Nano-bang fiscal (partie 1)
Au lieu de faire évoluer la feuille d'impôt sur le revenu vers un véritable P&L (compte de résultat) dans lequel on trouve, bien sûr, les revenus mais également des charges déductibles du revenu imposable (emploi à domicile, pension alimentaire, garde d'enfant...) et d'y déduire tout ou partie des intérêts d'emprunt, nos "techno-bercyens" ont encore imaginé un système de réduction d'impôt plafonné en montant et assis indirectement sur le quotient familial... On ne se refait pas...
Pour simplifier:
- un célibataire pourra déduire de son impôt 750€ par an durant les 5 premières années de son prêt immobilier si celui-ci est supérieur à 130.000 euros: soit une économie de 62,50€ par mois alors que ses mensualités de remboursement sont supérieures à 1.300 € (soit moins de 5%).
- un couplé marié avec 2 enfants pourra déduire de son impôt 1700€ (1500 + 100€ par enfant) par an durant la même période si son emprunt est supérieur à 290.000 euros: soit une économie de 141€ par mois alors que ses mensualités sont supérieures à 3.050 € (soit moins de 5% à nouveau).
[NDR: Si vous voulez simuler votre cas personnel, vous pouvez utiliser la calculette Empruntis]
On remarque donc que:
- Le Sarko Day (6/5/7) n'est pas sacralisé puisque la mesure concerne, au moins pour une année, les emprunts contractés depuis 2003;
- Bercy a considéré comme Cécilio Hollande qu'un célibataire est "riche" à partir de 4000€ de revenu mensuel (puisque l'on peut grosso modo emprunter à hauteur de un tiers de son revenu net mensuel);
- La mesure est assez favorable aux couples et familles des classes moyennes supérieures (upper middle class) mais, contrairement aux déclarations socialistes et aux écrits de nos médias, pas aux plus riches surtout s'ils sont célibataires;
- La mesure permet, au maximum, d'augmenter sa capacité d'emprunt de 6.000€ pour un célibataire et de 15.000€ pour un couple avec 3 enfants ce qui est finalement assez marginal quand on voit l'évolution des prix de l'immobilier dans nos grandes villes et notamment la région parisienne.
- Le ratio déduction d'impôt / remboursement tend vers 8-9% pour les familles empruntant des sommes modestes mais celles-ci n'auront d'autre choix que, soit à acheter en milieu rural (ou en très très lointaine banlieue) pour espèrer profiter à plein de cette ristourne, soit avoir un apport personnel très significatif...
Cette mesure(tte) est-elle un premier pas vers la réforme de l'impôt sur le revenu ? Absolument pas. Avec des plafonds un peu plus bas, on qualifierait cette mesure d'égalitaro-socialiste. Elle s'inscrit dans la plus pure tradition fiscalo-technocratique de notre cher pays. Si politiquement, c'est ce que les Français souhaitent, je ne peux bien évidemment que m'incliner mais permettez-moi de douter de l'impact économique de la mesure.
- Pour les "riches" (en suivant la définition de Cécilio), la mesure est marginale. Peut-être permettra-t-elle une légère augmentation du budget vacances (ou fringues) mais guère plus !
- Pour les "classes moyennes non supérieures", peut-être certains seront-ils tentés de passer du statut de locataire à celui de propriétaire mais, si leur budget est vraiment tendu, la question de leur capacité à affronter la sixième année pour laquelle la ristourne disparaît subitement en arrêtera sans doute plus d'un !
- Pour les "plus démunis" qui ne paient pas d'impôt sur le revenu dans leur immense majorité et qui n'ont, en général, pas (ou fort peu) d'épargne, le crédit d'impôt associé à la mesure (impôt négatif) pourrait être le bienvenu mais, si l'on regarde leur capacité d'endettement, il faudrait qu'ils puissent devenir propriétaires en empruntant moins de 60.000 euros ce qui ne correspond à rien en terme de réalité de marché !
Sarko nous avait parlé de rupture... Ce n'est pas cette mesure qui pourrait en constituer une. Le terme "coup de pouce fiscal" paraît même presque exagéré ! La mesure coûte tout de même, selon les experts, près de 3.7 milliards d'euros (soit 60€ de dette par Français et par an en plus): une grosse somme donnée principalement en ristourne fiscale à des gens qui ont déjà ou auraient de toute façon contracté un emprunt pour acquérir leur résidence principale.
Non, si l'on avait vraiment envie de transformer les Français en propriétaires et de "booster" le secteur de l'immobilier, on s'y serait pris autrement:
- la mesure n'avait eu aucune raison d'être rétroactive (d'ailleurs Mr Woerth l'avait anticipé comme non rétroactive et s'est fait engueulé pour cela !);
- on aurait préféré une déduction non plafonnée du revenu imposable d'une grosse partie (50% par exemple) des intérêts d'emprunts à une réduction d'impôt;
- on aurait maintenu cette déduction sur toute la vie de l'emprunt constatant que les gens empruntent sur des périodes de plus en plus longues et que le modèle "in fine", dont nos amis allemands sont friands, est le seul permettant de réduire le "gap" entre salaires et prix au mètre carré;
- On aurait inscrit cela dans une réforme bien plus large de l'impôt sur le revenu visant à en augmenter l'assiette plutôt que la complexité.
- L'augmentation très sensible du nombre de transactions aurait induit une cagnotte fiscale liée aux droits d'enregistrements et le coût net n'aurait pas forcément été tellement plus important...
Mais cela n'était apparemment pas l'objectif de notre nouveau gouvernement....
Prochaine partie (dans les jours qui viennent): les mesures liées à la défiscalisation des heures supplémentaires...
PS: nos députés trop contents de pouvoir "caser" un amendement ont en fait passé un couvrant le cas d'un propriétaire muté professionnellement géographiquement et décidant de mettre en location son bien pour, sans doute, être locataire dans sa nouvelle résidence. Etonnant qu'ils n'aient pas pensé aux dizaines de milliers de gens (bien plus nombreux et problématiques que les "mutés") qui, ayant eu un enfant, sont obligés de "prendre plus grand", qui ne peuvent acheter (vu le prix au mètre carré) et qui mettent leur "petit appartement" en location. Ceux-là auraient eu encore plus besoin d'un amendement leur permettant de conserver la ristourne fiscale ! La règle aurait pu être bien plus simple: un seul bien à la fois et celui qui correspond à la résidence fiscale au 1er janvier suivant la contraction de l'emprunt (ce qui couvrirait également les cas de "rachat de crédit") .
1 Comments:
Jean-David,
Si je vous rejoins totalement sur votre analyse et votre conclusion intermédiaire ("Si l'on avait vraiment envie de transformer les Français en propriétaires et de "booster" le secteur de l'immobilier, on s'y serait pris autrement"), je crois (ou plutôt : je veux croire) pour ma part que l'objectif véritable et inavoué est ailleurs. J'ose penser que sous le titre racoleur (mais psychologiquement bien plus fort que tout autre) de "devenez propriétaires", on ne cherche rien d'autre qu'à stimuler la consommation en octroyant une marge supplémentaire de pouvoir d'achat.
Je ne prétendrais pas être totalement convaincu de ce que j’avance, en revanche c’est ce que je vois de plus cohérent par rapport à la mesure annoncée. D’ailleurs, votre dernière phrase semble suggérer la même chose !!
Nicolas
PS : bravo pour avoir réussi à caser, l’air de rien, un petit coup de pub pour votre investissement chez Empruntis ;-)
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