29 mars 2008
par JDCh


NousNePaieronsPasVosDettes

Hier matin, un jeune homme claironnait sur RFM qu'il relançait le site NousNePaieronsPas VosDettes.com qui malheureusement est inaccessible ce week-end... Le nommé Arnaud Guerreiro, Président d'Impulsion Concorde (qui a bizarrement choisi le kangourou comme emblème), annonçait, en effet, qu'il souhaitait ressusciter le site web lancé il y a 2 ans qui avait recueilli quelques centaines de signatures en 48 heures de la part d'étudiants ou jeunes actifs en septembre 2006.

Malgré son affiliation à la Fondation Concorde qui se déclare proche de la majorité présidentielle, ce "revival" me fait penser à la révolution déclenchée par le conflit générationnel qui nous guette et que j'avais décrit dans mon "I had a dream". Le vieux con, que je suis et qui se sens pourtant assez "jaune", ne peut que comprendre et soutenir cette protestation modérée émise par des jeunes gens bien éduqués et ne peut que déplorer que cette protestation ne soit pas issue d'une base beaucoup plus large puisqu'elle concerne cruellement toute la génération qui suit les "babyboomers" que nous sommes. Les Français n'ont pas la mentalité des "taxpayers" anglo-saxons qui savent se mobiliser pour contester l'augmentation des impôts, revendiquer pour leur baisse et/ou réclamer plus de qualité/efficacité dans les services reçus en contrepartie des dites taxes.

Jeunes "jaunes" de tous milieux, sachez que, même si notre système fiscal laisse un grand nombre d'entre vous très faiblement touchés par les impôts directs, votre contribution au travers des impôts indirects (TVA par exemple) et les diverses cotisations et contributions sociales prélevés sur vos salaires, fait de vous l'un des plus gros "taxpayers" du monde et que, malgré cela, notre Etat s'endette de plus en plus d'année en année pour financer un déficit qui se creuse d'autant plus que la charge de la dette augmente...

Les calculs de Impulsion Concorde qui incluent, à juste titre, la dette liée aux retraites à venir des fonctionnaires (qui ne cotisent pas pour leur retraite) font apparaître que les intérêts de la dette pèsent 5 millions d'euros par heure: le chiffre est pédagogique puisqu'il correspond à la construction d'une crèche de 50 places toutes les 18 minutes !

De façon plus provocante, mais toujours pertinente, ils montrent que, si le paiement de cette dette ne portait que sur les actifs, un jeune actif au début de sa carrière partirait avec un volume d'intérêts à payer durant sa carrière de 63.400€: selon ce calcul, chaque année, un treizième mois de salaire net moyen partirait donc en paiement des intérêts de la dette de notre état obèse et dispendieux... Pour être sûr de convaincre les plus "gauchistes" de mes jeunes lecteurs, la plus grosse part de cet argent part dans les poches du "grand capital international" puisque c'est auprès de lui que notre État souscrit ses emprunts...

L'annonce du "jaune" Guerreiro est opportune puisqu'elle tombe le même jour que l'annonce par l'INSEE révisant à la hausse le déficit public en 2007 à 2,7% du produit intérieur brut, et faisant apparaître un accroissement de la dette publique à 64,2% du PIB.

La belle Christine, qui a finalement gardé son portefeuille ministériel, a beau s'égosiller sur le thème "pas d'augmentation d'impôts - pas de plan de rigueur", les chiffres sont cruels: l'Etat, les collectivités et la sécurité sociale ont une dette supérieure à 1200 milliards d'euros (en ne comptant toujours pas les retraites non provisionnées des fonctionnaires), l'équilibre budgétaire n'est plus atteignable en 2010, la dette va encore progresser de façon certaine pendant les 3 prochaines années....

A l'instant t, si l'on voulait atteindre l'équilibre, il faudrait soit 4% de CSG/CRDS supplémentaires (passage de 11% à 15%), soit 5% de TVA en plus (passage de 19,6% à 24,6%), soit un mixte des 2 ! L'une de ces 2 mesure ou une combinaison des deux ne ferait que renforcer le "catch 22" (cercle vicieux) du pouvoir d'achat et il semble que cela n'est pas du tout ce que l'immense majorité des Français veulent.

Et pour en revenir à nos étudiants et nos jeunes actifs ou chômeurs (les "Jaunes"), le temps est venu de la "révolte": ils veulent pour les 2/3 tiers devenir fonctionnaires mais le nombre de postes ouverts dans les différentes administrations ou collectivités locales va devoir devenir homéopathique (1 sur 2 est inabordable), ils ne veulent pas payer les dettes laissées par les "Violets" mais ce sont les "Violets" qui décident ou, plus pernicieusement, qui bloquent... Une vraie "chienlit" qui justifierait un vrai Mai 2008...

Si cela arrive, le "vieux con" ira, pour une fois, manifester avec les "jeunes cons" et leur apporter son soutien: il y a, en effet, absolument besoin d'un plan d'austérité drastique dans la gestion de nos dépenses publiques et sociales. On n'appelle peut-être pas cela la rigueur mais il s'agit là d'une impérieuse nécessité pour que notre jeunesse ait le moindre enthousiasme à devenir moins jeune tout en restant dans notre coûteux pays...

Rédacteur Agoravox



16 mars 2008
par JDCh


Carlyle: out of business

La nouvelle est tombée cette semaine: Carlyle Capital Corporation est mis en liquidation...

Contrairement à ce que la brève peut laisser penser, The Carlyle Group n'est pas en péril mais l'un de ses affiliés domicilié à Guernesey et coté à la bourse d'Amsterdam depuis l'été 2007 est, lui, mis en liquidation suite à l'impossibilité pour lui de trouver un accord avec ses créanciers...

Carlyle Group perd évidemment les 15% qu'il détenait dans ce véhicule (valorisés environ 100+m$ au moment de l'introduction en bourse il y a 8 mois) et les 150m$ de prêt à court terme que le groupe avait prêté à son affilié lorsque les premières difficultés apparurent. Ce n'est pas 300m$ qui vont mettre Carlyle Group en faillite mais le fait que Carlyle Capital Corporation (CCC) soit, lui, en liquidation 8 mois après sa cotation ne peut qu'intriguer...

La première question que l'on se pose est de savoir quel était le modèle de CCC ?

En réalité assez simple... CCC disposait après son IPO d'un capital de moins d'un milliard de dollars, était endetté de façon monstrueuse (environ 20 milliards de dollars), avait acheté avec son capital et l'argent emprunté des titres basés sur des crédits hypothécaires notés AAA et vivait de l'arbitrage entre les revenus de ces titres et le coût de sa dette: grosso modo, elle plaçait à un peu moins de 6% et empruntait à un peu plus de 5% et comme cela portait sur plus de 20 milliards de dollars, cela aurait du faire, en base annuelle, 1.2 milliards de revenus et 1 milliard de coûts donc 200m$ de "marge brute" (avant frais de gestion de 25m$ environ par an prélevé par le groupe Carlyle) ce qui est plus qu'honorable pour une capitalisation de moins d'un milliard.

Bref, une machine censée dégager sans grand effort environ 15% par an de dividendes pour l'actionnaire...

La deuxième question est donc: que s'est-il passé ?

Comme tous les business d'arbitrage (et celui là était à méga effet de levier), le problème est que les conditions de génération de profit telles que décrites plus haut ont cessé d'être réalisées à la fin de 2007. Les titres hypothécaires (MBS) achetés par CCC, pourtant notés AAA par Standard & Poor's, ont perdu de leur valeur à la fin de 2007 parce que, faute de liquidité à placer, plus personne ne se positionnait à l'achat sur ce type de placement et la douzaine de banques prêteuses (dont Citigroup, Lehman Brothers mais aussi BNP Paribas et le Crédit Agricole), comme leurs contrats de prêt auprès de CCC les y autorisaient en cas de baisse des titres garantissant leurs prêts, ont réclamé leur dû à savoir soit des compléments de dépôt de garanties en "cash"("appel de marges"), soit, en dernier recours, la récupération en directe des titres.

Le coussin de sécurité de liquidité gardé par CC n'étant que de quelques centaines de millions de dollars (environ 250m$ au moment de l'introduction en bourse), les "appels de marge" ayant dépassé cette somme et étant susceptibles de continuer à augmenter, il aurait fallu que le groupe Carlyle apportent des garanties, sans doute au delà de ses disponibilités, pour éviter la liquidation de CCC. Et puis, malgré le risque réputationnel fort encouru pour le groupe (qui a déjà, à tort ou à raison, une réputation controversée), pourquoi risquer quelques centaines de millions supplémentaires en ayant une très forte chance de les perdre dans quelques semaines ?... Ite missa est...

Les actionnaires de CCC ont tout perdu. Les banquiers de CCC vont essayer de récupérer ce qu'ils peuvent des MBS détenus par CCC qu'ils ont préemptés... Ils feront sans doute partie des prêts à court terme que la Fed a décidé de lancer, pour ralentir ou inverser l'effet domino en cours, en injectant des liquidités dans le système bancaire contre des actifs non-liquides...

La troisième question qui vient ensuite est de savoir si l'introduction en bourse de CCC était une arnaque préméditée ?

Un certain nombre d'indices pourraient soutenir cette thèse comme la domiciliation à Guernesey et surtout l'introduction sur la bourse d'Amsterdam pour un véhicule gérant essentiellement des actifs Américains. On peut penser que ce sont des éléments fiscaux et légaux qui ont poussé à ce montage transatlantique. En tout cas, si cette introduction avait fait appel à l'épargne publique aux Etats-Unis, le groupe Carlyle serait aujourd'hui exposé à des "class actions" douloureuses !

On remarquera aussi que le prospectus d'IPO de CCC contenait une description précise des risques lourds et nombreux encourus par le souscripteur d'actions de CCC: les titres achetés par CCC qui pouvaient perdre de leur valeur et le coussin de sécurité qui pouvait s'avérer insuffisant ainsi que le levier sans limite cité à de nombreuses reprises dans le document faisaient de l'investisseur averti un gogo (s'il avait lu le document). Formellement, l'IPO ne fut pas mensongère.

On notera surtout que CCC, créée à l'été 2006, dont l'IPO a du se préparer au cours du premier semestre 2007 est passé entre le 31/12/06 et le 30/06/07 d'un portefeuille de MBS de 7 milliards à 22 milliards de dollars. Si Carlyle avait durant cette période anticipé la crise du "subprime" et ses dommages collatéraux, on voit mal pourquoi elle aurait multiplié par trois son exposition aux titres hypothécaires !

En étant totalement paranoïaque, on pourrait imaginer un "ami de Carlyle" qui a, fin 2006, 22 milliards de MBS dont il sait qu'il vont perdre beaucoup de leur valeur et qui demande à Carlyle de les "porter" dans un véhicule "ultra-leveragé" dont Carlyle devient via l'IPO un actionnaire minoritaire en charge de la gestion du dit véhicule. Ceci paraît quand même être un scénario fort compliqué, très incertain (l'IPO aurait pu échouer) et assorti d'un risque réputationnel très fort si on le compare à une cession par "petits paquets" de ces 22 milliards au cours du premier semestre 2007 !

Tout laisse donc à penser que le groupe Carlyle a monté une machine pour faire des sous et que cette machine s'est enrayée suite à la crise du crédit actuelle... Sans doute pas de malhonnêteté dans cette affaire mais beaucoup d'inconscience à jouer les apprentis sorciers dans un marché qui n'est pas le terrain de jeu naturel du groupe spécialisé historiquement dans le Private Equity.

Conclusion

We must atone for our sins ("nous devons expier pour nos pêchés") a déclaré, plein d'humour (?), David Rubenstein co-fondateur du Carlyle Group au Financial Times. Le châtiment pour The Carlyle Group se résume à quelques centaines de millions de dollars perdus et une réputation ébréchée une fois encore. A vous de juger si cela est suffisant. Une chose est certaine, comme disait ma grand mère, "money business will never die" ("le business de la finance ne mourra jamais") !

Je finirais par ce clin d'oeil: le "ticker" de Carlyle Capital Corporation sur Euronext est "CCC" pour une société censée ne détenir que des actifs AAA. Le choix de ce "ticker" était sans doute prémonitoire !



07 mars 2008
par JDCh


Wrong numbers

Après une semaine de "blog vacation", petit "post" sur un sujet qui me tient à coeur car extrêmement représentatif de l'ignorance économique dans laquelle hommes politiques et média tiennent nos compatriotes.

Dans une entreprise, il est de bonne pratique que de définir des KPI (Key Performance Indicators) qui sont, en général, des nombres que l'on suit mensuellement, trimestriellement... et dont l'évolution reflète en synthèse l'évolution de la santé économique de l'entreprise. Dans une SSII, ces 2 KPI sont, par exemple, le taux d'activité (nombre d'ingénieurs facturés sur contrat client / nombre total d'ingénieurs) et le tarif journalier moyen.

Pour l'entreprise France, il est des chiffres qui sont suivis régulièrement et qui sont de faux KPI: les Français les entendent annoncés par nos gouvernants et commentés par les média et sont, de facto, désinformés par le mauvais choix des dits indicateurs. Deux exemples simples: le taux de chômage et le déficit commercial. Explications...

Beaucoup d'auto-félicitations et de commentaires enjoués cette semaine sur le fait que le taux de chômage en France ait atteint son point le plus bas depuis 1983 à 7,5%. Fausse bonne nouvelle par excellence visant à endormir nos concitoyens et à espérer de leur part un peu plus de confiance et de consommation... En effet, l'évolution démographique de 1983 à 2008, fait que mathématiquement les Français ont 25 ans de plus et que les baby-boomers nés entre 1945 et 1950 ont atteint l'âge de la retraite alors que les beaucoup moins nombreux conscrits nés entre 1980 et 1985 sont arrivés sur le marché du travail. Mécaniquement, le taux de chômage a donc baissé et la situation économique de la France n'est donc que visuellement "aussi bonne qu'en 1983". Elle s'est, en fait, fortement dégradée par rapport aux premières années Mitterandiennes !

L'affaire n'est pas simple car plusieurs phénomènes contradictoires se sont produits depuis 1983, période pendant laquelle la France a vu sa population active passer d'un peu plus de 21 millions de personnes à 25 millions:

  • les derniers baby-boomers (1960-1965) sont arrivés sur le marché du travail dans les années 1980 alors que les premiers (1945-1950) commencent à partir à la retraite depuis seulement quelques années;
  • le taux d'activité (un chômeur étant considéré comme actif) des femmes de 25 à 50 ans est passé de 65% à plus de 80% alors que celui des hommes du même âge est passé de 97% à 94%;
  • le nombre de fonctionnaires est lui passé de 4.1 millions à plus de 5.2 millions (soit 26% d'augmentation notamment à cause de l'inflation des effectifs de la fonction territoriale).

On pourrait ainsi connaître, et je suis bien entendu provocant en choisissant ce scénario, une forte baisse du taux de chômage en prenant les mesures suivantes:

  • introduire un revenu maternel faisant baisser le taux d'activité des femmes;
  • laisser partir en préretraite dès 55 ans les papy-boomers;
  • recruter tout jeune de 25 ans au chômage depuis 1 an en tant que fonctionnaire de police ou des impôts.

Le taux de chômage pourrait alors flirter avec les 2-3-4% mais notre économie serait exsangue: population active plus faible, création de valeur plus faible, population senior à la charge de la collectivité plus importante et proportion des emplois sans création de valeur économique directe en augmentation. En gros, un beaucoup plus petit gâteau de valeur ajoutée servant à financer une population plus importante (phénomène, par ailleurs, aggravé par l'allongement de la vie).

Une vraie amélioration de la situation économique et donc de la taille du gâteau et de la part de chacun n'est possible que si:

  • la population active ne décline pas en nombre (bien au contraire) ce qui veut dire, vu la démographie, fort taux d'activité des femmes et allongement de la durée de vie professionnelle;
  • nombre de fonctionnaires en baisse en ratio de la population active;
  • et bien évidemment, baisse du nombre de chômeurs.

Nous sommes aujourd'hui sur l'équation:

25M actifs=18M emplois privés+5M fonctionnaires +2M chômeurs (ou plus)

et nous devrions viser:

27M actifs = 21M d'emplois privés+4M fonctionnaires+2M chômeurs (ou moins)

Ce n'est pas fantasmer que de viser cela, la Grande Bretagne, qui a la même population que nous (avec un taux de natalité inférieur), compte 24 millions d'emplois privés (cf IFRAP 2007)!

Comptons les chômeurs d'accord mais comptons surtout le nombre d'emplois privés en France: on pourra alors vraiment commenter les bonnes ou mauvaises nouvelles de l'emploi dans notre cher pays.

Ayant vu la fausse bonne nouvelle du taux de chômage, regardons maintenant la fausse mauvaise nouvelle du déficit commercial... Lamentations et auto-flagellation sont de rigueur pour commenter nos 40 milliards de déficit commercial.

Pour reprendre la perspective 1983-2008, savez-vous que le volume de nos exportations est passé de 150 milliards à presque 500 milliards d'euros sur cette période ? Évidemment, le volume de nos importations a connu une évolution similaire et, depuis 2004, il croît plus vite que celui de nos exportations d'où un déficit de 8%. Il n'y a, en fait, pas vraiment à s'en inquiéter...

Savez-vous que la Grande Bretagne et l'Espagne ont respectivement un déficit de 120 et 100 milliards d'euros et qu'aucun journal britannique ou ibérique ne commente ses chiffres qui pourraient paraître alarmants.

Savez-vous que, par salarié du secteur marchand, le taux d'exportation Français est supérieur de 60% à celui des Américains et de 40% à celui des Japonais ?

Vous savez sans doute qu'une bonne part de la hausse des importations est due à la hausse du pétrole et que ce phénomène touche aussi nos principaux compétiteurs économiques.

Vous savez également qu'une énorme part de nos exportations se font dans la zone euro et que la parité euro-dollar n'a qu'une influence très faible sur cette partie des exportations (notamment les échanges agro-alimentaires intra zone-euro).

Il serait fort long de finement analyser quel est l'optimum entre volume d'exportation, niveau de consommation, parité euro-dollar et, en conséquence, solde commercial. Une chose est sûre: si nous créons les 3 millions d'emplois privés que je citais auparavant, on pourrait avoir un déficit commercial abyssal et pourtant avoir une économie en pleine santé et un pouvoir d'achat en forte hausse et non en baisse continuelle comme aujourd'hui.

Le déficit commercial est une mesure qui, isolée, ne veut strictement rien dire. Arrêtons de nous lamenter et mettons nous au boulot...

PS: Ne me demandez pas le rapport entre ce "post" et l'image que j'y ai insérée. Il n'y en pas...