12 avril 2008
par JDCh


Que cela reste en famille...

Le cafouillage cette semaine à propos de la carte de réduction SNCF "familles nombreuses" est assez représentative de nos querelles et de nos impuissances gauloises...

70 millions d'euros (ndr: j'aurais pensé beaucoup plus) représentent le coût de cette vieille coutume instaurée il y a des lustres et notre cher État a envisagé un moment que cette somme - 1,75 pour 1000 de notre déficit - soit sur la liste des économies à réaliser. On aurait réalisé celle-ci et quelques 570 autres mesures équivalentes que nous serions à l'équilibre ! Un bon départ en somme...

Évidemment et malheureusement le ridicule de la somme comparée à l'apparente mobilisation que sa suppression commençait à susciter a fait reculer nos ministres et notre Président. Il semble que, dorénavant, cette somme sera assumée par la SNCF elle-même quoique garantie par l'Etat en cas de déficit de la même SNCF ! Quel compromis glorieux...

Les associations de famille se sont mobilisées, Nadine, notre fraîchement nommée secrétaire d'état à la famille s'est émue, Dominique, notre ministre des transports s'est contredit et Nicolas, notre Président a réglé le problème directement avec Guillaume, le Directeur Général de la SNCF. Tout s'est réglé en famille: on a failli se fâcher mais tout va bien maintenant... Ouf !

Cet incident, dont il ne convient pas de faire un fromage (qui pue), est tout de même assez illustratif de plusieurs ignorances (ou volontés d'ignorer) de la part des uns et des autres:
  • la politique familiale, vieille tradition Française, qui nous vaut et c'est très heureux, une démographie beaucoup moins défavorable que celle de nos voisins repose sur 2 piliers: le quotient familial qui permet à de nombreux foyers modestes de ne pas payer d'impôt sur le revenu et à de nombreux foyers aux revenus moyens de d'en réduire significativement le montant acquitté et les allocations familiales financées par des prélèvements sur les salaires et qui sont versées à des millions de foyers aux revenus modestes ou moyens. Les sommes dont on parle ici sont colossales: environ 40 milliards d'euros pour les allocations familiales et sans doute une dizaine de milliards d'euros de manque à gagner sur l'IRPP. On a envisagé, durant quelques jours, de faire 70 millions d'économies sur une politique qui coûte 50 milliards soit 0,14% d'économie et on a entendu certains hurler à la mort pour mise en péril de la dite politique ! Plus grave, devant ses hurlements, nos politiques ont décidé reculer et adopter un compromis sans aucun sens économique... Je n'ai entendu personne comparer cette mini-somme avec le budget global de la politique familiale...

  • Nadine Morano, toujours fraîchement nommée, a utilisé l'objectif de "florissante" pour qualifier l'entreprise SNCF. Quelle connaissance de ses dossiers ! S'il est vrai que l'activité Grandes Lignes de la SNCF est très largement bénéficiaire après avoir taillé des croupières à l'avion avec son TGV et adopté il y 15 ans une politique tarifaire tenant compte des coûts et du taux de remplissage des trains, le reste de la SNCF ne va pas bien du tout. Le fret est une source de pertes récurrentes (quelques centaines de millions d'euros) et l'activité banlieue est subventionnée à hauteur de 1,5 milliard d'euros par le Syndicat des Transports d'Ile de France. On comprend que Guillaume Pepy, lui-même fraîchement nommé, tienne à ses 70 malheureux millions de subvention de la carte "familles nombreuses"... Je n'ai entendu personne rappeler la situation précaire ou subventionnée de notre transporteur national...

  • Est-il besoin de rappeler également que le compromis trouvé à savoir une garantie par l'Etat de cette subvention en cas de déficit de la SNCF ne fait faire aucune économie au contribuable qui paie tout de même: en effet, si cette subvention était annulée, cette somme serait disponible sous forme de dividendes pour notre cher Etat actionnaire à 100% de la SNCF et viendrait en déduction de notre déficit massif ! L'argent est fongible et une dépense ne se transforme pas en économie si facilement que cela ! Je n'ai entendu aucun journaliste dire qu'une opportunité de baisser notre déficit public avait été ratée...

  • Enfin, il faut reconnaître que la SNCF a commercialement développé de nombreux produits favorisant les déplacements des jeunes ou des adultes accompagnant des enfants. Elle l'a fait parce qu'elle veut remplir ses trains aux heures où les businessmen ne prennent pas le TGV et elle continuera à le faire voire amplifiera cette politique lorsqu'à partir de 2010, des opérateurs alternatifs pourront transporter en train des familles ou des jeunes sur le territoire Français et auront une politique agressive vis à vis de ces cibles commerciales. La carte "familles nombreuses" créée il y a 60 ans alors que le tarif des billets de train reposait seulement et uniquement sur une valeur kilométrique est, sans doute, maintenant et dorénavant un obstacle à une politique marketing plus agressive de la part de la SNCF vis à vis des familles et des jeunes... Je ne m'attendais pas à ce que d'aucuns glorifient une éventuelle déréglementation des transports ferroviaires: la libre concurrence n'ayant pas (euphémisme) la réputation qu'elle mérite dans notre cher pays !

Bien entendu, je n'ai rien contre la carte "familles nombreuses" dont j'étais un usager assidu lors de mon enfance et adolescence. Les 70 millions d'euros en question ne changeront rien de matériel à nos déficits abyssaux. Il me semblait simplement intéressant de noter le manque de raisonnement économique derrière cette anecdote... Après tout, "c'est nous qu'on paie tout ce que ça coûte" !



07 avril 2008
par JDCh


La notion de "dépenses fiscales"...

http://www.nousnepaieronspasvosdettes.com/ est toujours inaccessible mais mon "post" précédent repris par Agoravox a permis à nos concitoyens collectivistes de tous poils de se défouler... Il est étonnant de voir comment il suffit de dire que la charge de la dette publique est trop importante et représente un véritable fardeau pour la génération qui nous suit pour se voir accuser de tous les démons capitalo-ultra-libéraux et d'une volonté farouche pour un fossoiement complet de nos systèmes publics et collectifs !

Pourtant, comme le répète à l'envi Philippe Manière Directeur Général de Institut Montaigne, la "sphère publique Française" dépense chaque mois 13,5% de plus qu'elle n'a de recettes (ndr: j'aimerais bien trouver, d'ailleurs, comment ce pourcentage très pédagogique est calculé. A bon entendeur...). Ce dépassement que toute ménagère ou chef de petite entreprise comprend comme étant une véritable recette pour la catastrophe oblige la dite "sphère publique" à s'endetter pour honorer ses échéances et conduit à la situation dramatique de sur-endettement que je ne faisais que stigmatiser sous l'angle d'un désalignement générationnel latent et évident...

Mister Woerth a d'ailleurs annoncé la semaine dernière, dans le cadre de la Révision Générale des Politique Publiques, un plan d'économie de 7 milliards d'euros d'ici 2011. Personne, sauf les détracteurs de cette intention, ne veut parler de "plan de rigueur" (faudrait pas faire peur au "veaux hébétés" tels que nos médias et hommes politiques considèrent leur audience ou leurs administrés !) ou encore moins de "plan d'austérité" (tel que je le suggérais) et c'est pourtant de cela que nous avons besoin. Certes 7 milliards ne correspondent qu'à environ un sixième du chemin à parcourir pour retrouver l'équilibre mais 7 milliards auxquels on rajouterait les 5 milliards annoncés ce matin par le même Mr Woerth (qui s'est sans doute aperçu que "quitte à y aller, autant y aller..."), c'est prendre la bonne direction, c'est démarrer un chantier qui n'a jamais démarré, c'est, finalement, tenir les promesses du candidat Sarko et répondre aux attentes des Français qui, pour 79%, se déclarent favorables à une réduction forte des dépenses publiques. Bref, vous connaissez la musique...

Revenons-en au titre de ce "post" et à l'illustre inconnu qui figure sur la photo. Il s'agit de Monsieur Didier Migaud, socialiste et Président de la Commission des Finances à l'Assemblée Nationale que j'ai entendu parler ce week-end de "dépenses fiscales"...

Un petit coup de Google m'a permis d'apprendre que ce vocable désigne, en fait, tout dégrèvement fiscal ou crédit d'impôt décidé par notre cher État ! Comme si les sommes non prélevées ou déduites des impôts dûs appartenaient à notre toujours aussi chère collectivité nationale et étaient "dépensées" au profit des bénéficiaires des diverses déductions, réductions ou crédits fiscaux dont notre pays est si friand !

Je pensais qu'en laissant le poste de Président de la Commission des Finances à un socialiste, on s'arrangerait pour en trouver un de type "social démocrate" ayant compris que "l'impôt tue l'impôt" et qu'à plus de 50% de prélèvements obligatoires, un pays est atteint d'une forme "d'asthme économique" voire pire...

Non, ils en ont désigné un qui raisonne à l'envers... Un qui croit que tout appartient à la collectivité et que ce que l'on a la gentillesse de laisser aux uns est un "cadeau fiscal"... Un qui, au lieu de mettre sa commission au travail sur comment trouver les 7 ou 12 milliards d'économie dont notre pays a un besoin impératif, considère que gérer l'Etat et la "sphère publique" en se mettant des contraintes économiques est contraire à l'intérêt général... Un qui, au nom de ce même intérêt général, intitule le bouclier fiscal ou la non fiscalisation des heures supplémentaires (à laquelle je ne crois, d'ailleurs, pas beaucoup) comme une dépense de l'Etat... Un qui, insidieusement, veut laisser entendre que ceux qui bénéficient de tel ou tel allégement ou crédit d'impôt sont en fait des personnes (ou des entreprises) qui "piquent dans la caisse commune" et sont, en quelque sorte, d'horribles profiteurs ou, au mieux, sont des assistés subventionnés par la grâce de notre État peu efficace mais si généreux !

Je n'aurais pas perdu mon week-end, j'ai appris un nouveau terme, celui de "dépense fiscale". Mieux, j'ai retenu une leçon applicable à chacun d'entre nous "Méfiez-vous de celui qui parle de "dépense fiscale", il est sans doute très toxique économiquement" !