29 mars 2007
par JDCh


Brève Suédoise


Même la Suède que je connais un peu et qu'on ne peut pas qualifier de pays "ultra-libéral" prend la décision de supprimer l'ISF.... Restent l'Espagne, la Norvège et la France au sein des 30 pays de l'OCDE... Serons-nous les derniers sachant que l'impact de la mondialisation sur l'Espagne et la Norvège est moindre qu'il ne l'est en France ?




L'impôt sur la fortune sera supprimé en Suède cette année, les dirigeants des 4 partis de l'Alliance l'ont promis suite à une décision surprise.
La réforme sera financée partiellement par la limitation des avantages fiscaux liés aux contrats d'assurance-retraite.


La proposition d'abolir l'impôt sur la fortune sera mise en oeuvre dans le programme de printemps du gouvernement qui devrait être publié dans quelques semaines. Les dirigeants des partis au pouvoir ont publié un article conjoint dans Dagens Nyheter.

Le premier ministre et leader modéré Fredrik Reinfledt a ainsi écrit avec le libéral Lars Leijonborg, le (la?) centriste Maud Olofsson et le chrétien démocrate Göran Hägglund. Ils ont mis en avant le fait que la Suède est l'un des quatre seuls pays (NDR: France, Espagne et Norvège étant les 3 autres) de l'OCDE ayant un impôt sur le patrimoine. "La Suède pourrait perdre son avantage compétitif si cet impôt était maintenu", ont-ils écrit.

Le Ministre des Finances Anders Borg avait précédemment annoncé que cela prendrait plusieurs années pour supprimer l'impôt sur la fortune. Borg indiqua mercredi qu'il ne faisait pas demi-tour, prétextant qu'il ne voulait rien annoncer tant que la mesure n'était pas financée. "Nous avons trouvé un moyen de financer cela ce qui nous permet de le faire de la bonne manière", dit-il.

Interrogé sur qui sont les gagnants de cette réforme, il répondit: "Les grands gagnants, sur le long terme, sont tous les Suédois, parce que nous avons besoin, pour répondre à la compétition globale, de conditions favorables à l'emploi et aux entreprises. Un des enjeux est que peu d'argent reste dans le pays. Il y a eu un grand débat ces dernières années sur comment la mondialisation rend le capital de plus en plus "non-national" et difficile à garder au sein des frontières nationales".

L'impôt sur la fortune est de 1.5% des montants au dessus de 1.5 million de SEK ($215,000) pour les célibataires. Pour les couples cohabitants ou mariés, le seuil est à 3 million. Les recette de l'Etat issues de l'impôt sur la fortune sont de 4.8 milliards de SEK en 2005 (ndr: un peu plus de 500 millions d'euros).

La suppression de cet impôt sera en partie financée par la limitation des réductions d'impôts liées à l'assurance-retraite. Aujourd'hui quelqu'un gagnant 400.000 SEK (NDR: un peu moins de 50.000 euros) par an déduit environ 20.000 SEK des montants versés. Quelqu'un qui gagne plus peut déduire jusqu'à 5% de son revenu avec un maximum fixé à 40.000 SEK. Le gouvernement a fixé le seuil dorénavant à 12.000 SEK par personne et par an.
Article original en Anglais



26 mars 2007
par JDCh


La dictature du court terme













Je suis convié ce jeudi au 8° colloque international des anciens élèves de l'ENA, d'HEC et de Polytechnique qui se tient à Bercy au Minefi (cf communiqué de presse)et qui a pour titre "Acteurs publics et entreprises face à la dictature du court terme". Après réflexion et bien qu'ayant participé au précédent l'an dernier qui s'intitulait "Le capitalisme a-t-il un avenir ?", j'ai décidé ne me pas m'y rendre, de bouder les petits fours de Mr Breton et de ne pas serrer la main des anciens camarades que je n'aurais pas manqué de croiser en ce lieu illustre de la technocratie franco-gauloise (le colloque n'a, en fait, pas grand chose d'un colloque international !). Pourquoi ?

L'idée de réunir le "regard économique" des HEC, celui "plus étatique" des Enarques et de faire des polytechniciens le "trait d'union" entre économie et politique est en soit sympathique même s'il participe de notre élitisme maladif dont les conséquences confinent plus souvent au conservatisme qu'au dynamisme. Je me serais donc sans doute rendu sur les bords de Seine si l'intitulé de ce rassemblement avait ressemblé à "France: le nécessaire sursaut" ou "Réformer: il y a enfin urgence" ou "Pour une France dans le tempo de l'économie mondialisée" ou équivalent... Tel n'est pas l'agenda.

Ce petit monde pose la question de l'accélération du temps économique pour les entreprises, de la multiplication des pressions et contraintes de toutes sortes qui pèsent sur leurs dirigeants et, implicitement, semble vouloir démontrer qu'il existerait une autre façon de faire, empreint d'un rythme plus serein comme détaché du monde dans lequel nous sommes immergés... Implicitement toujours, notre "élite" semble dispenser le message que tout cela va trop vite mais qu'elle est suffisamment intelligente pour élaborer des scénarios alternatifs... Nous souhaitons participer aux Jeux Olympiques économiques mais nous ne participerons qu'à l'épreuve de marche à pied, l'épreuve reine du sprint n'est pas pour nous ! D'ailleurs, c'est connu, les sprinters sont dopés et nous sommes contre le dopage !

C'est sans doute la pression trimestrielle des résultats qui fait des grandes sociétés leaders ce qu'elles sont et c'est sûrement cette impatience à aller vite, à capturer un marché, à saisir une opportunité qui a permis à des entreprises comme Cisco ou Google de passer de quelques années du statut de startup à celui de multinationale leader mondial incontesté... Heureusement que les dirigeants d'entreprises et les entrepreneurs Français n'ont pas jeté l'éponge et acceptent cette fameuse "dictature du court terme" qui impose certes de très nombreux changements et contraintes mais qui offre également de très nombreuses opportunités de création de valeur.

Par ailleurs, si l'on regarde les enjeux moyen-long terme, car il y en a, et il ne s'agit pas ici de les nier. Sommes-nous réellement meilleurs ? Malheureusement, non.

Les enjeux environnementaux qui sont maintenant et heureusement reconnus n'ont pas été mieux adressés par la France que par ses voisins ou partenaires économiques. Le choix du nucléaire, il y a trente ans, n'avait pas d'objectif écologique ((au contraire...) même si aujourd'hui il a sans doute des bénéfices en terme d'émission de CO2... La première voiture Française hybride sortira après ses équivalentes Américaines, notre industrie photovoltaïque est nulle part quand on la compare à son homologue Allemande... On pourrait sans doute multiplier les exemples de retards ou domaines d'inaction. Bref, nous avons "causé" et débattu mais nous n'avons pas fait grand chose...

Les enjeux liés à l'éducation et la formation, pourtant totalement décisifs pour l'avenir de notre économie et de notre pays, n'ont pas été adressés non plus. Aucun ministre de l'Education ou de l'Enseignement Supérieur n'a su insuffler le moindre changement dans notre système depuis que M. Devaquet s'y était essayé il y a plus de vingt ans... Nous avons fait dans l'incantation et l'imprécation, toujours pas dans l'action...

Les enjeux démographiques pourtant très facilement anticipables restent non traités: tout le monde sait que les réformes Balladur puis Fillon de nos systèmes de retraites (et c'est vrai plus largement pour l'ensemble de notre système social) ne sont que des premiers pas obligeant à remettre le sujet d'une véritable et inévitable réforme à plus tard mais dans pas longtemps...

Le sport national de cette élite de la pensée unique permet de conjuguer moratoire et procrastination, démagogie et clientélisme, intellectualisme et immobilisme... Voilà pourquoi je n'irai pas à Bercy demain !

Ce "post" sera donc mon appel du 28 mars 2007: "Messieurs, réveillez-vous, the clock is ticking ! Il est urgent de nous bouger les f...".



20 mars 2007
par JDCh


Dialogue avec un professeur d'EPS...

J'étais samedi dernier au Stade de France pour la belle victoire du Quinze Tricolore contre l'Ecosse. Arrivé un peu en avance, j'ai été gentiment interpellé par une jeune femme en survêtement accoutrée d'un T-shirt un peu grand pour elle portant la mention "Sport scolaire, un droit pour tous".

La dame s'est présentée à moi comme un professeur d'EPS à qui on était en train de retirer 3 heures de "décharge" pour s'occuper de sport scolaire le mercredi après-midi au sein de ce qu'on l'on appelait l'ASSU à mon époque et qui a été renommé l'UNSS. Elle semblait souhaiter que je signe rapidement et sans autre forme d'explication une pétition pour faire changer d'avis le Ministère de l'Education Nationale... (cf site du SNEPFSU).

Le dialogue suivant s'en suivit:

JDCh: "Ces 3 heures vont vous être payées tout de même ?"

La sportive: "Heureusement que oui mais on ne sait pas à quoi faire..."

JDCh: "Et si on vous demandait de faire du rattrapage scolaire pour les élèves qui peinent à lire ou à compter ?"

La sportive: "Sûrement pas, on n'a pas été formés pour cela. Moi, ce que je sais faire c'est les activités physiques et sportives... Je vous dis, on ne sait pas ce qu'on fera à la place..."

JDCh: "Désolé, tant que je ne sais pas entre quoi et quoi vous me demandez d'arbitrer, je ne peux pas signer votre pétition."

Notre athlète s'en est ensuite allé, plus surprise que fâchée, recueillir avec une apparente facilité des signatures auprès des amateurs de rugby pour le maintien des fameuses et sympathiques "3 heures d'animation d'AS"...

J'ai depuis effectué quelques recherches sur Internet et j'ai cru comprendre qu'il existait un projet ministériel par lequel les chefs d'établissement se voyaient déléguer l'autorité de maintenir ou de réaffecter ces 3 heures en fonction de la "réalité du terrain". A la lecture de différents forums, il semble, en effet, qu'à côté d'animateurs dévoués et suscitant l'enthousiasme des sportifs en herbe du mercredi après-midi, un certain nombre de leurs confrères s'arrangent pour échapper à cette corvée et sont donc payés à ne rien faire (ou à faire très peu) alors que ce quota d'heures pourraient être utilisé à d'autres fins...

Cette petite anecdote me semble appeler les remarques suivantes:
  • Les professeurs font 17 heures de cours par semaine ce qui semble très peu quand on a du mal à imaginer le temps qu'ils passent réellement à préparer leurs cours et à corriger les copies. J'ai même l'impression polémique que les 10 minutes passées par les élèves dans le vestiaire et comprises dans ces fameuses 17 heures sont largement suffisantes pour regonfler un ballon de basket ou compter les tapis de sol disponibles... Peut-être pourrait-on maintenir les 3 heures d'AS et leur demander de travailler quelques heures en plus ?...

  • Même si l'on peut reconnaître une vertu initiatrice au sport scolaire, j'ai le sentiment que les clubs de sport en France ont une offre pléthorique et très bon marché (voire gratuite pour les moins favorisés) qui permet à tout à chacun de découvrir les joies du football, de l'athlétisme, du tennis (de table ou non) voire du curling... Réduire le sport scolaire à quelques sports "mainstream" ne me paraît nullement mettre en danger ni notre système éducatif, ni nos résultats aux JO de 2020 !

  • Je reconnaîtrais volontiers une assez grande légitimité aux professeurs en survêtement pour être auprès des collégiens et lycéens en difficulté scolaire des sortes de "coachs" sur le thème "tu vois, je suis prof d'EPS mais j'ai fait des études aussi bien théoriques que physiques. Sans un travail sérieux et "scolaire", je n'aurais pas pu faire de ma passion mon métier". Des professeurs d'EPS chargés de superviser des sessions de rattrapages scolaires (ou de maintenir une certaine discipline dans les classes d'étude ou de permanence) serait-il un tabou absolu ?

  • Quant à l'argument du "on a pas été formés pour", je me permets de penser que l'immense majorité des salariés du monde entier effectue au quotidien des tâches pour lesquelles aucune formation ne leur a été dispensée lorsqu'ils étaient étudiants. Les professeurs d'EPS sont, en principe, formés à la pédagogie et à l'encadrement des élèves et c'est bien de cela dont nous parlons ici !

De façon plus générale et ceci est effectivement encore plus valable en période électorale, ne réagissons pas instinctivement par sympathie pour telle ou telle bonne intention sous-jacente de notre égalitarisme paupériste franco-gaulois. Toute chose a un coût, bien gérer c'est décider des priorités, des sous il y en a de moins en moins, il nous faut dorénavant savoir arbitrer entre l'absolue nécessité (réduire l'échec scolaire) et le sympathique (permettre aux enfants de découvrir le ping pong le mercredi après-midi)...

Suis-je dans la polémique et le tabou en écrivant cela ?

Repris par Rédacteur Agoravox



16 mars 2007
par JDCh


France Investissement existe...

J'étais ce vendredi à la présentation du dispositif et des orientations stratégiques de France Investissement.

Orchestrée par René Ricol (cf sa biographie), Président de son conseil d'orientation, j'étais tout d'abord satisfait de voir que cet organisme chargé de favoriser des synergies entre l'argent public et l'argent privé était "orienté" par un "entrepreneur expert-comptable", issu de la fameuse "société civile": un homme de réseaux certes très connecté au milieu politique (visiblement aussi bien à droite qu'à gauche) et non pas un haut fonctionnaire n'ayant jamais vécu dans une entreprise... Bien ou, en tout cas, mieux...

J'ai noté ensuite quelques chiffres qui sont pédagogiques et que je reprends ci-dessous:

  • sur les deux millions et demi d'entreprises que compte la France, seules 60.000 ont entre 20 et 250 salariés et seulement 5000 plus de 250: ce sont ces formats d'entreprises qui manquent à notre économie;

  • l'effectif moyen des entreprises Françaises est de 6 personnes contre 19 aux Etats-Unis;

  • 4% des entreprises Françaises exportent contre 18% en Allemagne;

  • 4000 business angels en France contre 40.000 en Grande Bretagne et 400.000 aux USA;

  • poids du capital-risque et du capital développement par rapport au PIB: 2,5 fois plus important en Grande Bretagne et 4 fois plus important aux Etats-Unis qu'en France.

J'avais pas mal critiqué le "machin" lors de son lancement par le grand Chichi au travers de ce "post" et je me suis rendu à cet événement microcosmique avec les "a priori" que vous imaginez.

D'abord une confirmation générale que ces fameux 3 milliards ne sont pas neufs mais, pour une grande part, recyclés: sur les 2 milliards apportés par la Caisse des Dépôts, 1 milliard correspond au rythme actuel d'investissement de la Caisse donc 1 seul nouveau milliard; Pour le milliard apporté par le "privé" (AGF, Caisse d'Epargne, Natixis et SGAM suivis bientôt par AXA et Finama), difficile de dire si les fonds ainsi mobilisés l'auraient été de toute façon sous un autre label... L'entreprise France est donc dotée d'un milliard ou un peu plus sur 6 ans pour financer l'économie de l'innovation et de la croissance dont elle a besoin: si ça marche, ça n'est pas cher du tout (à peu près 5 fois moins cher que le déficit du régime des intermittents du spectacle...) ! Surtout que, si la réussite est au rendez-vous, cet argent reviendra bonifié dans les caisses puisqu'il s'agit d'investissements en fonds propres dans des entreprises et non de subventions ou avances pseudo-remboursables.

Comme je l'avais écrit à l'époque, en réalité, le problème n'est pas de trouver l'argent mais de trouver les projets dans lequel investir cet argent... Un milliard de plus ne sert donc à rien sauf s'il est mobilisé sur des projets d'un type différent pour lesquels l'offre de financement actuel ne correspond pas. Ainsi, puisque cet argent sera investi directement dans des fonds d'investissement ou dans des "fonds de fonds" publics ou privés, espérons qu'une bonne partie de cet argent frais ira sur des créneaux mal servis comme l'amorçage en capital-risque et le "petit" capital développement. C'est plus facile à dire qu'à faire car si on veut que ces différentes allocations soient "profitables" et faites suivant une "logique de marché" (ce qui me paraît très bien), il faudra trouver les équipes de gestion qui savent gagner de l'argent sur ces créneaux. Il y aura sûrement beaucoup de volontaires mais leur courbe d'apprentissage ne sera pas immédiate... et le ratio argent au travail sur temps passé ne leur sera pas favorable... Soyons optimistes et faisons confiance (méthode dite Coué), il en ressortira sans doute quelques bonnes surprises au milieu du saupoudrage inefficace ambiant.

Afin de ne pas toujours être le "party pooper", je tenais également à lister quelques points positifs issus de cette présentation:

  • nous avons pu assister à un travail "main dans la main" de CDC Entreprises et OSEO (résultat de la fusion de la BDPME et de l'ANVAR). Bonne nouvelle de voir que ces organismes para-étatiques arrivent à travailler ensemble. Bonne chose de voir que OSEO résultat rare du rapprochement de deux organismes publics semble exister de façon cohérente. A quand la fusion de OSEO et CDC Entreprises ? Et si ce rapprochement avait lieu, à quand des économies significatives mises en oeuvre ? Là, je vais un peu loin... je m'arrête !

  • la notion de "société de business angels" est maintenant explicite dans le discours de France-Investissement, les investisseurs dans ces sociétés profiteront du dispositif Madelin dont j'ai déjà dit qu'il était ridicule du point de vue des montants considérés (25% de 25.000 € contre 40% de 200.000£ pour son équivalent Britannique) mais cela va dans la bonne direction. France Investissement est même prêt à abonder sous forme d'obligations convertibles pour un tiers (et jusqu'à un million d'euros) dans ces véhicules d'investissement à condition que ceux-ci mobilisent 2 millions d'euros ou plus. C'est, encore une fois, la chose à faire... simplement, si on limite l'avantage fiscal à 25.000€ et que l'on veut des véhicules de 2 millions, il faut des sociétés de business angels regroupant 80 membres: de sacrées réunions de co-propriétaires en perspective ! La réflexion avance donc mais cela manque singulièrement d'ambition et de pragmatisme...

  • l'opportunité d'investir dans des fonds spécialisés dans la "petite mezzanine" semble également faire partie du "scope". C'est très bien notamment pour le petit capital développement: l'effet de levier rendu possible par la disponibilité de tels outils (cf cette explication) devrait pouvoir rendre attractif et profitable certains investissements dans des sociétés gérées de façon sérieuse mais ne présentant pas tout à fait le profil de croissance attendu par les investisseurs en capitaux. A poursuivre...

Je finirais sur cette idée saugrenue mais illustratrice de notre culture économique, dont je n'avais jusqu'alors jamais entendu parler, qui consiste à donner des bourses à des étudiants qui s'engageraient à travailler dans des PME-PMI ! Disons que, c'est parce qu'on part de très très loin, que je ne vais pas dénigrer l'initiative. De plus, mieux vaut donner des bourses à ces jeunes gens qu'à ceux qui s'engageraient à devenir fonctionnaires !

Mais présenter le fait de rejoindre le monde des PME-PMI comme une sorte de contrainte voire de sacrifice me paraît plutôt tendancieux: un jeune diplômé talentueux qui rejoint une PME a sans doute un "job" bien plus excitant, autonome et intéressant que celui, prudent, qui préfère signer un contrat "planqué" dans l'un de nos fleurons du CAC40 ! Suis-je le seul à en être convaincu ?

Bref, France Investissement n'est pas la parfaite usine à gaz que je redoutais mais avouez, quand même, qu'il nous reste encore beaucoup de chemin à faire !

Repris par Rédacteur Agoravox



15 mars 2007
par JDCh


La mesure phare de Calibayrou

Analyse intéressante comme toujours de l'IFRAP (voir ci-dessous) concernant la mesure phare de notre ami Calibayrou: les fameux 2 emplois-francs par entreprise.

Comme je l'avais déjà souligné dans mon "post" L'irrésistible ascension de Calibayrou, la mesure n'est pas simple à implémenter et un système de "bonus" (ou plutôt de "discount") sur les charges sociales des entreprises créatrices d'emploi serait sans doute bien plus vertueuse, sans effet de seuil et sans effet d'aubaine donc bien plus efficace pour nos finances publiques et plus pérenne pour notre économie.

Quelques remarques sur l'analyse:
  • Le raisonnement selon lequel les entrepreneurs et notamment les petites entreprises n'embauchent pas car elles ont peur du coût d'un éventuel licenciement ultérieure est parfaitement juste (cf L'emploi crée la croissance...) mais bizarrement aucun candidat n'ose dire la chose telle qu'elle est. Le projet de contrat unique va peut-être dans ce sens mais j'anticipe une nouvelle usine à gaz dont notre code du travail raffole...

  • Le raisonnement selon lequel on peut indemniser de façon plus forte ou longue le chômage est également juste (cf Inflexicurité à la Française) mais encore faut-il rendre des vraies mesures favorisant la création d'emplois...

  • L'IFRAP déteste les déficits publics (et ils ont raison) et conteste le fait qu'il faille des allégements de charge. Je pense pour ma part que le concept de "bonus/discount" sur l'augmentation des charges sociales des entreprises qui embauchent serait extrêmement vertueux: on pourrait observer une augmentation de la création d'emploi (et donc de la croissance)... et une tendance à la baisse du niveau des prélèvements obligatoires dont notre pays a vraiment besoin.
Pour revenir à Calibayrou, une majorité de gens (cf petit sondage dans la colonne droite de ce blog) a l'air de s'habituer positivement à l'idée qu'il pourrait être notre Président.

Après réflexion, je diagnostique cela comme un potentiel "vote blanc qui compte".

Pas très excitant mais sans doute soulageant pour les nombreux insatisfaits que nous sommes...
Analyse

La réduction d’une partie des charges sociales associées à l’embauche de 2 nouveaux salariés est une façon habile de contourner les obstacles aux licenciements du Code du Travail qui sont la raison pour laquelle les entreprises françaises se retiennent d’embaucher environ 2 millions de salariés. Le calcul d’un employeur sera en effet le suivant : "si j’embauche et suis obligé de licencier mon salarié au bout de 2 ans, cela me coûtera au moins 6 mois de salaire ; plus au fur et à mesure que le temps passe.
Mais si j’ai économisé sur les charges sociales (tous calculs faits, environ 20% du salaire total), en 2 ans, cela me paie à peu près le coût du licenciement. Et si le marché me le permet, je garde un salarié formé. Je ne risque donc rien à embaucher".

Les limites du nombre de création d’emplois par ce mécanisme sont assez faciles à évaluer.
Les expériences étrangères, notamment danoises, et deux enquêtes statistiques menées en France par l’iFRAP ont montré que les emplois bloqués par la crainte des employeurs de ne pouvoir licencier en cas de retournement de conjoncture sont de 12% des 18 millions d’emplois marchands existants, soit environ 2 millions.
Les mêmes enquêtes montrent que la mesure Bayrou toucherait seulement 45% de ce total, les autres 1,1 millions étant dans les entreprises qui seraient disposées à embaucher plus de 2 personnes si les restrictions aux licenciements du code du Travail étaient supprimées.
Ce chiffre maximum de 900.000 est d’ailleurs en harmonie avec les évaluations de l’UDF qui situent l’effet de la mesure entre 87.500 et 140.000 emplois créés par an pendant 5 ans, soit au total de 437.000 à 875.000 emplois maximum.

Un énorme gâchis d’argent public.

La mesure Bayrou est un double gâchis :
Il est possible de récupérer non pas 875.000 ou 900.000 emplois mais 2 millions en ayant le courage politique de faire ce que les Danois ont fait : permettre à de nouveaux embauchés de choisir entre les contrats CDD et CDI existants et ce que nous avons appelé le contrat CAPE (Contrat d’Accès au Plein Emploi), l’acceptation optionnelle par le nouvel embauché de ne pas s’opposer à un licenciement sauf pour des motifs dont la liste est à définir (harcèlement sexuel, etc.). En contrepartie, le signataire du CAPE bénéficierait en cas de licenciements d’allocations chômage et de durée de couverture chômage fortement augmentées, le produit des deux étant approximativement doublé. La réduction du chômage a permis à la fois de payer ce doublement au Danemark et de renflouer les caisses chômage.

Deuxième gâchis : pour récupérer seulement au maximum 140.000 emplois par an, il faut arroser du bénéfice de la mesure chaque année environ 3 fois plus d’emplois : 400.000 emplois qui se seraient créés de toutes manières mais qui vont sauter sur l’aubaine.
L’Institut de l’Entreprise a calculé et l’UDF confirme que cette mesure coûterait au total 3,3 à 4,3 milliards d’euros en année pleine, une fois déduits les rentrées de TVA, d’IS, etc. issus de ces créations d’emplois. C’est aussi mauvais comme rendement de l’argent public que la plupart des mesures prises depuis 20 ans et qui nous ont laissé avec le chômage que l’on connaît.
Alors qu’il est possible de faire beaucoup mieux et ne rien coûter à l’Etat en créant des emplois. C’est ce qu’ont fait les Américains avec les sociétés dites Subchapter-S. nous pouvons le faire en France avec des mesures de même inspiration comme l’ISF-emploi.



11 mars 2007
par JDCh


Airbus: un "clash" annonçant le "crash" ? (épisode 7)

Le cours de bourse d'EADS a décroché depuis début mars d'environ 26€ à 22€ ce vendredi soit 16% de baisse. Tout ceci paraît bien bénin quand, après les résultats 2006 annoncés par la direction, on s'aperçoit que le PER2006 (ratio entre le cours de bourse et le bénéfice net par action) est de 417, alors que ce type d'entreprise est en général valorisé sur un PER de 10 à 13 !

D'ailleurs le consensus 2007, tel qu'il n'a pas été mis à jour sur Boursorama (cf Consensus EADS), est toujours affiché à 13,38 alors que la direction n'a pas caché que les résultats 2007 ne seraient pas meilleurs en 2007 et que les pilules de l'A380, du plan de restructuration POWER8 et du changement de stratégie concernant l'A350 ne seraient toujours pas digérées financièrement.

Quand, en plus, on entend parler d'augmentation de capital nécessaire (ce qui veut dire que le groupe connaît dans un son plan un point bas où il est techniquement en cessation de paiement), que les seuls qui veulent bien se précipiter pour souscrire sont les régions administratives Françaises (dixit Démagolène alors qu'elle sait que ces entités ne pourraient peser plus de 1% dans le capital) ou l'Etat Français (dixit de Villepin et Breton alors notre cher État est lui-même proche du dépôt de bilan) et que Sarkoléon compare la situation à celle d'Alstom, nous voilà rassurés !

Le cours de bourse reste aujourd'hui supérieur à celui d'octobre 2006 lorsque j'ai commencé cette saga "Airbus... le crash" (cf liens plus bas). Les marchés financiers sont finalement bien plus indulgents que nous le pensons généralement. Ils tiennent compte de la bonne santé de Eurocopter et des activités de Défense de EADS pour finalement valoriser les pertes d'Airbus à zéro (et non pas négativement). Ils font apparemment confiance à Gallois et son co-président Allemand pour mener à bien le plan POWER8 malgré les embûches que ne manqueront pas de leur présenter nos gouvernants, incapables de comprendre que la situation industrielle et financière nécessite de laisser le management dérouler le plan de retournement de l'entreprise, condition sine qua none à la survie de cette ex-réussite industrielle Européenne.

Le fait que EADS décide, via son conseil d'administration, de tout de même verser un dividende pour cet exercice 2006 ne devrait tromper personne. Certains semblent penser que c'est sous la pression des actionnaires principaux (Lagardère ou Daimler-Chrysler) ou des actionnaires institutionels (Fidelity et consors) que cette décision a été prise. La réponse est plus simple que cela: verser un dividende c'est afficher une confiance dans le futur proche et donc, par cette décision, le conseil d'administration essaie de véhiculer un sentiment de confiance en vue des prochaines échéances et notamment d'une future augmentation de capital qui pourrait être fort dilutive pour les actionnaires du groupe si le cours de bourse devait encore s'effondrer...

Les marchés sont-ils dupes ? Il semble que oui... En tout cas, pour l'instant...

A suivre...

cf Épisode 1
cf
Épisode 2
cf
Épisode 3
cf Épisode 4
cf Épisode 5
cf Épisode 6



04 mars 2007
par JDCh


Surprise, Démagolène serait opportuniste !

Résultat du petit sondage effectué auprès de vous sur la tendance politique de Démagolène qui apparaît comme "socialo-opportuniste" !

Opportuniste 53.6%
Je m'en fous 21.6%
Socialo-communiste 13.4%
Social-democrate 6.2%
Chretien-democrate 3.1%
Je n'en sais rien 2.1%

On est assez loin du début de campagne Blairiste... A moins que Démagolène ne se soit contentée de plagier l'opportunisme bien connu de Tony !

Dîtes-nous maintenant ce que vous pensez de Calibayrou (cf sondage dans la colonne droite de ce blog)...



02 mars 2007
par JDCh


Inflexisécurité à la Française...

La France, comme une bonne partie de la planète et en tout cas tout ce que l'on appelle le "monde occidental", est en fin de transition entre un "monde industriel et mercantiliste" et une "ère post-industrielle et globalisée". Je parle à dessein de fin de transition car la situation de notre pays est un peu celle de quelqu'un qui, pour continuer son voyage, doit changer de train. Nous étions jusqu'alors dans la navette entre ces deux époques, avons-nous envie de prendre le TGV qui est sur l'autre quai ou préférons-nous attendre en gare que... rien ne se passe ?

L'époque "industrielle et mercantiliste" avait deux caractéristiques: un, une grande partie des emplois étaient des emplois de production de biens de consommation ou d'équipement et deux, les États, au travers des barrières douanières et de politiques bilatérales d'échanges économiques, jouaient un rôle clé dans les échanges commerciaux internationaux. Cette ère est révolue... Croire que l'on pourrait y revenir est illusoire... Réfléchir comme si ce n'était pas le cas est naïf si ce n'est stupide voire suicidaire...

Les chiffres passés parlent d'eux-mêmes, de 35% dans les années 50, en passant par 25% en 1980, le pourcentage d'emplois industriels en France est maintenant aux alentours de 15%. En moins de trente ans, 40% des emplois industriels ont disparu... et cela ne va pas s'arrêter même si naturellement le rythme en nombre absolu d'emplois supprimés se ralentit déjà (1% de 15% c'est moins que 1% de 25%!).

On attribue à la mondialisation et aux délocalisations vers des pays à bas coûts salariaux cette destruction d'emplois, c'est exact mais incomplet. Il est peut-être utile de rappeler que le phénomène a commencé bien avant la montée en puissance Chinoise et qu'il a démarré lorsque les robots Japonais ont rendu "ringardes" les usines tayloristes Américaines ou Européennes: les ouvriers Japonais n'étaient pas à l'époque moins bien payés que les ouvriers Français... Ils étaient simplement moins nombreux à produire plus, et ils produisaient au rythme des commandes. La France, comme l'Allemagne, a d'ailleurs fort bien robotisé son industrie dans les années 70 et, bien que détruisant de très nombreux emplois, a maintenu et amélioré à la fois le niveau de qualité des produits manufacturés en France et la productivité de ces usines (un exemple qui parle à tout le monde est celui des voitures Françaises de qualité médiocre à l'époque qui égalent maintenant les voitures Japonaises ou Allemandes en terme de fiabilité et souvent de qualité de finition).

L'émergence de la Chine (et de l'Asie du Sud Est en général) a certes apporté une possibilité de gain de productivité en permettant de réduire, dans un rapport de 1 à 5 voire plus selon les industries, le coût de la main d'oeuvre inclu dans le prix d'un produit mais elle n'a pas apporté que cela: en devenant "l'usine du monde", cette zone a "mutualisé" les moyens de production de nombreuses entreprises, lissé les volumes et donc "flexibilisé" les coûts de fabrication.

Pour un produit manufacturé donné, le coût de la main d'oeuvre ramené au prix de vente par l'industriel est un facteur de décision mais il doit être comparé aux coûts de la matière première ou des composants du produit souvent bien supérieurs ainsi qu'aux coûts de transport ou de non-qualité inhérents à toute production délocalisée et sous-traitée. Nous sommes arrivés à un point où à flux de production régulier et utilisant pleinement l'outil de production, ce "coût de main d'oeuvre à la pièce" n'est plus déterminant. Ce qui est dorénavant déterminant, c'est la flexibilité de l'outil de production, sa capacité à maintenir un "coût à la pièce" constant alors que les commandes ne sont pas au niveau attendu, alors que le produit sur lequel le marketing misait beaucoup fait un "flop", alors que le produit ne se vend qu'au moment de Noël ou encore alors que le grand client industriel connaît un retard important et diffère ses demandes de livraison... On pourrait multiplier les exemples.

Si vous demandez à un manager de choisir entre un modèle à forts coûts fixes qui ne peut donc être rentable qu'au dessus d'un certain niveau de production et un modèle à coût fixe limité et à coût principalement "variabilisé" c'est à dire dépendant mécaniquement du niveau de production, il n'y aura jamais photo. Tout bon dirigeant dont la mission est, avant de penser à améliorer ses profits, d'assurer la pérennité de l'entreprise choisira le modèle à coûts variables. Par ce choix, il sait qu'un coup dur n'entraînera pas forcément la faillite de l'entreprise. Si un produit est un "flop commercial", c'est le sous-traitant chinois qui assumera financièrement le fait qu'il y a moins à produire...

Résumer le phénomène des délocalisations industrielles à une guerre économique avec des pays à faibles coûts salariaux est donc une erreur. La véritable guerre économique est entre des économies à forts coûts fixes et des économies à coûts "mutualisés"/"flexibilisés"/"variabilisés". La lutte pour produire le jouet en plastique à 3 euros ou le T-shirt en coton à 2 euros est évidemment déjà perdue, celle pour assembler un téléphone portable, un écran plasma ou un ordinateur l'est également et celle pour continuer à construire des voitures, des avions, des turbines électriques pas encore... Le taux "horaire" de nos ouvriers représente finalement un facteur peu déterminant dorénavant, notre vision "inflexible" du monde industriel l'est. Les constructeurs automobiles en utilisant beaucoup d'intérimaires et en mutualisant la production des composants d'une voiture au sein d'une chaîne de sous-traitance à plusieurs niveaux ont trouvé une réponse satisfaisante... pour l'instant. Ils ont "variabilisés" leurs coûts de production mais il leur faut sortir, année après année, des modèles à succès, différents et bien positionnés pour pérenniser leur modèle...

L'ère dite "industrielle" était une époque où la demande était plus forte que l'offre. Un fabricant de télévisions dans les années 50 savait qu'il vendrait ses téléviseurs s'il était capable de les amener sur le marché à un prix abordable pour le consommateur. L'ère "post-industrielle" dans laquelle nous sommes est une époque où l'offre est pléthorique, où il faut capter l'attention du consommateur, adresser des marchés de niche de plus en plus étroite, convaincre souvent par des critères "immatériels", créer le besoin par l'innovation... Le succès de l'iPod n'a rien à voir avec le fait que ses objets portables sont fabriqués par un sous-traitant asiatique "à bas coûts salariaux": il est dû au fait que l'objet est beau, que l'utilisateur sait s'en servir très vite et très facilement, que sa connexion à iTunes est "sans couture"... Apple n'aurait jamais pu non plus devenir un fabricant de lecteurs de musique digitale si elle n'avait pas pu s'appuyer sur un sous-traitants nommé Inventec (qui aurait pu être Flextronics, Solectron ou un autre) acceptant de mettre en place des chaînes d'assemblage et garantissant une montée en charge de la production dépendante du succès commercial de l'iPod.

Quand on voit les politiques de tous bords se pencher sur le lit du malade Airbus, quand on entend les syndicalistes "inflexibles" de la CGT ou de FO s'exprimer sur tel ou tel plan de restructuration, quand on voit l'énergie et l'argent dépensés pour essayer de sauver un mode de conception de l'entreprise industrielle qui a maintenant plus d'un siècle, on prend peur car le TGV sur l'autre quai annonce son départ et tout ce petit monde -y compris ceux qui les écoutent- va rester en gare...

Nos voisins, soumis exatcement aux mêmes conditions économiques, on fait des choix, accepté le changement, pris en considération l'inéluctable et sont en train de rebondir. En caricaturant, les Britanniques ont fait leur deuil de l'industrie manufacturière mais ont construit une économie de la finance et des services qui n'est pas délocalisable (le "back-office" de la City se trouve à Edimbourg...), les Allemands ont sélectivement et intelligemment organisé la délocalisation partielle de leurs industries en Europe centrale (Pologne Slovaquie...) et généralisé dans leur pays la flexibilité du temps de travail, les Danois ont misé sur l'innovation (ce pays qui compte 12 fois moins d'habitant que la France investit un tiers de ce que la France investit en capital-risque soit 4 fois plus par habitant) et la fameuse "flexisécurité" dont certains de nos politiques parlent sans vraiment en expliciter le contenu fondamental...

Les Danois ne sont pas d'épouvantables ultra-libéralistes, individualistes sans humanité, prêt à sacrifier la cohésion sociale de leur petit pays pour permettre l'enrichissement de quelques uns. Non, les Danois culturellement à mi-chemin entre leurs voisins Suédois et Allemands ont simplement compris que monter dans le train de l'autre côté du quai était impératif, que la transition que cela implique est fondamentale et que leur modèle devait être amendé lourdement pour se remettre à fonctionner de façon "flexible et sécurisée"... Ils ont surtout compris que la globalisation n'est pas simplement porteuse de délocalisations industrielles, qu'elle nécessite de la compétitivité, de l'innovation et de la flexibilité économique dans tous les secteurs et que, bien adressée, elle peut constituer une opportunité pour leur pays pourtant peu soupçonnable de "dumping social".

Il est bien évidemment très difficile d'isoler une mesure, un dispositif ou un symptôme dans le modèle Danois qui soit à l'origine de son succès lui permettant d'avoir un taux de chômage de moins de 5% contre 9% en France et surtout un taux d'emploi de 77% contre moins de 60% chez nous (sur la population âgée de 15 à 65 ans - cf A quoi cela sert-il de compter les chômeurs ?).

On peut les lister en "vrac":

  • aucune contrainte légale sur la durée du travail ou le contrat de travail (notamment sur les conditions de rupture de ce contrat) ce qui permet aux entreprises d'ajuster leurs effectifs et la durée de travail de ceux-ci à leurs besoins économiques;

  • pas de salaire minimal et un recours important au temps partiel (21,5% contre 16,5% en France) avec pourtant une différence de revenu d'un facteur 3,4 entre les 20% les moins bien rémunérés et les 20% les mieux payés (contre plus de 4 en France)

  • prise en charge à 90% (pour les petits salaires) du salaire pendant 4 ans par l'assurance-chômage mais avec une forte dégressivité de l'indemnité ramenée à 60% du salaire pour le salaire moyen (contre 71% en France) ce qui conduit, en conséquence bien sûr du faible taux de chômage, à une dépense globale d'indemnisation des chômeurs qui a été divisée par presque 3 en 15 ans alors qu'elle a augmenté de presque 50% en France sur la même période;

  • obligation dès la deuxième année de chômage de passer 75% de son temps en formation ou en stage... ce qui dissuade un certain nombre de gens de rester plus de un an au chômage car ils n'ont pas envie de retourner sur les bancs de l'école ou de faire un stage dans une administration (!) et ce qui permet aux gens en transition d'être reconvertis en fonction des besoins du marché de l'emploi;

  • dépenses "actives" de lutte contre le chômage de 1,6% du PIB (contre 1% dépensés visiblement de façon inefficace en France) financés par l'impôt sur le revenu payé par quasiment tous les Danois (contre moins de 50% des Français) rendu ainsi conscients de l'effort financier collectif demandé;

  • utilisation massive des préretraites volontaires ou mise à la retraite anticipée (10 fois plus qu'en France) actant le fait que la génération qui a aujourd'hui plus de 55 ans est, pour partie, "non recyclable" dans le marché de l'emploi alors que le pays a déjà un taux d'emploi très élevé;

  • taux de syndicalisation des travailleurs Danois de 80% contre 8% en France qui s'explique par la nécessité d'adhérer à un syndicat pour souscrire une assurance-chômage mais qui révèle également la possibilité pour le salarié Danois de ne pas souscrire d'assurance-chômage s'il le souhaite;

  • taux de rotation annuel de l'emploi de 30% (presque un Danois sur trois change de job chaque année dont une fois sur quatre parce qu'il a été licencié et trois fois sur quatre parce qu'il a trouvé un meilleur job) contre moins de 15% en France;

  • 1% de chômage de longue durée contre 3-4% en France;

  • excédent commercial de 3% du PIB contre un déficit commercial d'un peu plus de 2% en France;

Cet inventaire à la Andersen est, mes lecteurs en conviendront, loin de l'ultra-libéralisme dont parfois je suis accusé: il peut même parfois paraître paradoxal et ne devient cohérent que si l'on considère toutes ses composantes. Il assemble la flexibilité économique condition indispensable à la création de valeur et de richesses, la mise en valeur de la mobilité professionnelle comme une assurance de pérennité dans le monde du travail, une responsabilisation de tous les citoyens par l'impôt, l'obligation de prise en charge par lui-même pour le citoyen-chômeur et...

...finalement, une reconnaissance par tout un chacun du monde tel qu'il est et non tel qu'il pourrait être si rien n'avait changé.

En relisant cet inventaire, avouez que nos débats gaulois sur le CNE, le CPE ou le contrat unique paraissent bien anecdotiques quand on voit le chemin qu'il nous faudrait faire pour traverser le quai et monter dans le TGV Danois !

Pour ceux qui m'auraient mal lu, je ne me fais pas ici l'avocat du système Danois et je pense que la recette que nous devons appliquer en France pour fabriquer notre train peut être différente mais vérifions simplement que nous ne construisons pas un train-corbillard et que la largeur des rails et la tension dans les caténaires sont compatibles avec le monde dans lequel notre économie est intimement imbriquée.

Repris par Rédacteur Agoravox