21 janvier 2007
par JDCh


Frangleterre = Frengland ?


J'ai passé quelques jours la semaine dernière à Londres et tous les chauffeurs de taxi ainsi que quelques collègues m'ont interpelé sur cette affaire qui remonte à la crise de Suez...

Comme d'habitude, petite traduction pour nos lecteurs qui n'aiment pas lire dans la langue de Shakespeare... A lire avec une tasse de thé à la main... tout en rappelant que l'Angleterre, la France et Israël étaient associés dans cette campagne de Suez et que les Etats-Unis et la Russie, en pleine période de Guerre Froide, imposèrent l'arrêt de ce conflit aux trois alliés de l'époque.

cf Article original de The Independent

Un mariage improbable: comment la France a proposé le mariage au Royaume Uni
par John Lichfield à Paris
Publié le 16 janvier 2007


Il y a cinquante ans (environ) les parlements Français et Britanniques prirent la décision historique de fusionner les deux fières nations en une seule. Deux pays déclinants, secoués par les guerres mondiales, le communisme, le rock et la perte de leurs empires, décidèrent de créer une super puissance Européenne faisant de la jeune reine d'Angleterre Elisabeth II la reine de France et chef d'état Elisabeth I.

Les Britanniques ont depuis lors récupéré du choc issu de l'obligation de conduire à droite, décision symbolique prise en 1963 pour cimenter l'union entre les 2 nations et réduire l'hécatombe sur les routes. Les Français se sont moins bien fait au cricket, à la bière chaude, au "fish & chips" et au pain en tranche. Le Royaume Uni d'Angleterre, France, Ecosse, Pays de Galles et Irlande du Nord ou, en Français, "le royaume de Frangleterre" se développe tout de même très bien. Avec une population de 120 millions, la "plus grande Grande Bretagne" est la seconde plus forte économie du monde occidental. Le non-emploi est à 3%. La monnaie nationale, la livre, est euphorique. Les grèves sont fort rares.

L'industrie Franco-britannique du cinéma, grâce à des subventions étatiques, fait jeu égal avec Hollywood en tant qu'acteur global et influent. Le quarantième épisode du film "Continuez" ("Carry on") avec Gerry Depardieu, Cathy Deneuve, Hugues Grant et Stephane Fry vient juste de sortir. De même que "Les Bronzés à Skegness".

Les taxes sont plus fortes qu'aux Etats-unis mais le système de santé national et les écoles publiques bilingues font rêver le monde entier. L'équipe de football de Frangleterre vient juste de gagner la Coupe du monde pour la troisième fois de suite sous la houlette de son capitaine Terry Henry. Malgré le fait que l'Ecosse continue à vouloir maintenir sa propre équipe séparée.

Un documentaire diffusée la nuit dernière par BBC Radio 4 "Un mariage cordial" a exhumée cette idée de la corbeille à papier de l'histoire. En Septembre 1956, le Premier Ministre Français, Guy Mollet, un socialiste anglophile, proposa au Premier Ministre Britannique Anthony Eden, un conversateur francophile, la fusion des deux pays. La proposition ne fut jamais débattue publiquement. Les documents décrivant la réaction des fonctionnaires Britanniques furent classés confidentiels, disponibles au public depuis 20 ans mais jamais découverts depuis. Sir Anthony Eden semble avoir pris l'idée plutôt sérieusement; ses fonctionnaires beaucoup moins. Monsieur Mollet vint ensuite avec une autre idée: que la France rejoigne le Commonwealth en acceptant la tutelle de la Reine. Sir Anthony suggèra que cette idée reçoive une "consideration immédiate". Rien ne semble en être sorti. Les deux hommes furent écartés du pouvoir et la discussion fut oubliée.

Guy Mollet est bien connu en France comme le Premier Ministre qui emmena la France dans la guerre d'Algérie et l'expédition de Suez. Ses motifs pour proposer cette sorte d'union à la Grande Bretagne auraient été de sécuriser le soutien des Britanniques à sa politique étrangère et coloniale. Les historiens Français ont sursauté lorsqu'ils ont entendu parler de cette proposition et suggèrent que Mollet, mort en 1975, pourrait aussi avoir voulu manoeuvrer contre les Allemands avant les négociations qui conduisirent à la création du Marché Commun l'année suivante.

Le fait que ces idées n'aient jamais été évoquées publiquement démontre qu'elles n'ont jamais été prises très au sérieux ni à Londres, ni à Paris. Mais que ce serait-il passé si elles l'avaient été ? Un tel mariage entre deux soeurs mutuellement jalouses aux querelles vivaces aurait-il pu fonctionner ? Pendant cinquante ans, nous aurions pu mélanger le meilleur de la France et de la Grande Bretagne. D'un autre côté, nous aurions pu ausi partager nos erreurs. France aurait pu avoir notre système de transport public et notre système de santé. Nous aurions pu hériter du branlant système universitaire Français. Nous aurions pu avoir le taux de chômage de la France. Ils auraient pu avoir le "tube" de Londres au lieu de leur Métro.

Tous les deux aurions pu finir avec la télévision Française, les hôpitaux Britanniques, la police Française, les agents immobiliers Britanniques, les syndicats Français, les dîners d'école Britanniques, les plombiers Français et la joie de vivre Ecossaise.