14 juillet 2007
par JDCh


Micmac au Gazelec

Christine Lagarde, remplaçante au pied levé du fiévreux Jean-Louis Borloo, est une femme compétente, séduisante, travailleuse et internationale: elle a, de ce fait, toute ma bienveillance et je lui adresse tous mes voeux de réussite sachant je n'ai pas pu détecter la moindre faute de goût de sa part lors de son passage précédent au Ministère du Commerce Extérieur.

Madame Lagarde a, sur son bureau, l'héritage du gouvernement précédent pour ce qui concerne la fameuse fusion SUEZ-GDF dont j'avais déjà parlé en Novembre dernier lorsque Monsieur Breton était en charge de cette affaire après avoir fustigé en Février 2006 la façon dont le cavalier de Villepin avait initialisé l'affaire. Notre nouvelle Ministre, ancienne avocate d'affaires aux Etats-Unis, va se retrouver devant un joli conflit d'intérêts auquel sa culture anglo-saxonne ne saurait être indifférente mais, en France, cela fait partie de la politique et elle va, sans doute, devoir s'exécuter... Rappelons les faits et les rumeurs...

La fusion SUEZ-GDF a été envisagée dès début 2006, en réaction à une éventuelle OPA de l'Italien ENEL sur GDF, sur une base d'échange d'actions: 1 action SUEZ pour 1 action GDF. Sur cette base, l'Etat Français détiendrait 35% du capital de l'entité combinée sachant que l'Etat s'est engagé à conserver une minorité de blocage (33,34%).

Le problème est que les 2 sociétés sont cotées et que les marchés boursier ont décidé qu'une action SUEZ valait plus (41.80€ à la clôture hier) qu'une action GDF (37€). Pour que l'Etat reste à 35%, il faudrait donc que SUEZ verse un dividende exceptionnel de presque 5 euros par action à ses actionnaires (soit 6 milliards d'euros) ou que soit apporté une somme équivalente par les actionnaires de GDF (80% des actions étant détenues par l'Etat) au moment de la fusion.

Nos technocrates de Bercy, qui adorent jouer les banquiers d'affaires, ont donc imaginé un scénario créatif:
  • SUEZ se départit avant fusion de sa filiale Belge Distrigaz (dont valeur est estimée à plus de 3 milliards d'euros),
  • La somme récoltée, sans doute bonifiée, est versée en dividende exceptionnel aux actionnaires de SUEZ dont la capitalisation boursière maigrirait mécaniquement de quelques milliards,
  • La dot à faire à GDF pour son mariage avec SUEZ est allégée d'autant.

Ce "Meccano", pourtant réfuté comme tel par notre Premier Ministre, est élégant puisque, de toute façon, l'entitée combinée SUEZ-GDF aurait dû post-fusion se débarrasser de Distrigaz pour remplir les engagements pris devant la direction de la concurrence de la Commission de Bruxelles. Mais il y a un couac... et ce couac s'appelle EDF lui même détenu à plus de 80% par l'Etat Français: EDF serait l'acquéreur de Distrigaz ! Le voilà mon fameux conflit d'intérêts que je n'ai vu dénoncer nulle part.

  • Si l'Etat Français raisonne en actionnaire principal d'EDF, il privilègierait une cession à bas prix de Distrigaz et, en imposant ce scénario, lèserait potentiellement les actionnaires de SUEZ qui, j'en suis sûr, sauront se défendre via le plus riche des Belges, Monsieur Albert Frere, actionnaire emblématique du groupe SUEZ.

  • L'Etat Français va donc, sans doute, faire fi de l'intérêt des actionnaire d'EDF (qui certes ont fait une bonne affaire en achetant au moment de l'introduction en bourse d'EDF) en favorisant une cession au prix fort de Distrigaz à EDF. Il fera sans doute appel implicitement à leur patriotisme économique !

Madame Lagarde sait très bien que la situation est celle-ci et elle a donc 3 solutions:

  • Elle rejoint le camp des technocrates sans respect pour l'actionnaire minoritaire d'EDF et sa crédibilité vis à vis du monde des affaires en est affectée;

  • Elle évite que ce scénario soit retenu en permettant à SUEZ de mettre Distrigaz en vente suivant un processus dans lequel EDF doit se battre contre une véritable compétition;

  • Elle met sur la table la situation de "conflit d'intérêts", fait nommer les experts qui vont bien pour valoriser Distrigaz et fait voter les actionnaires d'EDF (l'Etat s'abstenant) en espérant que ceux-ci disent "oui".

Les deux derniers scénarios sont acceptables. Le premier ne l'est pas du tout à mes yeux.

A vous de jouer Madame Christine...



1 Comments:

At 5:09 PM, juillet 16, 2007, Anonymous Anonyme a dit...

l'angle que vous donnez, à savoir celui du conflit d'intérêt, est explicite quand au problème de cette affaire.

Je n'ai à ce jour lu nulle part une explication telle que vous la donnez.

Merci pour vos lumières !

 

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