29 juillet 2006
par JDCh


Les mensonges n'engagent que ceux qui les écoutent

Avant de partir en vacances, j'ai pensé qu'il serait amusant d'être un peu plus polémique et un chouïa plus sociologique que d'habitude.

J'essaie dans la plupart des mes "post" d'être à la fois "libéral et pédagogue" en essayant d'éviter le côté "réac" qui ne me plaît guère mais qui guette naturellement tout rédacteur sur des sujets comme l'obésité de l'État Français, l'électoralisme effronté de nos hommes et femmes politiques, la nocivité de l'attitude défensive de nos syndicats, la partialité (voire l'incompétence) de nos médias ou les excès de certains grands patrons.

En fait, ce "post" pourrait être titré "Tous menteurs !", faire dans la démagogie et lancer un grand appel à l'intégrité et l'honnêteté de nos fonctionnaires, hommes politiques, syndicats, médias et patrons. Chacun serait d'accord que le monde serait ainsi meilleur et que nous pourrions enfin être "dans le meilleur des mondes".

Ce "post" pourrait aussi lancer les "Pinocchios d'or" avec Chirac, Fabius, Démagolène, Sarko, Bayrou... nominés dans la catégorie "Hommes et femmes politiques", Bernard Thibault, J-Claude Mailly, Gérard Aschieri... dans celle des "Syndicalistes", PPDA, Arlette Chabot, Stéphane Paoli... dans celle des "Journalistes" et A. Zacharias, N. Forgeard, Th. Desmarest... dans celle des "Grands patrons".

Et bien, non ! Vous n'aurez pas votre soirée des "Pinocchios d'or" présentée par Drucker, Delarue et de Caunes !

Si vous étiez un fonctionnaire, entré dans un système entre 20 et 27 ans vous offrant un emploi à vie, une retraite moins onéreuse que celle des salariés du privé et une bonne compréhension de comment "survivre voire profiter" de cette situation, vous vous déclareriez "serviteur de l'État et de vos concitoyens" tout en bloquant activement ou passivement toute forme de changement pouvant impacter votre situation "sécurisante". Vous seriez un menteur, ce serait humain.

Si vous étiez un homme politique, soumis à ré-élection tous les 5 ans, conscient des attentes de vos administrés mais conscient également que les médias ou les syndicats mobiliseront la France entière dès que vous traversez la "ligne jaune" qu'ils ont tracée, vous vous déclareriez "au service du Pays, souhaitant vraiment que les 5 prochaines années constituent une étape décisive..." tout en ne votant ou ne mettant en oeuvre que des mesurettes/réformettes dont vous connaissez très bien les limites et la très faible efficacité. Vous seriez un menteur, ce serait humain.

Si vous étiez un syndicaliste, soumis également à ré-élection et guerres politiques intestines, profitant d'un système où votre pouvoir de nuisance est important, votre médiatisation valorisante et vos objectifs totalement flous et incohérents, vous vous déclareriez "au service des travailleurs de ce pays, prêts à négocier ce qui est bon pour eux" tout en décidant que ce qui est bon pour eux, c'est l'immobilisme. Vous seriez un menteur, ce serait humain.

Si vous étiez un journaliste, élevé au biberon "caviaro-socialiste" et/ou motivé uniquement par les indices d'audience, vous vous déclareriez "quatrième pouvoir chargé d'apporter l'information avec un grand "i" à votre public" mais vos choix éditoriaux privilégieraient toujours le sensationnel à l'ennuyeux et vos angles d'approche d'un sujet chercheraient toujours plutôt la polémique que la complétude. Vous seriez un menteur, ce serait humain.

Si vous étiez un grand patron français, vous vous féliciteriez que l'entreprise que vous dirigez soit "un fleuron de l'industrie Française dont nous ne pouvons qu'être fiers" tout en omettant de mentionner que plus de 90% de vos investissements, de vos embauches nettes et de votre croissance se font en dehors de l'hexagone et que votre propension à "partager les fruits de la croissance" est contingentée par cette réalité. Vous seriez un menteur, ce serait humain.

Il se trouve que vous ne portez aucun des 5 costumes décrits précédemment, que vous êtes plus ou moins dupes de ces mensonges mais que la "soupe" que l'on vous sert semble cohérente, que la "pensée unique" vous rassure et que, finalement, une société de loisirs où l'on s'occupe de tout pour vous et pour les autres vous convient. Vous voilà engagé dans une bien mauvaise pente qui est celle dans laquelle la France est engagée depuis 25-30 ans et sur laquelle les "déclinologues" essaient assez vainement de vous alerter sans que nos "menteurs institutionnels" n'aient la moindre réaction qui pourrait déstabiliser leurs "jeu de rôles".

En fait et de plus, lorsqu'il s'agit d'économie et de chiffres associés, les mensonges sont pour la plupart des "mensonges par omission".

Prenons l'exemple de cette information officielle (cf Dépêche de la Documentation Française sur le déficit 2005 de la Sécurité Sociale plus important que prévu: 16.9 au lieu de 11.6 milliards d'euros): les fonctionnaires rédacteurs s'arrangent bien pour que cette information soit suffisamment cryptique pour être interprétable (budget l'État ou de la Sécu, Caisse d'amortissement de la dette sociale, de toute façon, c'est nous qui payons !), aucun homme politique n'a réagi, les syndicats qui, rappelons-le, sont les gestionnaires de la Sécu évidemment non plus, Libération semble être le seul média à avoir a publié un petit article pour fustiger l'honnêteté du gouvernement (et pas forcément pour analyser la réalité de la situation) et le MEDEF et ses membres sont restés muets.

16 Milliards de déficit de la Sécu c'est plus de 1000 € par salarié du secteur privé (ceux qui cotisent), c'est plus d'un demi-mois de salaire moyen... C'est une information que nous n'aimons pas entendre qui se traduira mécaniquement par une augmentation des cotisations qui pèsera soit sur les entreprises, soit sur leurs salariés et plus vraisemblablement sur les deux par l'effet vicieux d'une augmentation permanente des prélèvements obligatoires qui asphyxie à petit feu notre économie...

PPDA aurait pu ou dû titrer "Le gouvernement réfléchit à la suppression d'un demi-mois de salaire pour tous les salariés du privé", on aurait évité le mensonge manipulatoire ou par omission et peut-être que les chiffres seraient devenus intéressants !

Nous pourrions, bien sûr, multiplier les exemples de ce type concernant les déficits et les dettes publiques et la charge financière associée... Une seule solution pour tout résoudre: "porter le taux de prélèvement obligatoire au delà de 100% pendant 1 voire 2 ans"...

Parmi les "déclinologues", il y a une bonne majorité de gens qui pense que seul le chaos verra poindre le début d'une nécessaire réaction et remise en cause de notre système. Je fais partie de ceux qui pensent que l'on peut agir avant ce chaos inéluctable: tout a un coût ou un prix et un coût ou un prix s'énonce toujours en euro (ou autre monnaie sonnante et trébuchante)...

Intéressez-vous aux chiffres, demandez-les, "challengez"-les, méfiez de tous ceux qui disent "ceux ne sont que des chiffres" ou "des chiffres qui font tourner la tête" ou "la dégradation de la situation n'est que de 2,5%", faites des règles de trois, calculez des "ratios" et prenez conscience que tous ceux qui "rasent gratis" ne sont que des menteurs... Les vrais chiffres, eux, ne mentent jamais...

En voilà une bonne résolution pour la rentrée !

En attendant, bonne vacances...

Rédacteur Agoravox



23 juillet 2006
par JDCh


Les privatisations sont-elles une bonne chose ?



















Le débat sur la privatisation de GDF au travers de son éventuelle fusion avec SUEZ fait rage... Pour tout un chacun, notre ministre de l'économie et des finances étant de droite et ancien grand patron de Thomson et France Télécom, il est "libéral" (avec tous les sous-entendus péjoratifs qui s'y attachent dans notre cher pays) et donc: "un libéral, ça privatise" et "privatiser, c'est de droite".

La vraie question, que se pose le "libéral pur beurre" que je suis, n'est pas celle-ci. Celle que j'adresse en rédigeant ce "post" est plutôt: les privatisations sont-elles à la fois une bonne chose pour les finances de notre pays et menées suivant les bons principes ?

Je ne parlerai pas ici d'EDF et GDF car ces privatisations sont fortement corrélées à la déréglementation du marché de l'énergie, sujet qui, à lui seul, justifierait un long "post". Je prendrai donc plutôt l'exemple des sociétés autoroutières ASF, APRR et SANEF ainsi que l'aéroportuaire ADP.

Les trois autoroutières ont le même format: elles perçoivent les péages d'autoroutes (qui constituent l'essentiel de leurs revenus), elles "entretiennent, rénovent et achèvent" le réseau dont elles ont la charge et elles remboursent leur importante dette héritage de la construction des dits réseaux. Elles sont fortement bénéficiaires et amenées à l'être de plus en plus sauf à ce qu'on leur demande de construire de nouveaux réseaux (ce qui ne fait pas partie du cahier des charges de leurs contrats de concession qui prennent fin vers 2032).

Leurs entrées en Bourse remontent à 2002 pour les ASF (décision de L. Fabius) et à fin 2004 et début 2005 pour APRR et SANEF (oeuvre de N. Sarkozy). Avant que Thierry B. ne soit nommé ministre des finances, nous avions donc 3 sociétés autoroutières cotées en bourse dont l'actionnaire majoritaire était l'État qui, soit dit en passant, n'avait pas récupéré grand chose de ce début de privatisation (2 milliards environ en 2002 pour ASF et rien pour les 2 autres puisqu'il s'agissait d'augmentations de capital et non de cessions d'actions).

Les bénéfices d'une telle situation sont maigres: à peine peut-on penser qu'en passant du statut d'entreprise 100% publique à celui de "public company" (au sens anglo-saxon du terme à savoir "société cotée en bourse"), la gestion de ces sociétés se doit d'être un peu plus rigoureuse et orientée vers une meilleure performance économique.

Ceci dit, l'État est à la fois l'actionnaire de contrôle, le bailleur de fonds (la dette est portée par la Caisse Nationale des Autoroutes filiale de la CDC), le signataire du contrat de concession en tant que "concédant" et le régulateur des tarifs (au travers de la Direction des Routes et de la DGCCRF): de multiples casquettes sources de potentiels conflits d'intérêt qui, à mon avis, ne devraient pas rassurer le petit actionnaire...

Notre Thierry B. décide lui de céder entièrement les blocs de contrôle de l'État et en décembre 2005, ASF, APRR et SANEF sont repris respectivement par Vinci, Eiffage et l'Espagnol Abertis. Ces cessions rapportent environ 15 milliards d'euros à l'État qui peut également gommer environ 20 milliards de dettes de son bilan consolidé (sommes à comparer à nos 2000 milliards de dette publique...). Du grand art, rendu sympathique par le fait que les petits actionnaires ayant ensuite apporté leurs titres aux offres publiques de retrait (OPR) ont empoché de confortables plus-values (les plus marxisants d'entre nous diront que ces plus-values auraient dû finir dans la poche de notre cher État... ils n'ont pas totalement tort).

Le seul "couac" du processus: l'échec de l'OPR d'APRR par Eiffage (qui n'a que 81% d'APRR contre 95% nécessaires pour forcer un retrait de la bourse) contré qu'il a été par 2 fonds Américains et Suédois dont on dit qu'ils sont proches de SACYR (groupe Espagnol qui aimerait prendre le contrôle d'Eiffage...). Pas de manque à gagner ici pour l'État Français (sauf à ce que les repreneurs aient "factorisé" dans leur prix de rachat le risque d'échec de ces OPR) et peu de péril pour les petits actionnaires encore présents (un an de patience et ils se verront peut-être offrir une somme supérieure à celle reçue par ceux qui ont apporté leurs titres avant avril 2006).

L'opposition a bien évidemment crié au loup dans cette affaire. Le pathétique Bayrou a parlé de "vente des bijoux de famille" et l'affaire de la prime Zacharias (cf Rémunérations des grands patrons) a un peu entaché le dispositif. Je considère cependant ces opérations comme bienvenues (même si on aurait pu éviter le passage par la coûteuse case "bourse") car:
  • L'État s'est désendetté de façon significative;
  • Le prix payé par les repreneurs semble être le bon (une preuve étant que les fonds d'investissement se sont retirés de la course);
  • Ces sociétés autoroutières sont maintenant clairement des fournisseurs-concessionnaires de l'État sans les conflits d'intérêt évidents cités précédemment;
  • L'État continuera à toucher environ 600-800 millions par an d'impôts et taxes de la part de ces sociétés (sauf à ce que les bénéfices de ces sociétés viennent compenser des foyers de perte au sein des groupes repreneurs ce qui ne semble pas être le cas);
  • Leurs concessions s'achevant dans un peu plus de 25 ans, l'État pourra, à cette échéance, au travers du renouvellement de ces contrats faire jouer la concurrence et obtenir soit la construction de nouveaux kilomètres d'autoroute, soit des revenus complémentaires, soit les deux...

On aurait bien sûr pu faire autrement (et peut-être mieux) en se contenant d'"outsourcer" (reprise des moyens mais pas du chiffre d'affaires généré) l'exploitation de ces réseaux autoroutiers auprès des mêmes groupes en obtenant d'eux un coût plus compétitif que celui délivré par nos chères (sens propre et figuré) entreprises publiques et on aurait ainsi gardé l'essentiel de la valeur économique du côté de l'État: cette approche n'était plus possible dès lors que l'on avait introduit ces sociétés en bourse et surtout l'état de nos finances publiques réclament aujourd'hui de faire l'arbitrage entre "du cash tout de suite" (ce qui a été retenu) et des "recettes régulières" (ce que mon scénario alternatif aurait offert).

Le lecteur doit se dire que je suis un fan de notre ami Thierry B. et que, si c'était simplement pour cela, j'aurais pu éviter de pondre ce "post" laudateur de notre actuel ministre des finances...

En fait les choses se sont gâchées avec l'introduction en bourse de la société ADP (Aéroports de Paris) qui est entrée en bourse récemment. Les 3 principales raisons de mon mécontentement sont les suivantes:

  • Je n'aime vraiment pas ce format d'"entreprise publique cotée" dont l'actionnaire de contrôle est l'État: certes le fait de devoir rendre des comptes aux marchés financiers impose une exigence supérieure à celle d'un simple contrôle par la Cour des Comptes et une vraie stratégie de performance économique mais on ne peut parler de "privatisation", les conflits d'intérêt restent flagrants et ce statut hybride peut amener des aberrations (exemple: lorsque France Telecom en 1999/2000 a fait des acquisitions très coûteuses en "cash" pour que l'État ne soit pas dilué en dessous de 50%);
  • Je me méfie des monopoles sans concurrence qui atterrissent dans des mains privées (ce qui arrivera certainement): en dotant ADP de la possession complète des infrastructures aéroportuaires et du "foncier" sur lequel elles reposent et en ne confinant pas la société à un simple rôle d'exploitant ou de concessionnaire (qui peut donc être remis en concurrence de façon périodique), on se retrouve sur la même trajectoire que les Anglais (avec BAA), trajectoire que les Américains ont jusqu'ici évité à raison;
  • Les raisons de ce mauvais choix de trajectoire tiennent à la très mauvaise santé financière de l'État: on lève un peu d'argent en bourse pour permettre à ADP de faire les investissements qui sont nécessaires dans les 5 ans à venir: on commence ici à vendre un "bijou de famille" avec une vision très court terme.

Bref, le bilan "privatisation" de notre ministre, sur qui les fonctionnaires de Bercy commencent visiblement à avoir de l'influence, est mitigé et l'étude des cas forts différents des sociétés autoroutières d'un côté, et de ADP d'autre part, montre que 3 règles doivent être respectées:

  1. Privatisation doit rimer avec concurrence (exemples: France Telecom, Air France...);
  2. Le modèle de concessions de services publics (à durée limitée) est le seul bon modèle lorsqu'il s'agit de situations durablement monopolistiques (ou équivalentes);
  3. L'État lorsqu'il privatise devrait passer directement de 100% de détention à 0% (ou en tout cas, via un scénario clarifié dès l'origine).

A vouloir mettre en place des schémas différents, transitoires et bâtards, on finit toujours par faire des bêtises: celles consécutives de cette fameuse "économie mixte" dont les Français ne se méfient vraiment pas assez ...

Rédacteur Agoravox



21 juillet 2006
par JDCh


"Liberal" is not a dirty word...


Article sympathique écrit par un étudiant de 20 ans sympathisant d'Alternative Libérale. Rien de révolutionnaire quant à la définition du "libéralisme" mais un débat intense qui s'est engagé parmi les lecteurs d'Agoravox.

La bonne nouvelle: il y a un vrai débat et notre étudiant n'est pas seul en face de tous. De plus, l'article est considéré comme "intéressant" par près de 50% des votants (pas si mal vu le sujet).

La mauvaise nouvelle: il reste un paquet de "fanatiques" de l'Etat qui s'occupe de tout ... mais ça on s'en doutait un peu.

En tout état de cause, vive le WEB et sa capacité à faire communiquer des gens qui, d'habitude, ne se parlent pas.




18 juillet 2006
par JDCh


Permanence du déficit de l'intermittence

Notre ministre de la culture RDDV, qui a l'air gentil (voire charmant) a du quitter le festival d'Avignon hier soir menacé qu'il était par des tomates brandies par quelques centaines d'intermittents du spectacle.

Les manifestants emmenés par la CGT-Spectacle indiquaient que le ministre n'a pas tenu ses engagements et que la situation des intermittents qui aurait dû être réglée au 1er janvier ne l'était pas: pour une fois, je dois avouer être d'accord avec eux...

Notre charmant ministre n'a rien réglé, n'a rien proposé qui régle le problème et léguera à son successeur une situation tout aussi désastreuse.

A moi aussi de brandir une tomate même si la mienne est un peu moins "rouge" que celles de la CGT !

Tout ou presque a été écrit ou dit sur le régime des intermittents mais il est peut-être utile de rappeler les principaux éléments et faits associés:
  • ce régime a été fondé en 1936 et a trouvé sa pérennisation dans 2 annexes à la convention d'assurance chomâge: en 1965, pour les techniciens et ouvriers du secteur audiovisuel (annexe 8) et en 1968, pour les artistes, ouvriers et techniciens du spectacle vivant (annexe 10). Aucune réforme sérieuse de tout cela n'a eu lieu depuis...
  • ce régime connaît un déficit endémique (plus de 900 millions d'euros en 2004) avec un rapport entre cotisations et dépenses qui est vertigineux (476% de déficit en 2004 !). Ce déficit est aujourd'hui porté principalement par les 15 millions de salariés du secteur privé qui cotisent à l'UNEDIC (environ 60 euros par an et par salarié - soit quelques places de cinema ou de spectacle dont ils ne profitent pas !) et les efforts de notre ministre n'ont consisté quasiment qu'à la création de fonds "permanent de professionalisation et de solidarité" de l'ordre d'une centaine de millions d'euros financé par l'Etat donc par l'ensemble des contribuables...
  • ce régime couvre environ 100.000 personnes (dans une industrie qui en emploie environ 300.000 personnes soit à peu près le même poids économique que l'industrie automobile) dont environ 40.000 pour lesquels les indemnités "chômage" pèsent plus de 50% de leurs revenus annuels. Il y a sans doute sur-effectif dans le secteur...
  • ce régime a été largement détourné par les entreprises du secteur audiovisuel (notamment Radio France plus gros employeur de comédiens en France) , plus anedoctiquement par le comité d'entreprise d'EDF (fief de la CGT et gros organisateur de spectacles) et surtout par leurs sous-traitants suivant un système de fraude bien huilé par lequel l'employeur ne paie que les charges sociales de façon à permettre à l'intermittent d'avoir officiellement son "quota" d'heures travaillées et de toucher ses indemnités !
  • ce régime est parfaitement inégalitaire puisque, si l'on compare le régime général à celui des intermittents: il faut travailler au moins 12 mois pour être indemnisé 14 mois pour un salarié "classique" alors que 10 mois suffisent pour être indemnisé pendant 24 mois pour un intermittent (calcul fait sur une période de 5 ans).
  • ce régime est une "usine à gaz" que je n'ai pas le courage de vous décrire: je vous invite juste à visiter le site de notre cher (au sens propre et figuré) ministère de la culture et notamment les édifiants exemples de "situations concrètes" qui y sont présentés.
  • ce régime comporte enfin une "perle" "Si l’intermittent n’atteint pas 507 heures de travail dans son métier, les heures effectuées dans d’autres activités pourront se cumuler et ouvrir droit au régime général d’indemnisation (cas de perte du statut d’intermittent)" qui explique à la fois l'attachement à ce statut et la très faible motivation qu'il peut y avoir pour ces intermittents à accepter d'autres "jobs" déclarés à côté...

Tout ceci me rappelle la blague habituelle faite à Los Angeles à quelqu'un qui déclare "je travaille dans le cinéma" et à qui son interlocuteur répond "ah oui ! dans quel restaurant ?".

Le grand paradoxe de tout cela réside, en fait, dans la création d'une hyper-flexibilité du travail dans un secteur où les employeurs en ont abusé alors que l'on refuse, par ailleurs, traditionnellement toute forme de flexibilité (ou de compétivité accrue, cf précédent "post" Service non compris).

Si le statut d'intermittent du spectacle était tout simplement celui des intérimaires (comme cela a été fait en Belgique où les agences de travail temporaire jouent un rôle d'administrateur/"purificateur" du système), si les électriciens du spectacle en manque d'activité complétaient leur activité "culturelle" par des "interims légaux" au sein des entreprises du bâtiment qui cherchent désespérément de la main d'oeuvre, si les actrices, chanteuses ou danseuses en herbe faisaient de même dans la restauration, le tourisme ou l'hôtellerie...

Bref, si simplifier, responsabiliser et réformer était le pain quotidien du sieur de Vabres, la fameuse "culture Française" n'en souffrirait pas et son "exception" serait bien moins coûteuse... Tout ceci mérite bien quelques tomates !

A propos de tomates, je vais m'en prendre quelques unes au travers des commentaires des lecteurs de ce billet: c'est vrai que toucher à la sacro-sainte "culture" et vouloir, voire oser, l'assimiler avec le "monde réel" est un vrai tabou...

Je me consolerai avec le philosophe chinois Lao-tseu qui écrivait:

Plus règnent tabous et défenses, et plus le peuple s’appauvrit.
Plus abonde l’intelligence, et plus elle produit d’étranges fruits.

Rédacteur Agoravox



09 juillet 2006
par JDCh


Fusions-acquisitions: des mots qui font peur...

D'après une étude publiée récemment par Thomson Financial l'activité de fusions/acquisitions (appelées aussi "fusacqs" ou en anglais "M&A" pour "Merger and Acquisitions") a progressé de 31% si l'on compare le premier semestre 2006 à celui de 2005 et a généré plus de 20 milliards de dollars de "fees" pour les banques d'affaires intermédiaires dans ces transactions. Plusieurs milliers de millards de dollars de valeur d'entreprise ont changé de mains au cours du dernier semestre...

Avant d'essayer de décoder pourquoi ces opérations sont de plus en plus nombreuses, il est peut-être utile de rappeler que ces fameuses "banques d'affaires" sont effectivement, en général, des filiales de grandes banques mais ont un rôle très différent du rôle traditionnel de prêteur et teneur de compte d'une banque. Les plus célèbres intervenants de ce type sont les américains Goldman Sachs, JP Morgan, Morgan Stanley, Merill Lynch... ou les européens RBS, UBS, Deutsche Bank, Lazard, BNP-Paribas...

Si l'on fait une comparaison avec l'immobilier, ces banquiers sont, en fait, les agents immobiliers: ils signent un mandat avec les actionnaires d'une société qui souhaitent céder l'entreprise et ils organisent la vente de cette société auprès d'acteurs dits "industriels" ou de fonds de capital-investissement. En général, ce mandat comprend une petite partie fixe (appelée "retainer") et une grosse part variable dépendant du succès de l'opération et du prix obtenu pour ladite cession (on parle ici de "success fees"). On notera que vendre une entreprise est plus compliqué que vendre une maison et que ma comparaison a simplement pour objectif de mettre en avant le rôle d'intermédiaire joué par les banques d'affaires. Les "success fees", correspondant à quelques pour cent du montant de la cession, constituent la principale rémunération de la banque et la base des bonus des banquiers d'affaires (en anglais improprement appelés "investment bankers" puisqu'ils n'investissent pas).

Ces banquiers d'affaires, qui avaient connu une très faible activité voire le chômage après le 11 septembre, profitent aujourd'hui à plein d'une activité absolument "booming". Ils travaillent "jour et nuit", gagnent beaucoup d'argent et rentreront à nouveau en hibernation lors du prochain cycle de ralentissement économique... Appelons cela de la précarité prospère !

Mais revenons au pourquoi de cette embellie et aux conséquences sur les entreprises concernées et leurs salariés qui, en général, ont un frisson dans le dos lorsqu'ils apprennent que leur entreprise va faire l'objet d'une opération de fusion/acquisition.

Une partie de la croissance du nombre de transactions est due à la multiplication des opérations dites "secondaires" à savoir des opérations où un fond de "buy-out" (cf Ces méchants fonds d'investissement) revend après quelques années de détention une société à un autre fond de même type. Vu l'argent disponible pour ces acteurs du "buy-out" et la nécessité pour eux de "faire tourner le portefeuille", il est normal d'observer une augmentation forte de ce type d'opération: on remarquera simplement que, dans l'immense majorité des cas, il s'agit d'entreprises en bonne santé, fortement "cash generative" (afin de pouvoir être endettée et de profiter du fameux "effet de levier") et pour lesquelles le changement d'actionnaire du fond X au fond Y aura finalement très peu de conséquences: la stratégie sera peut-être légèrement infléchie, le management sera dans 99% des cas reconduit et les éventuelles restructurations seront marginales dans la mesure où c'est sous l'impulsion du premier fond (et non du fond repreneur) qu'elles ont déjà été mises en oeuvre.

Contrairement aux idées reçues, une entreprise dont le contrôle passe de financier à financier est peu affectée par ce changement d'actionnaire et sa résistance en "stand alone" (i.e en tant que société indépendante de tout groupe industriel) est une démonstration de sa pérennité et de sa solidité économique.

Une autre explication de cette augmentation des "fusacqs" est, bien évidemment, la globalisation de l'économie qui implique que la concurrence peut venir de n'importe où et qu'une entreprise qui n'a pas une couverture géographique suffisante et une part de marché au niveau mondial suffisante est quelque part menacée à court ou moyen terme de disparition. Ses actionnaires et ses dirigeants décident donc pour pérenniser l'entreprise de lui chercher des alliés (on parle alors de "fusion entre égaux") ou un adossement (cas d'une acquisition par un plus gros). Plus le métier est "industriel" et potentiellement "commoditisé" (un marche "commoditisé" est un marché sur lequel le prix est quasiment l'unique critère d'achat), plus ce type de consolidation est fréquent et surtout nécessaire.

Ainsi, il est probable que Compaq le fabriquant de PC n'aurait pas survécu sans avoir été gobé par Hewlett Packard, que Citroën n'existerait plus sans son rapprochement avec Peugeot, que Sony ou Ericsson aurait cessé de produire des téléphones portables sans leur alliance, que Fina voire Elf et Total auraient été marginalisés dans le club des géants du pétrole sans leur association à trois, qu'Arcelor allié à Mittal et Defasco est plus fort, que GDF et Suez achéteront mieux le gaz qu'ils distribuent une fois combinés... bref on pourrait citer des centaines d'exemples.

Il est important également de noter que ces méga-fusions entraînent par rebond une consolidation de leurs sous-traitants dont la liste est restreinte et qui ont besoin d'être plus forts dans leur relation avec ces méga-donneurs d'ordres. Exemple, Valeo et Faurecia ont procédé à de très nombreuses acquisitions pour garder une masse critique et être capable de servir l'industrie automobile et leurs grands clients dans le monde entier. Autre exemple: il y a eu une très forte consolidation du secteur des SSII (et d'autres sous-secteurs du service aux entreprises) car celles-ci, pour servir leurs grands clients internationaux, se devaient d'être agrégées dans des réseaux continentaux ou mondiaux.

Le phénomène décrit de consolidation s'arrête en fait lorsque les autorités de contrôle de la concurrence le décident, lorsqu'une situation de duopole ou d'oligopole apparaît et que l'intérêt des clients (notamment des consommateurs) est directement ou indirectement menacé. On ne verra pas la fusion Boeing-Airbus tant qu'aucun avionneur asiatique n'aura émergé et créé une véritable alternative. Il est probable que la Commission Européenne (ou les autorités "anti-trust" Américaines) refuserait une fusion Microsoft-SAP ou un rapprochement Orange-Vodafone....

L'ensemble des opérations de "M&A" conduisant à cette consolidation des secteurs globalisés (et souvent "commoditisés") ont bien entendu des conséquences sur l'emploi: des sites de R&D ou de production sont amenés à être fermés, les effectifs administratifs et marketing sont centralisés et diminués, seuls les effectifs "locaux" faisant face aux clients (et devant être à proximité de celui-ci) sont en général intouchés (sauf fort "overlap").

Si vous travaillez dans un secteur dont le taux de croissance est faible et dans lequel la pression concurrentielle sur les prix ou les marges est intense, votre entreprise est candidate à la consolidation et n'a malheureusement pas le choix: se marier, "gober" ou se faire "gober" ou à court/moyen terme disparaître. C'est le côté Darwinien de l'économie...

Il existe une troisième raison à l'augmentation du nombre d'opérations de "M&A", il s'agit de "l'économie de l'innovation", celle dans laquelle nous sommes rentrés et qui constitue l'une des opportunités principales pour les Etats-Unis ou l'Europe de l'Ouest de préserver leurs poids économiques actuels. Pour que cette économie fonctionne, il faut entretenir un foisonnement d'initiatives favorable à la créativité, au "try and fail" ("essayer et rater") et à la mise sur le marché de produits ou services que consommateurs et entreprises vont peut-être adopter créant ainsi des nouveaux usages, des nouveaux marchés et des nouveaux secteurs économiques.

Ce foisonnement est, en général, le fait de petites et moyennes entreprises financés par des entrepreneurs individuels, des "business angels" ou encore des capital-risqueurs/capital-developpeurs et, plus rarement, le fait de grands groupes établis même s'il existe des contre-exemples (Nokia, Apple, Sony pour en citer un par continent).

Les "startups" innovantes sont des cibles d'acquisition naturelles pour les acteurs établis. Ils y voient une forme de "R&D" externalisée (Cisco par exemple a pratiquement toujours lancé une nouvelle gamme de produits sur la base d'une acquisition dans le segment concerné) et un relais de croissance dont ils ont absolument besoin (Oracle ou BusinessObjects ont aujourd'hui un rythme d'acquisitions qui n'a rien à voir avec l'époque où leur croissance organique seule leur permettait de créer de la valeur pour leurs actionnaires).

Ils y voient aussi un effet de levier financier affectant favorablement leur cours de bourse. Exemple: si la société côté l'est sur la base d'un multiple du résultat net de 20, que je peux faire une acquisition sur un multiple de 10 appliqué à la société cible et que, en plus, par effet de synergies le résultat net de ma nouvelle filiale va être "boosté" de 50%, le million d'euros de résultat acheté 10 vaudra "mécaniquement et théoriquement" 30 millions un an après l'acquisition...

Ce phénomène de rachat massif par les grands acteurs de petits ou moyens acteurs innovants est actuellement extrêmement fort car il correspond à la fois à un phénomène de rattrapage (les grands groupes ont coupé dans leurs coûts durant la période 2001-2004 et notamment dans leurs efforts de R&D) et à des phénomènes de rupture qui changent l'économie de certains secteurs: la téléphonie internet, la presse d'information gratuite, les médicaments génériques, l'adoption du mobile par les "teen agers", le transport aérien low cost, le prêt à porter façon Zara... et dont des acteurs nouveaux ont su profiter intelligemment.

Pour ce qui concerne les actionnaires et les dirigeants de ces PME innovantes, ils ont bien conscience que construire en continuité une entreprise pesant des milliards de chiffre d'affaires sera long, épuisant et peut-être impossible. Ils préfèrent donc "valoriser" leur investissement et succomber aux sirènes des grands acquéreurs.

Pour leurs salariés, certains seront contents de rejoindre une structure plus protégée (à court/moyen terme) et d'autres qui préfèrent avoir de l'impact, de l'autonomie et une vie professionnelle plus haletante décideront de quitter quelque temps après leur intégration dans le grand groupe: ils jetteront alors leurs dévolus sur une nouvelle "startup" prometteuse. Appelons cela de la précarité éclairée...

Une grande partie des collaborateurs des PMEs innovantes connaissent ces règles du jeu, ont intégré la nécessité d'être mobiles intellectuellement et parfois géographiquement et finalement ne redoutent que fort peu ces fameuses "fusacqs": elles correspondent simplement à la fin d'un cycle et au début d'une autre aventure...

En résumé de tout cela, le raisonnement contre-intuitif par lequel on est moins précaire dans une entreprise contrôlée par des fonds d'investissement ou bien mieux armé pour affronter la globalisation de l'économie lorsque l'on participe à l'économie de l'innovation est un raisonnement juste. Si deux-tiers des jeunes Français veulent être fonctionnaires, cela est sans doute dû au fait qu'on ne leur a pas dit qu'il existait autre chose que des secteurs "commoditisés" et menacés par la mondialisation et la concurrence des puissantes émergentes !

PS: Seulement 30% des scénarios de fusions-acquisitions délivrent la "création de valeur attendue" et le savoir faire "post-M&A" des managers des entreprises est encore en cours de construction. Cela vaudra sans doute un nouveau "post" dans les mois à venir. Celui-ci est bien assez long !

Rédacteur Agoravox



06 juillet 2006
par JDCh


Interview d'un entrepreneur


Ci-dessous interview de Denis Payre que j'ai croisé la semaine dernière à l'assemblée générale de l'EBG.

Pas de commentaire particulier si ce n'est que,encore une fois, Denis est à la fois pertinent, intelligent et utile...

Interview de... Denis Payre (Kiala): "La classe politique ne comprend pas les entrepreneurs"

par Denis Payre, co-fondateur de Business Objects et de l’association Croissance Plus, président de la société Kiala, dont il est l’un des principaux actionnaires

Vous ne rentrez plus à Paris en septembre. Pourquoi ?

- J’ai décidé de repousser ma décision de rentrer car les perspectives de développement pour mon entreprise Kiala, basée en Belgique, se multiplient partout en Europe. Il est impossible de gérer les équipes à distance et j’ai du mal à imaginer de travailler à Bruxelles tout en vivant à Paris. Je souhaite avoir une vie de famille à peu près normale et j’aurais peut-être pu consentir quelques efforts si le Parti Socialiste n’avait inscrit la suppression du bouclier fiscal comme l’un des enjeux majeurs de son programme présidentiel.

Cette position est-elle vraiment surprenante ?

- Oui, car je connais bien les dirigeants socialistes pour avoir beaucoup travaillé avec eux lorsque je présidais Croissance Plus, notamment Dominique Strauss-Kahn. Certains représentants du PS ont reculé de plusieurs années sur la compréhension du rôle des entrepreneurs dans la société et des entreprises en général. Sur ces questions, nous manquons en France de porte-parole crédible chez les politiques qui choisissent trop souvent la solution de facilité qui est de ne rien faire ou d’aller contre, comme l’a fait François Hollande, en disant qu’il n’aimait pas les riches. Je suis surpris.

Vous avez le sentiment de vous retrouver dans la situation de 1998, lorsque vous vous êtes exilé pour raisons fiscales ?

- Quand je suis parti, je n’avais pas les moyens de payer: 90% de mon patrimoine était sous forme d’actions que je ne pouvais pas vendre. Je n’avais pas le choix. Aujourd’hui, j’aurais la possibilité de revenir, mais je serais confronté à un impôt trois fois supérieur à mes revenus annuels, si le bouclier fiscal était supprimé.

Il n’y a donc plus de place pour le créateur d’entreprise en France ?

- Le problème de fond, c’est l’image de l’entrepreneur et de l’entreprise dans la classe politique et dans la société française. Ce qui est paradoxal puisque le pays est confronté à des déficits importants et à un taux de chômage élevé. Or l’entrepreneur, créateur de richesse est susceptible d’aider à résoudre les deux problèmes. Il génère des flux fiscaux et des flux sociaux. C’est aussi un créateur d’emploi. Il est paradoxal que l’on ne fasse pas tout pour essayer de garder ces gens là. D’autant plus que les cycles s’accélèrent: on crée une première entreprise en France et la deuxième, on part la créer à l’étranger. Voilà le nouveau modèle. On casse la dynamique et tous les serials entrepreneurs s’en vont, les uns après les autres.

-Vous estimez que l’Etat joue mal son rôle ?

- Il y a une réécriture de l’histoire économique en France par des gens qui ne la connaissent pas. Ils nous expliquent que la réussite économique est essentiellement due à l’intervention directe de l’Etat. C’est absolument inexact. La réussite de la France qui a fait que ce petit pays -1% de la population de la planète- est devenu une des premières puissances économiques mondiales, c’est parce qu’à chaque génération il y a des Français ont créé des entreprises. Il y en a eu des dizaines de milliers à chaque génération, qui ont créé Peugeot, Michelin, Cap Gemini Accor… Ce sont ces gens là qui ont fait la puissance économique de la France. L’Etat a joué un rôle en fournissant les infrastructures qui ont permis à ces gens là de réussir. Mais l’on oublie complètement l’importance de l’initiative individuelle d’une poignée de Français, qui figurent ensuite dans les listings des gens les plus fortunés.

Que pensez-vous de la polémique actuelle sur les stock-options des grands patrons français ?

- Il y de vrais comportements déviants d’un certain nombre de chefs d’entreprise qui ne sont pas des vrais entrepreneurs au sens où je l’entends. Un entrepreneur est celui qui crée. Le terme a été détourné habilement par l’ex-président du Medef Ernest Antoine Seillière. Certains patrons ne font rien pour améliorer la situation. Il y a de vrais comportements prédateurs, comme celui de l’ancien patron de Vinci, quels que soient ses mérites par ailleurs. Quand j’ai commencé à militer au sein de Croissance Plus, dans les années 90, le comportement prédateur notoire, qui fut d’ailleurs à l’origine de la loi sur les stock-options, était le P-DG d’Elf Aquitaine: il s’était attribué des stocks options avec une décote gigantesque, générant une plus-value immédiate sans aucune prise de risque. L’Etat avait, donc, considéré les stock-options comme du salaire et les sociétés comme la nôtre qui avaient distribué des stock-options à tous les salariés, se sont retrouvées en danger.

Les Français ont un rapport compliqué à l’argent…

- On voit toujours l’argent comme quelque chose de sale et de malsain, mais ce n’est pas spécifiquement français. En Allemagne, quand on réussit, c’est que l’on a fait quelque chose de mal, et profité de l’autre. On a réussi contre la société. Mais les Allemands ont réussi à surmonter cette suspicion, ils ont notamment supprimé l’ISF.

Etes vous favorable à la suppression de l’ISF, en France ?

- Pas forcément. Il y a un début de consensus sur un élargissement de l’assiette et un taux beaucoup plus bas. Il faut le rendre plus tolérable et faire en sorte qu’il concerne plus de gens. On peut aussi réfléchir à des aménagements, comme de permettre d’investir 50% de son ISF dans des jeunes entreprises. Pour l’heure, cet impôt continue à inciter les gens à investir dans le passé, les œuvres d’art. Il faut aussi prendre en compte le phénomène d’argent papier. Taxer de l’argent virtuel comme s’il était liquide démontre une totale méconnaissance du fonctionnement des entreprises et de l’économie.

Faut-il réformer le droit de succession ?

- Il est peut-être injuste que l’Etat prélève autant, mais exonérer totalement est inapproprié. Il faudrait des incitations à donner. Je suis très admiratif de Bill Gates et Warren Buffett sur ces questions là. Dans une société devenue matérialiste, que les deux hommes les plus riches du monde décident d’adopter cette démarche, je trouve cela remarquable. Je n’ai pas de fondation pour l’instant mais je n’exclue pas d’en avoir un jour. Je cèderai un peu d’argent à mes enfants mais in fine, je serai amené à donner. Quand on a entrepris et réussi, on a le devoir de rendre à la société. Ca n’a pas de sens de garder des sommes considérables pour les céder à ses enfants qui n’ont aucune légitimité pour les gérer.

Vous reviendrez donc en France lorsque la situation de Kiala sera stabilisée ?

- Certainement. Il faudrait aussi que le bouclier fiscal soit pérennisé. Même s’il ne suffira pas à faire revenir beaucoup d’expatriés en France, je m’en contenterai, mais je fais partie d’une extrême minorité. Quand j’ai parlé de mon retour à des entrepreneurs français à Bruxelles, ils m’ont pris pour un fou. Pour ma part, je ne me détermine pas que par rapport à la fiscalité: j’ai des enfants qui ne connaissent pas leur pays, j’ai moi-même très envie de revenir en France. Je me suis donné deux ans.

Propos recueillis par Gilles Fontaine, journaliste à Challenges