16 mai 2010
par JDCh


Capital risque et défiscalisation ISF

J'ai été interpellé plusieurs fois depuis l'annonce du premier closing du FCPR ISAI sur le fait que je sois potentiellement contre la défiscalisation ISF via l'investissement dans des PMEs. Comme le sujet n'est pas simple, je me suis dit qu'un petit "post" de clarification pourrait être utile...

Avant de porter un jugement plus général sur cette "niche fiscale", l'histoire d'ISAI est à rappeler: lancée par quelques entrepreneurs de renom cette initiative avait initialement envisagé d'utiliser la "holding ISF" comme véhicule d'investissement. Il n'a cependant pas fallu longtemps à l'équipe pour s'apercevoir que les contraintes de déploiement du capital souscrit (le fameux 15 juin) et surtout la très vraisemblable instabilité fiscale de notre cher pays rendait l'exercice d'investissement "early stage" dans des "start-ups" du net très précaire. Le nerf de la guerre en "early stage" est, en effet, la capacité à participer à plusieurs tours de table au sein de la même entreprise en l'accompagnant sur plusieurs années vers l'équilibre économique: comment faire cela, si entre 2 tours de table, la fiscalité change, la "niche" est supprimée et les souscripteurs disparaissent... ?

Lorsque j'ai commencé à m'investir dans ISAI, l'idée était de lever un véhicule pérenne, le fameux FCPR ISAI d'une durée de vie de 8 ans avec les moyens de refinancer le portefeuille constitué durant les 4 premières années et de garder une holding ISF ISAI de taille modeste qui co-investirait aux côtés du FCPR et ce, tant que la fiscalité serait stable et que les actionnaires de cette holding également souscripteurs dans le FCPR y trouveraient un avantage fiscal bienvenu. Au bout de 6 mois de levée de fonds, il est apparu que le nombre de souscripteurs du FCPR intéressés par le dispositif ISF étaient peu nombreux et que la gestion d'un tout petit véhicule souscrit par un petit sous-ensemble de souscripteurs du FCPR allait s'avérer coûteuse et peu pérenne. Nous avons alors décidé de supprimer ce "side vehicle" et de n'avoir qu'un FCPR qui ne présente aucun avantage fiscal à l'entrée mais simplement une fiscalité allégée sur les plus-values à la sortie si les souscripteurs s'engagent à conserver leurs parts pour une durée de plus de 5 ans.

Nous avons ainsi communiqué sur le fait que nos souscripteurs, individuels pour l'essentiel des entrepreneurs du net, étaient venus dans ISAI parce que le concept de "fonds d'entrepreneurs early stage spécialisé dans l'internet" leur plaisait et pas parce qu'ils pouvaient y trouver un avantage fiscal immédiat. Dire que l'on est content d'avoir obtenu le support d'une soixantaine d'entrepreneurs-souscripteurs sans qu'il y ait eu, pour cela, besoin d'une carotte fiscale ne signifie pas que l'on soit contre la loi TEPA et son volet ISF/PME !

Dans un monde idéal, ma vision d'une fiscalité efficace comprendrait:
  • la suppression totale de l'ISF impôt inique consistant à taxer ce qui l'a déjà été maintes fois et obligeant ensuite à la mise en place de l'incompris bouclier fiscal ou de cette fameuse niche TEPA/ISF-PME.
  • un IRPP (avec ré-intégration de la CSG/CRDS) avec un taux d'imposition beaucoup plus "flat" et une assiette beaucoup plus large faisant de la démocratie Française une "république de contribuables" (et non de chasseurs de niches fiscales ou de collectionneurs d'avantages sociaux) dans laquelle les électeurs conscients du "combien ça coûte" n'écouteraient plus les démagogues de tous poils (qui ne sont obsédés que par le fait d'être élus ou ré-élus) mais voteraient pour des gestionnaires enfin rigoureux d'une économie publique en quasi-faillite !
  • la suppression de toutes les niches fiscales sauf celles visant à annuler la double imposition à l'IRPP (en effet, les pensions alimentaires et les salaires des emplois à domicile, pour prendre deux exemples, n'ont aucune raison d'être taxés deux fois une fois pour le "payeur" et une fois pour le "bénéficiaire").
Nous ne sommes pas dans ce monde idéal, l'ISF existe et l'IRPP est payé par moins de la moitié des foyers fiscaux français (en fait pire, 10% des Français payent 68% de son montant total). La niche TEPA/ISF-PME et le "super madelin" sont des "mesures rustines" très utiles aussi bien économiquement (fonds propres des PMEs renforcés) que pédagogiquement (rapprocher le contribuable de l'entrepreneur).

Ils méritent cependant les remarques suivantes:
  • BFM ou Challenges (initiative à laquelle ISAI a participé via Geoffroy Roux de Bézieux) ont récemment fait feu de tout bois sur le thème "regardez comme elles sont belles mes start-ups ou mes PMEs dans lesquels vous pouvez investir tout ou partie de votre ISF". Cette communication autour de l'entrepreneuriat et cette mise en relation de l'entrepreneur avec le "redevable ISF" sont éminemment sympathiques. Dans un processus d'éducation du cadre supérieur ou du retraité de grande entreprise qui n'a jamais vu un "entrepreneur" et qui, pour autant, à force de conjuguer impôts et épargne se retrouve redevable de l'ISF, l'initiative est remarquable: mettre quelques milliers d'euros dans un petit business dont on devient co-propriétaire, c'est vachement mieux que de faire un chèque au TPG !
  • Si le "redevable" est un investisseur non-averti (i.e ne connaissant pas le secteur d'activité de la cible ou n'ayant pas de culture financière), je l'encouragerais cependant à concentrer ses efforts sur ce que l'on peut appeler le "love money" autrement dit avoir la conscience qu'il peut tout perdre (y compris la partie non défiscalisée) et investir au sein de son propre réseau relationnel (ex: le fils d'un ancien collègue de chez IBM qui monte une start-up internet). Le code d'honneur du fiston entrepreneur devrait dans l'immense majorité des cas conduire à une situation sans entourloupe...
  • Si son propre réseau ne révèle aucune opportunité, le fait qu'un investissement en capital dans une PME puisse conduire à la perte totale de son investissement reste évidemment vrai. Le fait que la liquidité d'un tel investissement est totalement imprévisible (dans 5 ans peut-être) également. Le fait enfin que certains entrepreneurs peuvent se conduire de façon irrespectueuse vis à vis de leurs actionnaires est un risque marginal mais réel: certains (qu'on espère très rares) n'hésiteront pas à "partir avec la caisse", d'autres (plus nombreux parce que sans doute plus irréalistes que malhonnêtes) à vous "taxer" l'année suivante en expliquant que si vous ne remettez pas au pot, votre investissement initial est bel et bien perdu !
  • Si l'opportunité consiste à "subsidiser via votre ISF" des oeuvres d'art ou des caisses de vin primeur via la constitution d'une société de négoce ayant une durée de vie de 5 ans et qui, une fois liquidée, vous rendra en cash ou en nature des biens qui prennent en général de la valeur en vieillissant sur pied et que vous aurez acquis en "net" pour une fraction de leur prix, regardez vous dans la glace le matin ! Etre redevable de l'ISF et être contre cet impôt stupide n'est pas une suffisamment bonne raison pour devenir un profiteur... Escroquer l'ISF n'est pas moins grave que d'arnaquer les Assedics ou la Sécu !
  • Enfin, si rien n'est disponible "en direct" allez voir votre banquier ou votre assureur, il aura un dispositif ISF à vous proposer. Vous ne gagnerez sans doute pas d'argent, vous ne perdrez sans doute pas trop, vous économiserez de l'ISF et votre argent sera très certainement "déployé" dans l'économie réelle... On notera cependant qu'en ce qui concerne les dispositifs "intermédiés" (les fameuses holdings ISF ou les FIP ou FCPI ISF), le législateur, qui a multiplié les contraintes de calendrier pour "déployer" cet argent, a sans doute cru bien faire. En réalité, il fabrique en faisant cela de la précipitation voire de l'acrobatie qui inéluctablement fera que cet argent sera pour (grande) partie mal (voire très mal) investi... Si on décide que les intermédiaires professionnels peuvent prendre en charge une partie de cette "dépense fiscale" alors il faut les laisser investir avec un rythme et une sélectivité compatibles de cette discipline difficile qu'est le capital-investissement. Une fois que l'argent est "committé", peut importe de savoir s'il est déployé en 6 mois ou en 36 mois: il ira dans l'économie, dans des cibles éligibles et il créera de la valeur à moyen terme (recettes fiscales, emplois durables...) de façon totalement proportionnelle à la qualité des investissements réalisés...
Un long "post" mais le sujet le mérite sans doute et il n'est finalement qu'effleuré ici !



9 Comments:

At 7:07 PM, mai 16, 2010, Anonymous Anonyme a dit...

Salut JD, je t'avoue qd même qu'une petite deduc ISF aurait fait plaisir à au moins un souscripteur. En fait, la deduc ISF est un plus, sans pour autant remmettre en cause l'enagagement pluri-annuel. Merci pour ton post, dont je partage l'opinion.
Bon deal flow

DICO

 
At 12:45 PM, mai 17, 2010, Blogger kly a dit...

Bonjour Jean-David,
Le post n'est pas si long et remarquable par la clarté;
A propos de la fiscalité Française, je pense qu'elle a un bel avenir car elle sert d'exemple à d'autres pays en mal de créativité!
le secteur du jeu d'argent en ligne le prouve encore..
Toutefois, je suis entièrement d'accord avec toi sur cette éternelle instabilité et sur la difficulté d'accompagner en early stage les startups;
J'ai la même réserve pour le financement de mon projet, je ne veux pas forcément faire appel à des BA et je reste donc bloqué dans un schéma Français de financement en seeding. En effet, je préférerais ne pas refaire un tour après quelques mois d'exploitation mais plutôt continuer à vendre ce que j'ai à vendre.
En conclusion, je te remercie de ce nouveau brillant post!
Yves-Laurent

 
At 5:51 PM, mai 18, 2010, Blogger Unknown a dit...

Je dois avouer que c'est plutôt sympa de pouvoir réduire son ISF. En ce qui me concerne, je ne suis pas un grand grand fan des investissements dans les PMEs. Pour être honnête, je préfère faire un don.Je m’adresse en général à la Fondation FSJU (Impôt de l’ISF déductible pour 75%) abritée par la Fondations du Judaïsme Français pour recueillir mon don. Je sais que mon don concerne aussi bien des actions caritatives en France qu’en Israël.
Par exemple en France : des bourses cantines pour des enfants issus de familles en grande difficulté ou encore un village d’enfants et d’adolescents malmenés par la vie en Israël.

 
At 10:22 PM, mai 23, 2010, Anonymous Anonyme a dit...

Le moment est particulièrement opportun pour faire découvrir aux Français de jeunes entreprises innovantes qui ont des besoins de fonds propres et un fort potentiel de croissance.

L’association Love Money pour l’Emploi a sélectionné et contrôlé 3 entreprises de biotechnologies qui ont besoin de collecter 2,1 million d’euros.



1°) Créée en 2003, TETRAHEDRON conçoit et développe des antioxydants naturels rares pour la Santé, la Nutrition et la Cosmétique.
La société exploite déjà 3 brevets internationaux et vient de déposer deux nouvelles demandes de brevets.

Afin d’accélérer son développement et assurer la commercialisation de ses produits, TETRAHEDRON a besoin de collecter 1 million d’euros grâce aux particuliers d’ici au 15 juin 2010.

2°) Créée en 2002, AFFICHEM, développe une famille de molécules, les Dendrogénines, permettant à des cellules endommagées ou déréglées, de retrouver une activité normale ou bien d’être éliminées. Leurs applications sont le traitement des cancers (leucémie, mélanome, cancer du sein) et des maladies neurodégénératives (surdité, Par-kinson, Alzheimer, rétinopathie).

Afin de financer les études de toxicologie conduisant à une administration chez l’homme, AFFICHEM a besoin de collecter 0,7 million d’euros grâce aux particuliers d’ici au 15 juin 2010.

3°)Créée en 2009, CELL CONSTRAINT & CANCER développe une nouvelle technologie dans la biomécanique cellulaire et tissulaire.
L’innovation consiste à appliquer une force magnétique à des tissus cancéreux, dans le but de ramener des cellules cancéreuses à la normale.
Le concept est déjà validé à partir de cellules cancéreuses humaines in vitro.

Afin de poursuivre les étapes de R&D conduisant à une application chez l’homme, CELL CONSTRAINT & CANCER a besoin de collecter 0,7 million d’euros grâce aux particuliers d’ici le 15 juin 2010.

Les adhérents à l’association Love Money pour l’Emploi peuvent investir dans une ou plusieurs de ces entreprises après avoir pris connaissances des documents d’appel à souscriptions (voir http://www.love-money.org/invest-ISF.php)

 
At 9:49 AM, juin 02, 2010, Blogger Business Angel Coaching PME a dit...

l'esprit Business Angel reste à mon avis , un engagement avant tout personnel de gens responsables avec pas mal de bouteille coté experience entrepreneuriale..des bataillons de BA efficaces à la recherche de l'optimisation de leur non paiement d'Impot sur la fortune ...j'y crois moyennement ...peut etre regarder aussi du coté de cette idée
http://http://www.lesechos.fr/info/france/020576547930-initiative-parlementaire-pour-favoriser-les-business-angels-investissant-dans-les-pme.htm

 
At 1:42 PM, octobre 27, 2010, Anonymous Loi Scellier 2011 a dit...

Malgré une baisse des plafonds de loyer sur 2011 et un surcoût des biens du fait du respect de la norme énergétique BBC (environ 10%) par les promoteurs, il encore possible de faire un investissement défiscalisant rentable en loi scellier 2011…Après 2011, cela sera forcément moins intéressant !

 
At 10:51 AM, novembre 11, 2010, Anonymous Loi Scellier 2011 a dit...

Malgré une baisse des plafonds de loyer sur 2011 et un surcoût des biens du fait du respect de la norme énergétique BBC (environ 10%) par les promoteurs, il encore possible de faire un investissement défiscalisant rentable en loi scellier 2011…Après 2011, cela sera forcément moins intéressant !

 
At 7:11 AM, novembre 19, 2010, Anonymous Loi Scellier 2011 a dit...

Hello,

Did you get time to consider my message below ?
Regards,

Fabrice Courdesses

 
At 12:40 PM, janvier 06, 2011, Anonymous salaire moyen a dit...

Merci pour le partage des informations utiles telles ... Je pense que c'est vraiment un poste très agréable. Merci pour l'excellent contenu

 

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