27 février 2007
par JDCh


L'irrésistible ascension de Calibayrou

Je n'ai, jusqu'ici, raillé qu'une seule fois notre cher troisième homme du Béarn (et ce n'était pas pour la gifle infligée au petit fouilleur de poches... cf Un député qui n'aime pas les sushis). J'ai, par contre, pronostiqué l'irrésistible ascension de Calibayrou depuis plusieurs mois. Il se trouve que notre troisième homme pourrait bien devenir le premier et, pour être honnête, je n'arrive pas à savoir si ce scénario serait une catastrophe ou non.

Une chose apparaît maintenant comme presque évidente: si Calibayrou est au second tour, il sera Président de la République. En effet...
  • dans l'effrayante hypothèse où il se retrouverait contre Le Pen, le plébiscite "républicain" qui nous a valu 5 années de "Chiraquaneries" se reproduirait;

  • s'il devait affronter Démagolène, la France de droite qui est majoritaire (selon les sondages) le choisirait pour "éviter le pire" et le retour au socialo-communisme;

  • plus intéressant, face à Sarkoléon, sa victoire serait due à une mobilisation de la gauche et des indécis à qui Sarkosix "fait peur" avec sa "rupture même tranquille".

Calibayrou, pour ce retrouver dans cette enviable position a, pour l'instant, très bien joué ses cartes:

  • victime boudée par les média, bousculant Claire Chazal en fin d'année dernière, il fait maintenant la une des magazines grands publics tel Robert Redford chuchotant à l'oreille des chevaux, forme moderne de Henri IV sur son cheval... alezan...

  • surfant sur la faible crédibilité des deux "partis de pouvoir", l'UMP et le PS, il ringardise le débat bipolaire et évite toute surenchère dans ses peu nombreuses propositions...

  • faisant miroiter le fantasme du gouvernement d'Union Nationale où "les hommes et les femmes de bonne volonté" -"les meilleurs de gauche comme de droite"- se réuniraient dans un même projet "bon pour le pays", il crée l'illusion que les choses pourraient changer sans proposer la moindre rupture...

Je suis allé à la pêche sur Internet pour savoir à quelle sauce (béarnaise) notre ami souhaiter assaisonner la France s'il était l'Elu. L'essentiel se trouve derrière ce lien sachant qu'un livre est attendu dans quelques jours pour parachever sans doute cette construction fragile entre le rien et le peu, entre le raisonnable et le démagogique ou entre la sociale-démocratie et la démocratie chrétienne.

Funambule dans son positionnement, Calibayrou porte un avis plutôt qu'il ne propose d'agir. Petite revue très personnelle des thèmes abordés...

  • provincial, élu local de longue date, il prône décentralisation et regroupement des conseils régionaux et généraux ce qui va dans le bon sens. Prudent et ancien ministre impuissant de l'Education Nationale, il exclue celle-ci de toute forme de régionalisation... Faut pas fâcher Aschieri et ses amis...

  • agrégé de lettres mais pas énarque, il annonce vouloir changer la "nature de l'ENA". Début intéressant même si l'on reste sur sa faim...

  • en bon père de famille, il appelle à des gains de productivité de l'Etat de 2% par an, fustigeant pudiquement les fonctionnaires des impôts mais se gardant bien d'être plus précis. En bon gestionnaire, il propose de réduire le déficit et la dette sans proposer la moindre baisse d'impôt. C'est logique mais ça "dynamise" pas vraiment...

  • ratissant à gauche, il appelle à une re-nationalisation et fusion de EDF-GDF. Il a raison de dire que ces pseudo-privatisations où l'Etat reste actionnaire de contrôle ou de blocage sont bâtardes. Il ne croit visiblement pas à la dérégulation et à la mise en place d'un marché concurrentiel de l'énergie...

  • rameutant toujours sur sa gauche, il dénonce les abus commis par les grandes sociétés de l'audiovisuel pour expliquer le déficit abyssal du régime des intermittents du spectacle. Un peu court comme explication...

  • européen convaincu -et il faut lui rendre hommage d'être resté fidèle à cette "grande idée"-, il propose de re-soumettre à référendum un traité de constitution européenne plus digeste. Là, il prend des risques mesurés puisque Sarkoléon et Démagolène sont sur des positions similaires...

  • aussi couard que Sarkosix, il ne propose pas de supprimer l'ISF mais de le remplacer par un impôt sur le patrimoine à taux fixe (1 pour 1000) sans niche fiscale. On comprend qu'il ne veuille plus de l'exemption Fabiusienne des oeuvres d'art mais pense-t-il sérieusement ré-incorporer l'outil de travail sans provoquer l'exode des sièges sociaux et des dirigeants-actionnaires et la fureur des petits patrons ?
  • courageux mais pas téméraire puisque les sondages confirment l'adhésion majoritaire des Français, il annonce une refonte des régimes de retraites y compris des régimes spéciaux. C'est bien...

  • dans les pas de Sarkosix, esquivant toute remise en cause des 35 heures, il propose une exonération de charges sociales pour les heures supplémentaires tout en prônant une rémunération majorée de 35% pour les salariés. Sûrement assez populaire mais lourdement inefficace...

  • enfin, sa proposition de 2 emplois-francs par entreprise est sans doute la plus originale et la plus prometteuse. Bien que difficile à appliquer (qui est le n+unième salarié d'une entreprise qui à la fois voit partir et embauche des collaborateurs au cours d'un exercice ?), elle ouvre une voie nouvelle qui serait celle d'un "discount" sur les charges sociales pour les entreprises qui augmentent leurs effectifs (ou leur masse salariale). Bien instrumentée, appliquée aussi bien aux entreprises indépendantes qu'aux groupes consolidés, on pourrait derrière cette idée faire atterrir progressivement le niveau moyen des charges sociales à un niveau moins castrateur économiquement. Avec un peu de chance, cette mesure réduirait sans doute nos déficits sociaux si elle correspondait à une période de création nette d'emplois...

En conclusion, Calibayrou est au Caprice des Dieux ce que Sarkoléon est au Camembert...

Raisonnable, pondéré, quasi-immobile dans une posture de négation plus que d'affirmation, notre ami, moins ridicule que sa marionnette des guignols, dit peu de bêtises mais n'est franchement pas le "leader du sursaut" dont notre pays a besoin. Sans doute les Français n'aiment-ils pas sursauter et préfèrent-ils continuer leur paisible déclin somnolent !



Ceci dit, c'est toujours mieux qu'une "vache qui sourit trop" !

    Repris par Rédacteur Agoravox



    22 février 2007
    par JDCh


    Sarkosix et son bouclier, la suite....

    J'ai déjà déclaré ma défiance vis à vis du fameux bouclier fiscal proposé par notre ami Sarkosix (cf Sarkozix tombe de son bouclier): il s'agit d'une mesure de rafistolage qui ne profitera qu'aux "retraités d'Arcachon".

    Pour des raisons que j'ignore, notre ami a déclaré hier qu'il remettait à l'étude ce projet qui est "plus complexe que prévu": la grande question semblant être doit-on inclure la CSG/CRDS ou pas dans le fameux "cap" à 50%... Je crains le pire, le rafistolage va tourner à l'usine à gaz...

    Une vraie réforme fiscale consiste à supprimer l'ISF et à transformer l'IRPP sur les revenus d'activité (ou de remplacement) en une "almost flat tax": au moins c'est simple ! Pourquoi ne pas proposer ce "new deal" fiscal aux Français ?

    Je suis prêt à parier maintenant que Sarkoléon va revenir sur son projet de défiscalisation des heures supplémentaires et leur exonération de charges sociales qui est également une solution de type "rafistolage" et "usine à gaz" (cf Le travail c'est la santé...). Pourquoi ne pas simplement revenir sur les 35 heures et rendre "contractuelle" la durée du travail ?

    Nos candidats sont, en fait, tous dans le "pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?" et l'espoir de voir de vraies réformes rafraîchissantes économiquement semble s'évaporer au fur et à mesure que la campagne se déroule.

    C'est triste car l'opportunité est historique...



    20 février 2007
    par JDCh


    Soeur Marie-Démagolène

    Vu et entendu sur TF1 hier soir...

    "Bravo, vous avez très bien posé cette question et c'est une très bonne question. Eh bien, je vais vous le dire, je suis d'accord. Il n'est pas bien qu'il y ait des choses pas bien dans notre pays. Je suis pour une France du bien, je veux être la Présidente qui fait du bien. C'est pourquoi, dans mon pacte présidentiel, j'ai fait la proposition de déshabiller Paul pour habiller Luc... Si Paul a mal ? Je m'occuperais aussi de Paul pour qu'il ait moins mal."

    Amen !



    19 février 2007
    par JDCh


    Airbus: un "clash" annonçant le "crash" ? (épisode 6)

    Suite du feuilleton...

    Les dirigeants de EADS/Airbus sont dorénavant coincés entre les demandes expresses et ingérantes de l'Etat actionnaire Français et les pressions politiques exercées par l'Allemagne qui, en écho à l'attitude du gouvernement Français, se voit obligée de faire monter les enchères pour protéger ses sites industriels...

    L'intérêt social -au sens propre- d'Airbus, sa capacité à rattraper le retard sur son grand concurrent Boeing, à assumer les surcoûts encore non chiffrés précisément du programme A380 et à sortir dans les coûts et les délais son nouvel A350 sont assez loins des préoccupations des intervenants. Tout ce petit monde a l'air de penser que l'organisation issue des années 70 d'Airbus qui instaurait un partage des sites entre les différents pays contributeurs (et notamment entre la France et l'Allemagne) n'était pas si mauvaise même si il est reconnu qu'elle entraîne des coûts et délais importants en raison de la nécessité de faire "voyager" des bouts d'avion à travers l'Europe et de procéder à un assemblage de type "puzzle" (en espérant qu'il ne manque pas de pièce !) en fin de course.

    Monsieur Gallois (co-président d'EADS et président d'Airbus) essaie de convaincre tout le monde que, sans son plan de restructuration POWER8, Airbus file un très mauvais coton qui pourrait l'amener à connaître des pertes importantes et durables. Nos politiciens Gaullois et maintenant Germains n'en ont rien à faire. La politique industrielle, ils connaissent, c'est leur terrain de jeu...

    Comme tout enfant, ils leur arrivent de casser leur "joujou" et, si cela arrive, ils pleureront à chaudes larmes... tout en blâmant on ne sait qui des erreurs gravissimes qu'ils sont en train de faire commettre à l'entreprise !

    Tout ceci risque bien de finir dans un bain de pertes, de restructuration bien plus lourde qu'annoncée et de revers commerciaux de plus en plus nombreux... Le cercle vicieux de l'économie "pilotée" par le politique !

    cf Épisode 1
    cf
    Épisode 2
    cf
    Épisode 3
    cf Épisode 4
    cf Épisode 5



    13 février 2007
    par JDCh


    La "pragmatitude" de Démagolène

    Vous connaissez tous mon immense admiration pour notre chère Démagolène ! J'ai, cependant, décidé dimanche soir de décortiquer son fameux "pacte présidentiel" et de regarder avec la plus grande objectivité possible ce qu'il contenait...

    Il y a bien évidemment dans ce programme des propositions contre lesquelles on ne peut pas être contre mais, pour la plupart d'entre elles, la question subsidiaire qui se pose immédiatement est "combien ça coûte ?".

    J'ai entendu Jean-Marie Cavada, qui est en général un homme prudent, parler de 80-100 milliards de dépenses supplémentaires soit 2 à 3 fois le déficit budgétaire actuel ou encore 5 à 10% d'accroissement de notre endettement public tous les ans: Démagolène a bien fait d'évacuer ce problème de dette et de déficit en introduction de son discours et ne plus y revenir ensuite !

    Mais tel ne sera pas le propos de ce "post".

    J'ai en effet préféré isoler trois propositions dont l'intitulé est extrêmement flou, dont l'applicabilité est contestable et qui font sans doute appel à la crédulité supposée de nos concitoyens pour les encourager à voter pour "celle qui rase gratis". Je suis, bien entendu, resté dans mon domaine de compétence principal à savoir la vie des entreprises. Décortiquage...

    Proposition n°4: Donner la priorité à l'investissement des entreprises avec un taux d'impôt sur les sociétés plus bas si le bénéfice est réinvesti et plus haut s'il est distribué aux actionnaires.

    Cette première proposition assez floue dans son intitulé est compréhensible: Démagolène pense que l'ensemble des sociétés sont cotées en bourse et soumises à la pression des actionnaires (sans doute d'affreux fonds d'investissement) qui exigent leurs coupons annuels !

    Les sociétés cotées en Bourse sont plusieurs centaines (contre presque 3 millions d'entreprises de toute taille en France), toutes n'ont pas la pression des sociétés du CAC40 et je rappelle que la valeur d'une entreprise est basée sur ses profits futurs: si une société investit pour plus tard dégager des profits plus importants et que le plan d'investissement qu'elle présente est crédible alors sa valeur monte. Ceci est aussi vrai pour les entreprises cotées qui présentent leurs plans aux actionnaires et aux analystes...

    Concernant les PMEs et TPEs, il n'est pas rare de voir des patrons ré-investir l'ensemble des bénéfices car, faisant cela, ils ne paient pas (ou peu) d'impôt sur les sociétés et ils "créent de la valeur" pour le jour futur où ils seront amenés à valoriser en bourse leur société ou la céder à une plus grosse entreprise. Il existe également, à l'inverse, beaucoup de petits patrons-actionnaires qui profitent d'une très faible rémunération car il ne souhaite pas peser économiquement sur leur entreprise et qui se versent des dividendes "les bonnes années"...

    Ces mécanismes semblent ignorés par Démagolène.

    Enfin et surtout, je trouve la proposition inapplicable car fondé sur un arbitraire qui obligerait un inspecteur des impôts à siéger à chaque conseil d'administration (ils avaient un dispositif de ce genre en URSS ?): toute entreprise fait des investissements et, quand elle dégage des profits, regarde s'il y a lieu de verser des dividendes ou s'il vaut mieux garder le "cash" pour des investissements futurs (typiquement des acquisitions, des ouvertures de site, le lancement d'un nouveau produit...). Cet arbitrage dépend intimement de l'histoire et de l'état de l'entreprise et seule une connaissance de l'intérieur permettrait de dire si il a été choisi délibérément de verser du dividende alors que l'on aurait pu investir !

    La seule façon mécanique d'appliquer cette proposition serait de "taxer" les dividendes (avant leur versement aux actionnaires) ce qui entraînerait une triple taxation des bénéfices des entreprises (IS, Taxe Démagolène et IRPP) pour les investisseurs individuels et qui provoquerait un tassement immédiat et sans doute brutal des valeurs de rendement qui peuplent notre CAC40 et notre SBF120.

    Sans oublier, que l'argent capté notre Etat rapace ne serait pas alors ré-investi dans d'autres entreprises d'où un effet négatif sur la croissance assez évident...

    Bref, une proposition soit arbitraire, soit castratrice économiquement, soit les deux... Que du plaisir !

    Proposition n°14: Conditionner les aides publiques aux entreprises à l'engagement de ne pas licencier quand l'entreprise dégage des profits substantiels et obtenir le remboursement en cas de délocalisation.

    Il est parfaitement légitime si l'Etat ou une collectivité locale participe au financement d'un investissement (construction d'une usine, projet de R&D...) sous forme de prêt ou d'avance remboursable (sous conditions ou non) que ceci soit inscrit au bilan de l'entreprise bénéficiaire sous forme de dette et que les conditions d'exigibilité et de remboursement de ces "dettes" soient négociées par l'Etat ou la collectivité locale au moment de leur octroi à l'entreprise.

    Vous ne trouverez, par contre, pas un entrepreneur sur terre qui accepterait de considérer comme une dette une exonération de taxe professionnelle ou un allègement de charges sociales. Si nous sommes obligés de proposer ce type de mécanismes à des sociétés souhaitant s'implanter quelque part sur notre territoire, c'est tout simplement parce que la France n'est pas compétitive et que nous devons faire des exceptions afin de rester attractifs.

    Si les exceptions sus-citées deviennent une "liabilité" financière, tout entrepreneur raisonnable ira s'installer ailleurs, sans doute hors de France...

    Si, ayant bénéficié de ces exceptions, l'entreprise se trouve dans une situation économique l'obligeant à revoir ses plans, licencier une partie des effectifs embauchés voire démanteler une usine ou un centre de R&D, elle ne l'avait sans doute pas prévu et n'en est sûrement pas très heureuse ! L'économie c'est comme la santé: ça va ça vient...

    Enfin si un groupe dégage des profits, cela ne l'empêche pas d'avoir des unités, des lignes de business ou de produit qui sont déficitaires et qu'il lui faut restructurer (voire supprimer). Encore une fois: l'économie n'est pas planifiable, certains investissements paient, d'autres passent par perte et profits. C'est la vie économique...

    Démagolène fait visiblement semblant de ne pas être au courant de tout cela et nous prend vraiment pour des ânes en proposant une mesure inapplicable ou aux conséquences fort négatives sur la création d'emploi !

    Proposition n°81: Taxer les recettes publicitaires des chaînes privées en faveur de l'audiovisuel public.

    Cette proposition moins floue que les précédentes n'en est pas moins étonnante. Démagolène veut sans doute s'assurer les votes des preneurs de sons de France3 mais cela ne justifie sans doute pas une proposition dans le top 100 !

    La genèse d'une telle mesure est en fait peu évidente. Différentes hypothèses sont possibles:
    • si les Français souhaitent un audiovisuel public plus fort, ils accepteraient sans doute une augmentation de la redevance maintenant collectée avec la taxe d'habitation: ils sont habitués à voir cette "facture" augmenter tous les ans !
    • si les Français ne s'en soucient qu'assez peu (ce que je suppose) et que l'audiovisuel public est déficitaire, peut-être faut-il le restructurer un peu, le dynamiser commercialement et le ramener à l'équilibre comme il se doit.
    Personnellement, cela m'est un peu égal que TF1, M6, NRJ ou Europe1 soient "taxés" mais j'avoue ne pas en comprendre la logique. Si l'audiovisuel publique sous-performe économiquement malgré un financement par l'impôt qui lui donne une base de départ bien plus solide que celle des sociétés privées, ce n'est pas à ses concurrents de le renflouer !

    Il faudrait, d'ailleurs, au titre de l'égalité fiscale, "taxer" également l'audiovisuel public qui serait à la fois "taxé" et "bénéficiaire de cette taxe"...

    Démagolène a décidément une drôle de conception de l'économie !

    Repris par Rédacteur Agoravox



    11 février 2007
    par JDCh


    DSK rate son penalty

    En général, je trouve notre ami DSK plutôt fréquentable et son apparente compréhension de l'économie -et de l'économie de l'innovation en particulier- me le rend plus sympathique que son appartenance opportuniste au Parti Socialiste pourrait le laisser croire. Cependant, lors des derniers efforts poussifs de Démagolène à élaborer sa "programmitude", notre ami s'est cru obligé de pondre une proposition tout aussi démagogique et inefficace que celles habituellement supportées par Démagolène. Peut-être voulait-il simplement être dans le ton ! Plus vraisemblablement, il s'est dit qu'en proposant une "attaque fiscale" envers les Français de l'étranger, il devrait faire plaisir à ceux qui, "coincés" en France, comprendraient qu'ils ne sont pas visés !

    Mais de quoi parlons-nous exactement ?

    Il s'agit de savoir s'il est opportun de "taxer" les 2.000.000 de Français qui sont non-résidents en France. Vous trouverez derrière ce lien une jolie mappemonde indiquant où ils résident: cliquez sur France-Expatriés (22% en Amérique du Nord, 11% au Royaume Uni, 8% en Belgique et en Alemagne, 7,5% en Suisse, 2,5% en Israel, en Algérie ou en Australie...) ...

    Si l'on essaie de catégoriser ces Français de l'étranger, on obtient les sous-ensembles suivants:

    • D'abord, des Français qui n'ont plus grand lien avec la France: leur "business" est hors de France, leur conjoint n'est pas forcément Français, leurs éventuels enfants, qui ont suivi le cursus scolaire et universitaire local, ont la nationalité de leur pays d'adoption et leurs rares visites en France correspondent aux enterrements ou aux mariages auxquels ils décident de se rendre ! Certains d'entre eux, j'en ai croisés aux Etats-Unis, ne parlent plus Français à la maison et, s'ils viennent à entendre parler de la proposition de DSK, n'auront plus qu'à étudier la meilleure façon pour leurs enfants de renoncer définitivement à leur nationalité Française !

    • On trouve ensuite, des familles qui ont gardé quelques liens avec la France, un pied à terre à Paris, une maison de famille dans le Sud ou l'Ouest de la France... Ceux-là viennent nous visiter plus souvent, paient les taxes locales liées à leurs biens immobiliers. Le message de DSK est un clair signal qu'ils leur faut dorénavant tout vendre et larguer définitivement leurs amarres gauloises: rassurons-nous on trouvera bien quelques Russes ou Anglais pour leur racheter le tout !

    • On peut également identifier les fonctionnaires expatriés (personnels des amabassades et consultats, enseignants...), les salariés des grandes entreprise Françaises (Bouygues, L'Oréal, Lafarge, LVMH, Total...) ou plus petites entreprises "exportatrices" qui sont envoyés pour une durée plus ou moins longue à l'étranger et qui bénéficient d'un statut spécial très favorable. Dépendant du fait que le pays où ils résident a signé ou non une convention fiscale avec la France, beaucoup d'entre eux continuent de toucher une partie de leur salaire en France (quand on vit au Nigéria, on préfère avoir ses sous à l'abri en France...). Ceux qui ne le font pas, paient leurs impôts localement mais continuent d'être fiscalisés (taxes foncières, revenus fonciers...) même s'ils sont exonérés de CSG/CRDS sur les plus-values mobilières ou d'ISF. La mesurette de DSK, si elle les concerne, aura pour simple effet qu'ils chercheront à rejoindre, à court ou moyen terme, les catégories précédentes lorsqu'ils résident dans des contrées agréables et clémentes fiscalement et que les entreprises Françaises auront plus de mal à trouver des volontaires pour le Nigéria ou le Venezuela !

    • Un autre sous-ensemble en très forte croissance est constitué du bataillon de jeunes diplômés Français qui, devant le marché de l'emploi sinistré en France, ont décidé de tenter l'aventure aux Etats-Unis, en Grande Bretagne, en Irlande ou ailleurs. Certains feront leur trou là-bas et s'éloigneront progressivement de la France. D'autres reviendront chez nous lorsqu'il s'agira d'envoyer les enfants au lycée ou de permettre aux grands parents de connaître leurs petits-enfants ! DSK semble leur dire que le mieux qui puisse leur arriver est de se faire oublier... Peut-être leur faudra-t-il renoncer dans quelques années à l'héritage de leurs parents décédés ? Qu'importe, on ne revient pas dans un pays qui n'a pas su vous fournir d'opportunité professionnelle à 25 ans et qui, en plus, veut vous "taxer à distance" !

    • Finalement, on a ces exilés de l'ISF, qui vivent en Belgique, Suisse ou Angleterre, qui ont, en réalité, une grosse partie de leur activité "historique" et de leur coeur en France, qui, lorsqu'ils sont chez nous, paient en liquide, couchent chez des amis, évitent d'investir en France et vivent comme des "hors la loi" afin de ne pas être repérés par le fisc Français (qui s'il prouve qu'ils passent plus de 183 jours par an en France, peut les considérer comme résidents en France). Anciens entrepreneurs, cadres de haut niveau, avocats ou medecins brillants, ils refusent d'acquitter cet impôt nommé ISF parce qu'ils considèrent qu'ils ont "déjà payé". Que leur dit DSK qui semble les avoir dans son viseur ? "vous allez passer à la caisse... et, si vous comptiez sur le bouclier fiscal pour tenter de revenir, on va le supprimer". Bienvenue chez vous !

    Franchement, même en essayant d'être ouvert, je ne vois pas ce que notre ami DSK a en tête qui puisse constituer une mesure fiscale efficace, qui n'ait pas d'inconvénients économiques majeurs et qui soit acceptable par nos concitoyens expatriés... Mieux vaudrait se poser la question de comment motiver ces Français de l'étranger (et notamment les "exilés de l'ISF") à investir ou à entreprendre à nouveau en France en supprimant ce impôt politique, inefficace et désertificateur.

    D'ailleurs, s'apercevant (ou étant alerté sur le fait) que 800.000 de nos compatriotes vivant à l'étranger s'apprêtent à voter lors de ces présidentielles, DSK s'est ravisé, regrettant sans doute d'avoir perdu assez bêtement et subitement presque 2% du corps électoral Il a essayé de rectifier le tir en indiquant que cet "impôt citoyen" (la juxtaposition du mot "citoyen" étant sans doute destiné à rendre la mesurette "morale") serait destiné à financer les lycées Français à l'étranger: 2 points perdus ça pourrait permettre d'être derrière Bayrou ou Le Pen...

    Le ministère des Affaires Étrangères investit 320 millions d'euros par an ce qui représente 40% des coûts de fonctionnement de ces 400 établissements scolaires situés en dehors de France (le reste étant couvert par les frais de scolarité payés par les familles ou des subventions/donations locales).

    • Un, cette somme est une "broutille" (moins de 1 pour 1000 du budget de l'Etat, moins de 1% du déficit de ce même budget): où sont les 99 autres mesurettes permettant le retour à l'équilibre budgétaire ?
    • Deux, ces millions d'euros sont, pour une très grande part, investis sous forme de bourses versées aux familles "modestes" vivant à l'étranger: sans doute pas les familles que DSK voudrait "taxer";
    • Trois, cette somme représente environ 2.000 euros par an et par élève Français dans ces Lycées Français: nul doute que, pour ceux qui ne sont pas bénéficiaires de bourse, voir les frais de scolarité augmenter de ce type de somme serait plus compréhensible que de payer un "impôt citoyen" inventé à la va-vite par une équipe électorale déboussolée !

    Camarade Strauss, je suis un peu attristé de devoir l'écrire mais tout ceci est pathétique et je crois que les quelques électeurs que tu aurais pu amener à (la non-moins pathétique) Démagolène se sont définitivement écartés de ton camp ce week end...

    J'ai intitulé ce "post" "DSK rate son penalty", j'aurais pu titrer "DSK manque une occasion de se taire" !

    Repris par Rédacteur Agoravox



    09 février 2007
    par JDCh


    Le travail, c'est la santé économique...

    Un sondage en cours sur Agoravox, dont les résultats peuvent bien entendu évoluer, révèle que l'appétit des Agoravoxiens pour travailler et gagner plus est modeste (cf résultats du sondage Souhaiteriez-vous "travailler plus pour gagner plus"?). Certes la communauté sondée n'est pas représentative de la population Française et on trouve, à l'instant où j'écris ce "post", 46% des répondants qui souhaiteraient "travailler plus pour gagner plus". Cependant, j'aurais intuitivement attendu une claire majorité répondant positivement en ces temps d'inflation perçue comme forte et de pouvoir d'achat rogné par la situation du marché du travail en France.

    Parallèlement, j'ai entendu lundi soir notre Sarkoléon national interrogé par des citoyens Français sur TF1 décrire une nouvelle "usine à gaz" qu'il a inscrite dans son programme par laquelle les salariés effectuant des heures supplémentaires au delà de la durée légale de 35 heures échapperaient à l'impôt (sachant qu'il s'agit probablement de l'IRPP que plus de 50% des Français ne paient pas et que ce pourcentage approche sans doute les 65% pour les salariés concernés par la notion d'heure supplémentaire !) tandis que leurs employeurs n'auraient pas à acquitter de charges sociales sur lesdites heures supplémentaires (sachant que le bilan des allégements de charges sociales consenties aux entreprises, d'une complexité déjà indigeste pour les horaires de base, est plus que controversé notamment lorsqu'il s'agit des grandes entreprises). Je ne parlerais pas plus ici des complexités comptables et administratives induites par un tel mécanisme mais les responsables de la paie au sein des entreprises concernées, les agents du fisc et les contrôleurs de l'URSSAF confirmeront sans aucun doute qu'il entraînerait la perte de leurs dernières cheveux.

    Nous sommes donc ici dans un face à face entre une volonté mollement affichée des Français de travailler plus et un candidat à la Présidence de la République qui propose une solution que seules les grandes entreprises sauront administrativement appliquer. Nous filons certainement un mauvais coton ! Je vais finir par soutenir Démagolène qui est restée jusqu'alors dans le "crypto-elliptique" avec son "remettre à plat les 35 heures sans toutefois remettre en cause la durée légale du travail". Au moins avec elle, il ne se passera rien et rien ne sera plus compliqué qu'avant ! Ouf !

    J'ai déjà écrit tout le mal que je pensais des 35 heures en matière de frein à la croissance (cf 35 heures: saison 4) et j'ai déjà essayé de démontrer que c'est l'emploi et le travail qui créent de la croissance pas le contraire (cf L'emploi crée la croissance, pas le contraire): je ne comprends pas pourquoi les seules pistes envisagées amènent complexité et consécutivement faible (voire nulle) efficacité. Il y aurait pourtant une réforme simple à mettre en oeuvre...

    Si la loi indiquait simplement que la durée du travail est fixée par contrat (le contrat de travail) ou à défaut par la convention collective applicable, que sont considérés comme emplois à plein temps tous les emplois entre 35h et 39h hebdomadaires ou entre 1600 et 1789 heures annuelles (ndr: le 1789 est un clin d'oeil), qu'au delà de la durée contractuelle, les heures de travail effectuées à la demande de l'employeur doivent être rémunérées en tant qu'heures supplémentaires, que le minimum horaire est le SMIC horaire et que la durée du travail ne peut être modifiée sans signature d'un avenant audit contrat, nous aurions un cadre législatif simple, souple et efficace qui pourrait avoir de nombreux bénéfices. Et ce, sans rentrer dans les méandres fastidieux et probablement sans impact de l'allégement des charges et du coup de pouce fiscal...

    Que se passerait-il si une telle loi, dont la pérennité serait assurée et la compréhension par tous évidente, était adoptée ?

    Dans un premier temps, un débat au sein des équipes de management et avec les représentants du personnel s'ouvrirait dans les entreprises ou les organisations professionnelles: a-t-on besoin que les gens travaillent plus ? une heure ou une journée supplémentaire apporte-t-elle une valeur ajoutée justifiant le surcoût salarial ? les syndicats sont-ils prêts à avoir un raisonnement économique ? le passage aux 35 heures s'est fait sans baisse de salaire, le retour aux 39 heures peut-il se faire sans hausse ? les salariés préférent-ils des revenus supplémentaires ou maintenir leur temps libre ? les salariés préfèrent-ils des heures supplémentaires irrégulières majorées de 10% ou un revenu supplémentaire fixe non majoré voir minoré en terme de taux horaire ? les accords en terme de modulation ou annualisation du temps de travail issus de la mise des 35 heures doivent-ils être prolongés vers plus de flexibilité ?...

    Un vrai débat dans lequel se retrouvent confrontés l'intérêt économique des entreprises et les aspirations des salariés. Un débat auquel on ne peut apporter de réponse unique et technocratique tant les situations des entreprises et des salariés peuvent être variées. Un débat rafraîchissant dans un pays où la liberté de manoeuvre est minimale en la matière depuis des décennies et où chacun s'attend à ce que l'Etat légifère sur les détails.

    A l'issue de cette période de palabres gaulois extrêmement profitable, les différentes branches professionnelles élaborent des recommandations plus ou moins précises incluses dans les Conventions Collectives correspondant aux différents secteurs d'activité et les chefs d'entreprise se déterminent sur l'application qu'ils doivent en faire et la nécessité de formaliser un accord d'entreprise avec les représentants du personnel.

    Une grosse partie des entreprises décident du status quo: "on est aux 35 heures, on y reste", "on pourrait changer mais on ne préfère ne rien changer" sont les messages des directions des entreprises confrontées à un ou plusieurs des symptômes suivants:

    • l'entreprise sans croissance ou en décroissance est en sur-effectif ou en passe de l'être: pas besoin de bosser plus, préservons si possible les emplois existants...
    • le dialogue social avec les représentants du personnel ne mène à rien: on est dans un dialogue de sourds...
    • les fonctions de "production" ont déjà été délocalisées ou vont l'être: pas de vague supplémentaire pour le reste du personnel...
    • le lien économique entre temps passé et valeur ajoutée est trop indirect pour se coltiner un chantier compliqué: on n'a pas ce genre de problèmes...

    En parallèle, les entreprises des secteurs de croissance fortement demandeurs de main d'oeuvre (tourisme-hôtellerie-loisirs, informatique, BTP, une partie de la distribution, services divers dont santé...) mettraient en place des plans originaux reposant sur un retour aux 39 heures (ou aux 1789 heures par an) pour certaines catégories de personnels ou l'intégralité de l'effectif et ce, sur la base du volontariat (signature d'un avenant au contrat de travail). Pour ces personnels volontaires, le dispositif combine:

    • une modulation et/ou annualisation des temps de travail afin de coller au mieux au marché;
    • une augmentation de 5 à 11% des salaires fixes: les plus bas étant les mieux augmentés en pourcentage;
    • introduction d'éléments de salaires variables (primes, bonus) calculés sur des indicateurs individuels ou collectifs;
    • introduction de plans supplémentaires d'intéressement des salariés indexés sur la performance économique de l'entreprise.

    Les conséquences de tels mécanismes vertueux entraînent quelques mois plus tard non seulement une augmentation du chiffre d'affaires des entreprises concernées mais également une amélioration concommittante de la satisfaction des salariés et des clients et un renforcement de la confiance des dirigeants dans leur capacité à être ambitieux et donc à embaucher plus... Bref, pour ces entreprises libérées, ça repart...

    On entend dans certains cafés le matin des "ma boîte va super bien, on est quasiment tous repassé aux 39 heures" auquel est répondu un "m'en parle pas, nous on est toujours aux 35 heures, ça sent pas bon..." Le croissant est toujours franchouillard mais la France a changé plus qu'il n'y paraît !

    Ce serait simple la politique si nos hommes et femmes "au pouvoir" se contentaient de créer des conditions favorables à l'emploi et l'économie au lieu de vouloir "micro-manager" ce qui ne l'est pas.


    Repris par Rédacteur Agoravox



    08 février 2007
    par JDCh


    La parabole d'Azincourt


    Un commentaire, reproduit ci-dessous, très bien senti de Corentin sur mon "post" Sarkozix tombe de son bouclier.

    Les choses ont changé depuis 1415 (25.000 à 45.000 Français défaits par 10.000 Anglais ou plutôt Britanniques vu la qualité des archers Gallois), nous sommes en compétition non seulement avec les Britanniques mais également les Américains, les Chinois, les Indiens... Et là, en plus, ils sont plus nombreux que nous !

    Mal barrés, non ?

    Un autre exemple : la bataille d'Azincourt. En 2 mots, une bande d'archers anglais décime l'élite de l'armée française, des chevaliers issus des meilleures familles du royaume. C'est intéressant de regarder comment les soldats étaient recrutés. En Angleterre, les tournois hebdomadaires de tir à l'arc, dans les villages, permettaient de sélectionner les archers les plus prometteurs. En France, les paysans n'avaient pas la possibilité d'avoir des armes! C'étaient les nobles qui avaient des armes. Pas étonnant que la victoire militaire ait été anglaise.

    La situation a-t-elle vraiment changé depuis Azincourt? Ces défauts qui nous ont fait perdre sont ancrés dans notre identité ... !



    03 février 2007
    par JDCh


    Laurence Danon, l'hirondelle

    Laurence Danon, Présidente du Printemps, fait la une des journaux: l'hirondelle -qui a fait le nouveau Printemps- aurait bénéficié d'un parachute doré dont le montant cité par les différents média oscille entre 2 et 6 millions d'euros. Scandale ? Business as usual ? ...

    Si l'on croise les différentes informations publiées, on arrive assez logiquement à la conclusion que Madame Danon a probablement reçu ~2 millions d'euros en tant qu'indemnités de départ et ~4 millions d'euros en tant de prime de succès sur la cession du Printemps par PPR à Maurizio Borletti (soutenu par la Deutsche Bank) en 2006 pour 1,1 milliards d'euros.

    On peut évidemment immédiatement porter un jugement moral sur le caractère obscène des sommes citées: le total des sommes qui auraient été reçues correspond à 6 années de rémunération pour moins de 6 ans de présence à la tête de l'entreprise. Il correspond également à près de 500 fois le salaire moyen mensuel des employés du Printemps...

    Personnellement, je ne pense pas qu'on puisse se contenter d'une réaction "morale" à l'énonciation de tels chiffres et je propose ici d'en faire, au contraire, une analyse froide, dépassionnée mais non complaisante.

    Je m'étais déjà exprimé en juin 2006 suite à l'affaire Vinci/Zacharias (cf Rémunérations des grands patrons...). Le cas de notre hirondelle peut se décrypter comme suit...

    Indemnités de départ

    Maurizio Borletti interrogé par la presse parle, sans doute à tort, d'une "indemnité légale". Comme la plupart des PDG mandataires sociaux, Laurence Danon n'était vraisemblablement pas salariée du Printemps et, par conséquent, pouvait être révoquée "ad nutum" (sans préavis, sans motivation et sans indemnité) et n'a le droit à aucune indemnification "chômage". Ceci dit, il est fort probable que son contrat (ou un avenant à son contrat), ait prévu une "indemnité de départ contractuelle" (ce que l'on appelle les "golden parachutes"). La question qui suit concerne la justification du déclenchement d'un tel mécanisme et du montant associé.

    Que ce montant corresponde à 2 années de "salaires" (le mot "salaire" est ici utilisé de façon impropre, on devrait parler de rémunération ou de compensation) après 6 ans au poste de PDG et un bilan qui paraît positif économiquement, est dans la fourchette des pratiques courantes et, selon moi, acceptables mais le cas de séparation qui le déclenche paraît plus discutable...

    S'il s'agit, comme officiellement annoncé, d'un départ volontaire, il paraît en effet contestable qu'un dirigeant puisse à loisir déclencher son parachute même si le montant associé est "raisonnable". Le "parachute" est censé couvrir le cas de la révocation (hors fautes graves ou lourdes) par le Conseil de Surveillance qui décide de changer le Président du Directoire de la société...

    La seule et plausible explication qui rend compréhensible le versement d'une telle indemnité de départ alors que c'est l'intéressée qui décide de démissionner est que cette indemnité contractuelle ait été négociée lors du rachat du Printemps par ses nouveaux actionnaires et que, devant l'incertitude créée par ce rachat, les deux parties (la société et Madame Danon) aient décidé de se donner la liberté de continuer ensemble ou de mettre fin à leur coopération en fonction de l'évolution de la stratégie de la société et des relations entre le Conseil et la Présidente du Directoire. Si tel est le cas, notre hirondelle ne fait que recevoir une indemnité liée au changement d'actionnaire et, consécutivement, à un changement substantiel dans l'exécution de son mandat.

    On est alors dans une situation que l'on peut qualifier de "classique" qui montre, si besoin en est, qu'un dirigeant d'entreprise n'est pas seul maître à bord et peut se retrouver "victime" de changements légitimant son départ. Bien que niant partiellement le principe qui m'est cher du "high risk, high reward", ce type d'indemnité de départ trouve, en outre, une justification complémentaire dans les clauses strictes de non concurrence et de non sollicitation que Laurence Danon a vraisemblablement accepté de signer au moment de son départ.

    Prime de succès

    La prime de succès perçue pour la conclusion positive du rachat du Printemps par ses nouveaux actionnaires pose quant à elle un certain nombre de questions.

    La première et plus évidente est de savoir si le payeur de cette prime est la société ou l'ancien actionnaire unique PPR. Il semble que ce soit bien le second cas de figure ce qui est conforme au fait que la cession d'une majorité du capital sur la base d'une valeur d'entreprise de plus de 1 milliards a exclusivement profité à l'actionnaire cédant. Si cette somme avait été à la charge du Printemps, nous aurions fait face à ce qu'on appelle un "abus de bien social" à savoir que l'on demande à la société de payer un service qui ne lui profite pas. Cela n'est visiblement pas le cas.

    La seconde question que pose cette attribution d'une prime de succès concerne les éventuels conflits d'intérêt créés par la potentielle obtention d'un montant très significatif et l'exécution du mandat de Présidente de la société. La Présidente motivée par le gain aurait-elle pu perdre de vue l'intérêt social de la société qui doit seul conduire son comportement et ses décisions ? (NB: quand on parle ici d'intérêt "social", on parle de l'intérêt général commun des actionnaires, des employés, des créanciers... dans la recherche de prospérité et de continuité que la société , personne morale, doit poursuivre).

    Le cas de Monsieur Zacharias est de sa prime astronomique liée à l'acquisition d'une société d'autoroute par Vinci recélait potentiellement un tel conflit d'intérêts: aveuglé par la prime et mal encadré par un conseil d'administration "impuissant", le dirigeant aurait pu être tenté de procéder à cette acquisition à tout prix y compris dans des conditions mettant en péril l'intérêt social de Vinci.

    Concernant le cas du Printemps, si le dirigeant d'une société est informé par son unique actionnaire que celui-ci souhaite vendre une majorité de ses actions et céder le contrôle de la société à un tiers, il me paraît être dans l'intérêt social de la société que le dirigeant participe à l'opération de cession, défende la valeur de ladite entreprise et établisse avec les repreneurs le "business plan" de la société adossée à un nouvel actionnaire industriel ou financier. Même en me grattant la tête, j'ai du mal à voir les cas où il serait "davantage dans l'intérêt social" de la société d'être cédée à un acquéreur souhaitant acquitter un prix plus faible pour en prendre le contrôle; Si l'intérêt social de la société est la prospérité dans la continuité, il est plus que probable que le mieux disant soit aligné sur cet objectif. Il n'est donc pas choquant que notre hirondelle qui a permis à PPR de réaliser une plus-value de plusieurs centaines de millions d'euros se soit vu attribuer une prime vraisemblablement indexée sur la valeur de reprise de l'entreprise.

    Si le "plan" du repreneur ne devait pas correspondre à l'intérêt social de la société et l'affaire de la Samaritaine peut faire penser à des scénarios tels que la transformation des magasins du Printemps en immeubles de bureaux ou en hôtels de luxe, le cas pourrait être débattu... En l'occurrence, le groupe Borletti, fondateur des grands magasins italiens Rinascente, a sans grand doute pris le contrôle du Printemps pour continuer et faire prospérer cette activité de distribution.

    Enfin et quand bien même, les nouveaux actionnaires auraient eu un dessein caché ("hidden agenda") pour le Printemps, il aurait appartenu au successeur de Madame Danon d'en vérifier l'adéquation avec l'intérêt social de la société. Ni l'actionnaire cédant, ni le dirigeant en place ne peuvent réellement préjuger d'une intention "douteuse" de la part de l'acheteur sauf à ce que l'objet social de celui-ci ou le plan proposé soit une déclaration explicite de déviance future.

    En conclusion et sur la seule base des informations disponibles, il semble que le départ de notre hirondelle vers d'autres cieux se soit effectué dans des conditions juridiques et éthiques "propres". La question du niveau de rémunération des quelques centaines de dirigeants d'entreprises valant plus de 1 milliard d'euros en France reste bien évidemment ouverte comme celle du niveau de leur bénéfice financier issu de la création de valeur qu'ils orchestrent: il est très difficile de fixer arithmétiquement ces équations...

    Ma recommandation: "Point trop n'en faut" et/ou "pas de beurre et d'argent du beurre" et/ou "high risk, high reward" et/ou "pas de création de valeur, pas de prime" doivent être les règles suivies par les administrateurs de ces entreprises: c'est à eux de jouer, de contrôler et d'éviter que de vraies dérives dé-crédibilisent notre élite économique qui n'en a pas besoin...

    Dernière remarque à ceux qui réclament plus de transparence: ce n'est pas en criant au scandale dès qu'un chiffre est cité que vous permettrez à cette transparence de ce mettre en place sereinement offrant une vraie possibilité pour l'observateur de faire le tri entre des pratiques correctes et d'éventuels abus.

    En savoir plus
    http://www.wikio.fr/search=

    Repris par Rédacteur Agoravox