d'un sentiment de spoliation légitimement ressenti par les uns et les autres. Si après avoir payé les impôts (revenu et plus-value) parmi les plus rudes de la planète, vous êtes taxés sur ce que l'on vous a "gentiment" laissé, la motivation baisse exponentiellement... C'est comme faire précéder chaque entraînement par quelques coups de cravaches et essayer de convaincre des enfants qu'ils aiment le judo !

Dans la partie plus traditionnelle de l'économie, les méfaits sont nombreux également.

Des groupes familiaux ont été mis en vente pour permettre aux actionnaires minoritaires de trouver la liquidité et donc les moyens de payer l'ISF (Le groupe Taittinger semble en être un bon exemple). D'autres sociétés privées ont appliqué une politique forcenée de dividendes pour permettre aux actionnaires de payer l'ISF obérant ainsi la capacité d'investissement de ces sociétés. Certains entrepreneurs multi-activités (il existe des boulimiques en la matière) ne peuvent reconnaître qu'un seul "outil de travail" et sont amenés à fermer l'une de leurs activités...

Plus anecdotiquement, on citera les centaines de Français résidents à Londres travaillant pour des fonds d'investissements ou des banques d'affaires (métiers dans lesquels on peut gagner pas mal d'argent dans les bons cycles) qui pourraient être basés à Paris mais qui, souvent par choix fiscal, éloignent, d'une certaine façon, les entreprises Françaises de l'accès au capital (ou à la liquidité) et, en tout cas, renforcent l'hégémonie de la City en tant que capitale financière Européenne.

On sait bien, enfin, que les "vraiment riches" conseillés par des fiscalistes experts échappent pour une grande part à cet impôt via une dé-localisation de leur patrimoine ou de leur résidence fiscale. Certains ont également paraît-il (et ça se comprend) fait des "deals" spéciaux avec Bercy obtenus sur le thème "je paie ça et pas plus, ou je pars".

Cet ancien "Impôt sur la Grande Fortune" est donc devenu l'"Impôt pour les pigeons mal conseillés ayant un patrimoine et restant en France".

J'ai même lu sur l'excellent blog de Pascal Mercier (cf blog de Pascal qui a fait pas mal de pub pour le mien et à qui je renvoie l'ascenseur si tant est qu'il en ait besoin) que cet impôt accroîtrait l'écart entre riches et pauvres et pénaliserait les pauvres voulant être riches: ça paraît étonnamment vrai et, pour le coup, vraiment contre-productif !

Messieurs les Députés, voici donc une petite proposition "extravagante" (moins que votre initiative sur la licence globale !): exonérer d'ISF tout résident Français âgé de moins de 65 ans.

Cette proposition aurait, en effet, de très nombreux mérites.

- Les entrepreneurs "innovants" et "fuyards" n'auraient plus de raison de "fuir",

- Les entrepreneurs en "hibernation" sortiraient de celle-ci,

- Les sommes "offshore" refranchiraient, pour une part, notre frontière (il faudrait sans doute y aller d'une amnistie claire et nette),

- Les donations aux plus jeunes se multiplieraient, ré-injectant ainsi des liquidités dans l'économie qui en a bien besoin.

- Le patrimoine des Français étant pour les 2/3 détenus par les "seniors": le manque à gagner ne serait peut-être pas si terrible que cela pour notre Etat "rapace".

- Un certain nombre de "seniors" s'expatrieraient ce qui, avec un peu beaucoup de cynisme, allégerait le coût "santé" qu'ils représentent pour la collectivité.

Cette proposition est "extravagante" mais extrêmement simple à mettre en place.

Elle se heurterait sans doute à un petit écueil constitutionnel en terme d'égalité des Français devant l'impôt. Nul doute que les "sages" du Conseil Constitutionnel déclareraient cette suggestion "anticonstitutionnelle". Le contraire serait fort étonnant dans une "gérontocratie" comme la nôtre.

La conclusion de tout cela serait alors: mieux vaut supprimer l'ISF pour tout le monde, ce sera plus "égalitaire".

En fait, pour être honnête, ça m'irait bien aussi !

"By the way", dans un souci "égalitariste" (cette fois vis à vis des jeunes), supprimer le CPE, le remplacer par un CNE applicable dans les entreprises de toute taille et pour les embauchés de tous âges pourrait également être une bonne solution...



10 mars 2006
par JDCh


I had a dream

Le week-end dernier je me suis retrouvé Papa à 42 ans d'une petit Emma-Sarah longue de 49cm et forte de 3500g. Dans 23 ans, cette "miss" aura 23 ans et moi 65 ans... Comme je souhaite évidemment une belle vie à cette débutante, voici un petit "post" optimiste et utopique sur ce que seront la France, l'Europe, le Monde à cette échéance.

Emma-Sarah, 23 ans, diplômée d'une bonne université Française en droit des affaires se prépare à passer un an a Shanghai pour y perfectionner son chinois. Elle rejoindra un an plus tard une firme internationale. Elle avait le choix entre Londres, Tokyo, New York et Paris pour débuter. Elle a choisi Paris parce que le contexte économique Français est plus porteur, la fiscalité "attractive", les grandes multinationales ont, pour une majorité, repositionné leur siège Européen à Paris (j'ai l'impression de parler de Londres...) bref c'est à Paris que cela se passe...(Bien sûr, notre héroïne a aussi une vie amoureuse, sportive, culturelle et sociale mais cela ne nous... regarde pas).

Que s'est-il donc passé durant ces 23 années ? En fait, beaucoup et peu de choses à la fois. Voilà l'histoire.

Considérons 2 grandes générations de Français.

Premièrement, ceux nés avant 1968 qui ont connu tout ou partie des trente glorieuses, le Gaullisme, la libéralisation des moeurs, une économie non mondialisée fondée sur une forme d'"économie mixte" au niveau national, ceux qui ont eu très peu d'employeurs (soit parce qu'ils avaient/ont un statut d'employé du secteur public, soit parce qu'ils n'ont jamais imaginé changer), ceux qui lorsque le chômage les a touché ont perçu des indemnités généreuses, ceux qui ont aujourd'hui au moins 6 semaines de congés payés et 11 jours de RTT, ceux qui ont ou auront une retraite décente, sont ceux que j'appellerai dans la suite de ce "post" les "Violets".

Deuxièmement, ceux nés après 1981 (date de début du déclin de France si l'on souhaite être un peu polémique), ceux qui ont toujours vu leurs parents, frères et soeurs ou copains touchés par le chômage, ceux qui ont énormément de mal à se rappeler du moindre élan politique positif au niveau national (sauf peut-être la victoire en 1998 de l'équipe de France de football), ceux qui ont grandi avec d'un côté Internet (la fenêtre sur le monde) et de l'autre TF1/France2 (la lucarne franco-gauloise), ceux qui ont vu la "fracture sociale" de près (dans leur lycées, sur les stades, dans les transports en commun)... bref ceux que j'appellerai les "Jaunes".

Les Jaunes au fur et à mesure qu'ils terminaient leurs études et retiraient leurs cartes d'électeurs ont pris conscience d'un subterfuge, d'une grande manipulation qui avait échappé à leurs aînés. La minorité de blocage "trotskiste" soutenue bon an mal an par une majorité "nostalgico-sympathique" de Violets ( cf post "une éternelle nostalgie trotskiste") qui a toujours mis le pays en situation d'immobilisme complet dès qu'il s'est agi de réformes (retraite, sécurité sociale, indemnisation du chômage, révision du statut des employés du secteur public, éducation...) n'est pas comme on avait pu le croire "généreuse" dans sa défense acharnée des "avantages acquis". Elle ne cherche pas à léguer un futur meilleur à ses enfants. Bien au contraire, elle pense à elle égoïstement et mise sur le fait que le système "va bien tenir" jusqu'à sa retraite. Qu'importe que le système soit ultérieurement en faillite ! Après les Violets, le déluge...

Les Jaunes ont compris cela et se sont mobilisés. Ils ont été rejoints rapidement par un certain nombre de Violets (libéraux ou tout simplement parents "généreux" pensant qu'il faut léguer à ses enfants une "entreprise qui tourne" pas un "machin en déficit permanent et de surcroît sur-endetté"). Cette nouvelle majorité inédite à conduit la "révolution des Jaunes", a décidé de "dé-sanctuariser" l'essentiel de notre soit-disant "modèle social" (les trostkisto-immobilistes Violets devenus ultra-minoritaires ont pris leur retraite la queue basse et nous n'en avons plus jamais entendu parler). Elle a maintenu simplement une priorité très forte aux 3 domaines fondamentaux que sont l'éducation, la santé et le logement et a mené au pas de course les réformes qui étaient nécessaires depuis 20 ans.

De quelles réformes parle-t-on ?

Tout d'abord, l'organisation administrative a été singulièrement simplifiée. 3 niveaux seulement: les groupes de communes, une dizaine/douzaine de grandes régions et un niveau national. Le coût de fonctionnement de nos administrations et collectivités territoriales a été réduit considérablement et la compétence de chaque niveau l'a rendu efficace et pertinent.

Aux groupes de communes, la vie "locale": les crèches et écoles maternelles, les transports urbains, les hôpitaux, les maisons de retraite, le logement social, le sport et la culture... Pour devenir attractives, ces communautés urbaines ont rivalisé sur le thème "moins d'impôts, plus de service". Les meilleures pratiques se sont naturellement imposées et même les fameux "quartiers" dans lesquels des émeutes avaient eu lieu au début du siècle ont atteint une "modeste prospérité" dans laquelle il fait bon vivre... A côté et en complément des "services publics", une multitude de concessions ou délégation de services publics, d'établissement sous contrat et d'associations financées majoritairement par des fonds privés (grâce à un système de déductibilité fiscale des donations) ont été encouragées à amener qualité et efficacité dans le dispositif. On retrouve, d'ailleurs, dans ces organisations de très nombreux fonctionnaires (surtout des Jaunes mais aussi quelques Violets) qui ont quitté leur fameux "emploi à vie" pour retrouver le goût du travail, de l'initiative et de la responsabilité !

Aux grandes régions, l'éducation, la santé, les infrastructures,... Plus de carte scolaire, plus de programme nationaux, plus de professeurs affectés par un ordinateur programmé en langage Marx... Les lycées et universités ont également rivalisé pour obtenir les meilleurs résultats, pour favoriser les échanges internationaux, pour délivrer des diplômes reconnus dans l'Europe voire le Monde entier. La gratuité du système éducatif a été remplacé par un système simple de péréquation dépendant des revenus: les plus pauvres paient très peu, les plus riches sont contents de dire qu'ils financent l'avenir de nos enfants. Le système de Sécurité Sociale a été remis dans le vert. Chaque bénéficiaire a en effet été responsabilisé par une participation forfaitaire de 10€ à chaque acte médical (seuls les plus démunis ou les cas médicaux les plus graves ont gardé une prise en charge à 100%). Les cotisations ont baissé en même temps que le niveau de dépenses. Ces cotisations ont d'ailleurs été transformées entièrement en impôts (type CSG) afin que chacun paie des impôts (le taux marginal de l'IR largement abaissé, le taux moyen d'imposition incluant les contributions sociales ne dépasse pas 25% et l'assiette a été trés largement élargie), se rende compte des coûts associés et n'aie de cesse que de réclamer de l'efficacité de la part des instances régionales. De même, toutes les allocations diverses ont été revisitées, recalibrées et sont devenues "imposables" élargissant ainsi encore l'assiette des personnes payant l'impôt et rendant chacun conscient des efforts fait pour lui par la collectivité...

Au niveau National, la Défense, la Sécurité et les Affaires Internationales. L'Europe ayant beaucoup avancé dans son homogénéisation fiscale et sociale, elle apparaît comme une [con-]fédération harmonieuse de pays ayant des moyens communs (recherche, innovation, transports et énergie notamment) et faisant front commun diplomatiquement et économiquement face aux 4 autres grandes puissances: les Etats-Unis, la Chine, l'Inde et le Brésil. Les administrations centrales aux effectifs très limités dirigés par d'anciens patrons du secteur concurrentiel raisonnent en "task force" apportant consistance et relais entre le niveau européen et les niveaux régionaux et locaux.

Et l'économie dans tout cela ?

Le taux de chômage se situe entre 3 et 5%. Les nouveaux retraités (comme moi) ont d'ailleurs dans leur majorité un "job" à temps partiel pour compléter leur retraite devenue un peu maigre: "l'expérience n'étant pas que la compétence des cons", on m'utilise pour "coacher" de jeunes entrepreneurs. On me trouve un peu trop prudent et modéré mais on me reconnaît un certain bon sens... Comme j'ai pas mal cotisé (euphémisme) durant ma vie professionnelle, la compensation que je reçois ne fait l'objet d'aucune charge sociale.

A côté des grandes multi-nationales, toute une génération de grosses PME Européennes a vu le jour. "Leverageant" les points forts de chaque grande région Européenne, elles sont considérées dans le monde entier comme les entreprises à suivre, celles à qui ont achète vision, innovation, qualité et développement durable, celles qui imposent le "standard" tout en respectant les diversités culturelles et linguistiques . Les équipe de design sont implantées à Milan et Stockholm, celles de R&D entre Cambridge et Grenoble, l'ingénierie à Munich et Helsinki, la production est partagée entre Bratislava et Bucarest et le marketing entre Paris et New-York. Quotée sur l'ECM (European Capital Market), les "brokers" et analystes de Paris, Londres, Frankfurt et New-York ont en fait les stars du 21° siècle...

Même les Anglais, dont on ne louera jamais assez le pragmatisme, on décidé d'adopter l'Euro du fait de sa pré-dominance dans les échanges internationaux !

Bien sûr, ce post ne décrit que le "to be" sachant que vous connaissez tous le "as is". Le chemin qui mène de ce "as is" à ce "to be" n'a pas été un long fleuve tranquille. La "révolution des Jaunes" a amené la forme de catharsis qui était nécessaire pour en arriver là et...

...prise de conscience collective, auto-motricité des organisations, compétitivité comme principale source de fierté, succès économique planétaire ont fait le reste...

...tout en préservant un système sécurisant et efficace à léguer à nos enfants en terme d'éducation, de logement et de santé.

Les fondamentaux d'un monde auquel nous aspirons sans doute tous: le meilleur des mondes pour Emma-Sarah !

J'ai fait un rêve et ça fait du bien...