24 mars 2006
par JDCh


Conseils de vieux c...

Je vous ai déjà parlé de ma dernière née (cf Post "I had a dream"), voilà que j'ai envie de m'adresser à mon fils qui va vers ses 17 ans. Arthur n'a pas le look d'un fils de la bourgeoisie "friquée" (qu'il appelle les "chals"), ni celui d'un banlieusard du neuf-trois (qu'il ne considère pas tous comme des "cailleras"). Il est plutôt du genre "baba clean". Je le trouve pas mal et, il paraît, que les filles sont de plus en plus d'accord avec moi !

En première dans un lycée privé Parisien, il fait, sans aucun doute, partie des privilégiés. Ceci dit, comme moi à son âge, il n'aime pas le système dans lequel la réussite financière constitue un verdict qu'il considère comme trop simpliste.

Je suis, je le crois, d'accord avec lui mais difficile, après 20 ans de vie professionnelle dont 6 ans dans le capital investissement, de nier voire d'oublier que la réussite professionnelle est, pour une bonne part, étalonnée sur la capacité financière qu'elle induit ou qu'il est beaucoup plus agréable de ne pas avoir trop de souci d'argent.

Bien évidemment, bien qu'ayant été fort exposé au modèle anglo-saxon et au modèle américain en particulier, je n'en suis pas à vénérer le "dieu dollar". Il me suffit de me rappeler les épisodes douloureux de la vie pour savoir que bonheur et argent ne sont pas corrélés et que, parfois, l'avidité peut avoir des conséquences désastreuses.

Ceci dit, à partir du moment où je ne léguerai pas à Arthur un héritage lui permettant d'être rentier, il va lui falloir dans les années qui viennent prendre des décisions importantes qui auront un impact certain sur son "insertion" professionnelle future.

Comme tous les lycéens et étudiants qui manifestent ces derniers temps, Arthur n'a qu'une très vague idée de ce qu'est la vie professionnelle (malgré quelques semaines de stages ici et là). Il est sans doute beaucoup plus réaliste que ces "leaders" de confédération lycéenne, de coordination étudiante, de l'UNEF ou de SUD, espèces de clones d'O. Besancenot dans leur côté "propres sur eux", que nous avons vu défiler sur nos écrans de télévision. Il n'a pas cet air à la fois revendicateur, plein de rancoeur et d'aigreur et "déjà vieux" de ces apprentis syndicalistes: pour être honnête, il me font peur quand je les vois marcher aussi fidèlement et aveuglément dans les pas utopiques et vains de leurs aînés.... Ils me font penser à ces gymnastes de la RDA aux Jeux Olympiques de Moscou en 1980: à peine 14 ans et déjà terrifiant...

Je crois qu'Arthur a compris que certaines vérités sont indéniables: nous évoluons dans une économie mondialisée fondée sur le libre-échange et la libre-concurrence, la France est une ancienne grande puissance dont le déclin se confirme année après année, le chômage est structurel dans ce pays incapable de se réformer et avoir un "bon job" fait partie des conditions indispensables pour échapper à la "chienlit"...

Le syndrome polytechnicien voudrait que je sois un père obsédé par les études de son fils, que l'atavisme crée une forme de répétition et que cette éventuelle reproduction soit tout à fait rassurante pour moi. En fait, il n'en est rien. Mes conseils "professionnels" sont simples, génériques et, je l'espère, utiles. Les voici.

Faire des études utiles: par cela, j'entends simplement suivre un cursus correspondant à un fort taux d'embauche à l'issue des études: en un mot, éviter les immenses "zones" de notre système universitaire (que, je crois me rappeler, un certain Devaquet voulait "évacuer" lorsque je venais de finir mes études en 1986) dans lesquelles vivent déconnectés, souvent désoeuvrés et parfois angoissés plus d'un million et demi de nos étudiants en littérature pré-néandertalienne ou en sociologie des cheloniens... La culture c'est bien mais la sodomie de diptères ça va bien !

Apprendre et pratiquer l'anglais: sachant qu'un salarié du secteur privé sur cinq travaille pour une entreprise étrangère (et cela va augmenter), il me paraît plus qu'indispensable d'être capable d'avoir un dialogue intelligible avec le "headquarter": cela se passera vraisemblablement en anglais. Sachant également que la croissance des entreprises Françaises passe quasi-obligatoirement par une capacité à exporter au delà de la Suisse Romande et de la Wallonie, maîtriser la langue de Shakespeare peut s'avérer plus qu'utile si ton employeur a son siège social en France.

Faire de la vente: dans libre-échange, il y a échange et donc, en général, un vendeur et un acheteur. Être le "vendeur", c'est d'abord être au coeur de la transaction économique, c'est aussi être en première ligne pour comprendre ce que signifient qualité, compétition, budget, ROI... et c'est enfin en apprendre beaucoup sur l'être humain. En plus, un bon vendeur c'est rare et tout ce qui est rare est cher... Enfin, devant les grandes tendances à l'"outsourcing" et à l'"offshoring", la population des vendeurs est sans doute parmi les plus pérennes... Si vendre te rebute, sois au moins sûr d'avoir un rôle "customer facing" !

Être conscient économiquement: un salaire d'embauche ne représente pas ta valeur mais la valeur contributive du "job" qui t'est proposé: une simple équation "intérêt du travail x rémunération proposée" à analyser. Par la suite, mieux vaut comprendre voire privilégier les compléments de rémunération (variable, bonus, commissions voire stock options) plutôt que de batailler sur le salaire fixe: ces éléments complémentaires sont fondés sur la réussite économique de l'entreprise et ta contribution personnelle (donc "win win" entre salarié et employeur). Enfin promotion et augmentation significative viendront probablement d'une mobilité extra-entreprise: changer 5 à 10 fois d'employeur dans une carrière est "banal" et chaque changement est générateur de motivation, de curiosité et d'énergie renouvelées. Le monde change, les entreprises s'adaptent plus ou moins bien, les collaborateurs ont le choix entre saisir des opportunités ou être les victimes expiatoires du système !

Être positif et honnête: les râleurs et les vicieux sont toujours trop nombreux. Ils sont chimiquement difficilement diluables. N'en fais ni tes collègues préférés, ni des gens dont tu pourrais dépendre. Les aigris à qui il arrive ce qu'ils méritent et qui passent leur temps à le déplorer sont, en réalité, assez inoffensifs mais les fréquenter peut être contagieux. La maladie est souvent incurable... Les "malins" (appelés les "malfaisants" par Audiard) sont eux beaucoup plus toxiques. Si l'on est obligé de les côtoyer, rien ne sert de guerroyer avec eux. Comme des ingrédients indigestes, il suffit de les laisser poliment sur le bord de son assiette... Honnêteté sans naïveté doit être ton "vade me cum".

Je crois que si tu suis ces 5 conseils, tes chances de trouver un bon "job" sont largement maximisées et la probabilité de te faire "virer" (fût-ce dans le cadre des deux premières années d'un CPE) limitée à des problèmes économiques rencontrés par ton entreprise. Dans ce dernier cas, pas de regret, ce sera mieux dans une autre entreprise en meilleure santé.

En ces temps de quasi-révolte de notre population étudiante, il me paraissait utile de rappeler ces éléments de bon sens. Tout ceci est extrêmement simple mais je n'ai entendu aucun homme politique ou journaliste "dédramatiser" ces enjeux qui semblent faire si peur à nos successeurs: la droite est non crédible et la gauche préfère souffler lâchement sur les braises...

J'ai malheureusement également peur que nos enseignants se refusent, dans leur grande majorité, à véhiculer des recommandations aussi concrètes (en fait je suis convaincu qu'ils ne sont qu'une infime minorité à les comprendre) : c'est vrai que la philosophie, la sociologie, l'idéologie et la tetra-capiloctomie c'est bien plus stimulant intellectuellement...

Après avoir réussi, il y a plus de cent ans, notre séparation de l'Eglise et de l'Etat et créé le concept de "laïcité", peut-être nous faudrait-il lancer le concept de "concrêticité" c'est à dire celui correspondant à la séparation de l'Idéologie et de l'Etat !

Il est bien sûr beaucoup moins "excitant" de prôner le pragmatisme que de faire de grandes envolées lyriques mais il me semble que nous en avons un besoin extrême. D'où ce "post" d'une platitude remarquable.

Vive la "concrêticité" !

PS: aucune prétention dans ce "post" de s'attaquer au chômage des jeunes mais économistes et décideurs "business" confirmeront, sans doute, que, si 3 à 5 de ces conseils étaient suivis par une majorité d'étudiants et jeunes demandeurs d'emploi, un certain recul du chômage serait assez vite constaté...



15 Comments:

At 5:02 PM, mars 24, 2006, Anonymous Anonyme a dit...

Excellent!

 
At 6:25 PM, mars 24, 2006, Anonymous Anonyme a dit...

Etudiant moi-même, j'essaierai de suivre vos conseils pleins de bon sens, un rappel n'est jammais néfaste.
Merci beaucoup.

 
At 3:54 PM, mars 25, 2006, Blogger Unknown a dit...

"En ces temps de quasi-révolte de notre population étudiante,"

En fait, c'est une toute petite minorité d'excités qui est en "révolte". Les autres attendent que ça décante, comme d'habitude...

 
At 1:24 PM, mars 29, 2006, Anonymous Anonyme a dit...

Merci. ça fait plaisir de lire ça. Une reflexion intelligente, pleine de bon sens, qualité manquant cruellement chez 60% de nos concitoyens et 90% de nos politiques. Et, il n'est pas nécessaire d'être de droite pour penser comme vous. c'est mon cas.

rémy

 
At 7:58 PM, juin 14, 2006, Anonymous Anonyme a dit...

Entièrement d'accord. Actuellement étudiant en stage à l'étranger (Danemark) je suis totalement d'accord avec vous. Mais allez faire entrer ça dans la tête de nos amis syndicalistes, c'est mission impossible. Pourquoi tant de gens n'ouvrent pas les yeux?

 
At 9:42 AM, juillet 26, 2006, Anonymous Anonyme a dit...

Que pensez-vous de ce concept:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Revenu_citoyen
je pense que les jeunes accepteraient plus facilement les règles du marché ( flexibilité, etc ) s'il y avait ce parachute derrière

 
At 9:49 AM, juillet 26, 2006, Blogger JDCh a dit...

Sebastien,

pas sûr que j'adhère à ce concept plus idéologique qu'autre chose.

Je ne nie pas par contre le rôle de re-distribution aux plus dépourvus que l'Etat joue.

 
At 5:54 PM, juillet 31, 2006, Anonymous Anonyme a dit...

Bonjour monsieur

petite réflexion de moi-même, actuellement étudiant en droit et sciences politiques:

vous dites "
Faire des études utiles: par cela, j'entends simplement suivre un cursus correspondant à un fort taux d'embauche à l'issue des études"

Mais premièrement je voudrais vous demander comment savoir quels seront les secteurs qui offriront le plus de débouchés à la fin de nos études (dans 3 ou 5 ans, voire plus), et, plus encore, comment savoir que durant toute notre vie "active", il y aura de l'emploi dans ce secteur: vous n'êtes sans doute pas sans savoir que le marché du travail évolue, parfois même très vite: aujourd'hui par exemple, il y a un certain manque d'infirmiers, d'aides soignants, et de tout ce type de personnel de santé. Seulement quand on voit le nombre de personnes qui s'orientent vers ces fillières, on peut à mon avis craindre que d'ici une décennie, nous nous retrouvions dans la situation inverse

La seconde question que j'aimerais vous poser est: pensez vous que les études ne servent que dans la perspective d'avoir un emploi? Ne peut-on pas faire des études pour un "enrichissement personnel" (culturel,...)?

Merci d'avance pour vos réponse à ces deux questions.
Kerri

 
At 8:55 AM, août 01, 2006, Blogger JDCh a dit...

Kerri

les filieres dans lesquelles les entreprises embauchent des jeunes diplomes n'evoluent pas si vite que cela (si les diplomés qui sortent aujourd'hui trouvent facilement un boulot alors vous en trouverez un facilement aussi)...

Il y a bien sur des cycles economiques plus ou moins favorables pour commencer dans la vie active mais les entreprises sont beaucoup plus reactives que la fonction publique !

Une fois entré dans cette vie active, la mobilite fera partie du jeu: si vous etes dans un secteur qui s'essoufle, il faudra assez vite chercher a en rejoindre un qui est plus dynamique: ce n'est absolument pas impossible tant qu'on a une bonne aptitude au changement (mobile géographiquement, intellectuellement, ...) et qu'on n'est pas percu comme trop "vieux".

Si on prend la tendance generale à la judiciarisation de notre societe le droit me parait un bon "filon"... Ceci dit attention au choix de votre specialité: il faut trouver un compromis entre rester generaliste et acquerir des competences "pointues" dont le marche a besoin a court terme.

J'ai appris plein de choses inutiles professionnellement lors de mes études et je ne m'en plains pas... mais je mettrais la priorité à l'efficacité: rien n'empeche de se cultiver à coté.

J'espere avoir repondu a vos questions.

 
At 6:51 PM, novembre 16, 2006, Anonymous Anonyme a dit...

Vous êtes effectivement un vieux c. Votre ode à l'individualismet et au libéralisme est gerbante, et malheureusement de plus en plus présente dans les esprits et dans les bouches. J'ai eu le "bonheur" d'entendre ces mêmes paroles de la part d'étudiants contre le mouvement de grève de mars dernier. Moi j'ai fait partie de ce mouvement et j'en suis fière! Votre discours est celui d'un homme faible qui sauve sa peau quand le navire coule. Allez plutôt vous battre avec les autres pour éviter le naufrage! Vous n'êtes qu'un gagne-petit égoïcentrique : il n'y a pas de quoi s'en vanter. Rangez votre belle morale. C'est vous le mouton dans l'histoire, qui suivez bêtement les sarkozy et consorts. Navrant.

 
At 7:46 AM, novembre 17, 2006, Blogger JDCh a dit...

Votre commentaire s'il concerne ce "post" me parait être plus un proces d'intention qu'autre chose !

 
At 7:28 PM, novembre 23, 2006, Anonymous Anonyme a dit...

Ce post est très intéressant pour tous les étudiants en psychologie. Il pourrait servir de base d’étude de la manipulation mentale. Quelques points que l’on pourrait développer :

-Le manipulé est toujours un grand défenseur du manipulateur et de ses thèses.
-Quand il est confronté à l’ébranlement des bases qui constituent sa croyance( ici l’idéologie est vécue au même titre qu’une religion), il devient méchant.
-Se reposer sur sa sensibilité permet d’inhiber ses fonctions cognitives ( phénomènes étudiés par les neurobiologistes) ainsi il croira aveuglement ses maîtres en faisant l’économie d’une analyse critique.
-Il est très fier de sa position, se pense évidement supérieur aux autres puisqu’il a accédé à la vérité suprême et que de plus il le fait pour le bien de tous.


Il est donc très dangereux au même titre que tous les braves gens qui ont suivi Staline, Hitler…

 
At 12:41 PM, novembre 24, 2006, Blogger JDCh a dit...

C'est vrai que près de la moitié des étudiants en psychologie en Europe sont en France, d'où les succès que nous connaissons !

 
At 6:02 PM, novembre 24, 2006, Anonymous Anonyme a dit...

En relisant mon commentaire précédant je réalise avoir fais une grossière erreur : il faillait lire « Ce commentaire est très intéressant » et non ce post. En effet il concerne le commentaire traitant l’auteur du post de vieux c. de la part de Anonyme du 16 novembre 2006 6 :51 PM
Désolé sylvain.

 
At 10:54 AM, février 14, 2007, Anonymous Anonyme a dit...

Pourquoi restez-vous anonyme,
un ancien élève d'X !!!

Pierre

 

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