L'Europe qui gagne
J'ai toujours aimé les comparaisons entre le monde économique et le sport de compétition: elles sont simples, symboliques et souvent pertinentes même si les prolonger trop loin peut tourner au simplisme.
Mon premier "post" en Février dernier s'intitulait Pas d'équipe de France du business et en était, je crois, une bonne démonstration.
J'ai eu la chance de passer la fin de la semaine dernière en Irlande au sud de Dublin pour assister à la fameuse Ryder Cup sorte de finale de la coupe Davis de golf qui oppose tous les deux ans les 12 meilleurs joueurs Américains et Européens.
Sur trois jours, ces golfeurs s'affrontent au travers de 16 matches en double (pour les connaisseurs, 8 matches en "foursome" et 8 en "fourball") et 12 matches en simple. Chaque match gagné rapporte 1 point, chaque match nul 1/2 point et, bien sûr, chaque match perdu 0 point.
L'Europe a battu ce week end les USA par le score sans appel de 18 et 1/2 à 9 et 1/2. Elle menait 10 à 6 à l'issue des doubles et a gagné 8 des douze simples (un match nul et trois défaites en complément). C'est la troisième fois d'affilée (et la cinquième fois en 6 éditions) que "notre" équipe s'impose.
Cet événement que j'ai trouvé enthousiasmant (c'était la première fois que j'assistais à une compétition de golf, sport que je pratique depuis moins de 3 ans) m'a suggéré un certain nombre de commentaires. Les voici...
- L'Eire, petit pays d'environ 4 millions d'habitants, organisait ici seul son premier grand événement sportif de portée mondiale: d'une certaine façon leurs Jeux Olympiques. Malgré une infrastructure routière rappelant la Bretagne des années 70, l'organisation était à la fois parfaite et chaleureuse (malgré des consignes de sécurité extrêmement sérieuses). La présidente de l'Eire, Mary McAleese, a, d'ailleurs, lors de la cérémonie d'ouverture annoncé fièrement que son pays comptait 400 golfs ce qui en faisait le pays le plus "golfique" du monde (pour rappel, la France compte environ 500 terrains de golf). Elle aurait pu, mais ceci aurait été moins élégant, rappeler également que son pays compte le meilleur PIB par habitant au sein de l'UE (hors Luxembourg - 30% de plus que la France) alors qu'il se "traînait" à la 14ème place il y a 25 ans.
- Mrs Mc Aleese a également tenu à encourager personnellement les 3 Irlandais sélectionnés dans l'équipe Européenne sans faire la moindre distinction entre les 2 Irlandais du Sud (Harrington et Mc Ginley) et l'Irlandais du Nord (Darren Clarke) pourtant citoyen de sa gracieuse majesté Elisabeth II.
- Au delà des 3 Irlandais, l'équipe comptait un capitaine (sélectionneur) Anglais, 4 joueurs Anglais, 1 Ecossais, 2 Espagnols et 2 Suèdois. Tous issus de l'Europe de la croissance... La France et l'Allemagne pourtant représentées lors de l'édition précédente (Thomas Levet joueur et Bernhard Langer capitaine) étaient malheureusement absentes.
- Sergio Garcia, le jeune espagnol véritable leader des 2 journées de double avec 4 victoires aux côtés de ses amis Olazabal (Esp) et Luke Donald (Ang), fût ovationné à chacune de ses arrivées sur un départ ou un "green". Mais Paul Casey ou Lee Westwood, tous deux Anglais, le furent autant par un public local et connaisseur dont, pourtant, on connaît la défiance historique féroce vis à vis des "brits". Tout un symbole...
- Tiger Woods, numéro 1 incontesté du golf mondial, a certes gagné son simple contre Karlsson (Sue) mais présente un bilan catastrophique en double avec son partenaire Jim Furyk: ces deux-là n'ont jamais réussi à établir le bon partage des rôles et leur connivence froide n'avait rien à voir avec la véritable complicité au sein des doublettes Européennes. Michelson et Di Marco autres stars de l'USPGA présentent le même bilan catastrophique en double que Woods et ont même perdu leurs simples le dernier jour. Une somme d'individualités exceptionnelles ne crée pas une équipe...
- J'ai appris également que jusqu'en 1979, la Ryder Cup opposait les Américains aux seuls Britanniques qui, lassés d'enchaîner les défaites, élargirent l'équipe au reste de l'Europe. On reconnaît ici le pragmatisme de nos amis d'outre-manche... Mettre ensemble des meilleurs Européens, qui ne sont pas les meilleurs mondiaux individuellement, mais qui, ensemble, construisent une victoire sans conteste sur les meilleurs joueurs du monde: une recette que l'on pourrait appliquer à certains secteurs de l'économie si nous construisions vraiment l'Union Européenne !
- Enfin, en rentrant, j'ai eu l'occasion de lire dans l'avion un journal Irlandais dans lequel était interviewé Sir Anthony O'Reilly (voir fiche Wikipedia). Ce magnat des média Irlandais s'exprimait sur l'Europe de Bruxelles en décrivant les fonctionnaires de l'UE comme de guillerets individus ("jolly people") ayant comme uniques objectifs le fait de protéger la France et d'améliorer la situation Allemande... Très satisfait de la politique de très faible pression fiscale ayant conduit au succès économique indéniable de son pays, il pointait du doigt la compétition venant des 10 nouveaux pays d'Europe qui pourraient adopter une politique similaire et faire compétition à cette Irlande miraculeusement compétitive: "Ireland should not take its new prosperity for granted"... En fin d'interview, il encourageait également une politique de portes ouvertes en matière d'immigration notament vis à vis des "plombiers Polonais" (catholiques commes les Irlandais) envoyant ici une nouvelle pique à notre cher pays....
Bref, vous l'avez compris, un voyage enthousiasmant du point de vue sportif, pleins de symboles pour le pro-européen que je suis et fort dépaysant du point de vue économico-médiatique...
7 Comments:
Pourquoi l'Irlande, mais aussi la Suède, les Pays-Bas, le Danemark, réussissent à se réformer là où France et Allemagne stagnent?
C'est peut-être basiquement une question de taille. Quand on parle à 4M, 8M ou 15M de citoyens répartis sur des territoires homogènes et à dimension humaine, on peut expliquer, dialoguer, décider et exécuter. Personne ne peut prétendre avoir été tenu à l'écart, n'avoir pas entendu, pas compris. Plus encore, l'intérêt collectif pèse sans doute plus lourd lorsque le collectif est réduit.
En France, il faut se faire entendre de 60M d'individus. La nation et l'intérêt collectif sont depuis longtemps des fictions entretenues par le pouvoir centralisé pour justifier de son existence. L'égalité et la fraternité n'existent qu'au fronton des édifices. Dans le quotidien des citoyens, c'est inégalité et intérêts particuliers de rigueur. La taille étendue du territoire, sa géographie et son histoire, génèrent aussi leur lot de différences, de particularismes.
Osons suggérer que les régions françaises, ou les regroupements de régions, soient dotées de tous les pouvoirs de l'Etat (hors justice, défense et politique étrangère),et qu'elles aient notamment la pleine autonomie en matière de fiscalité et de dépense publique. On verra vite que la réforme est possible et qu'elle est est même obligatoire dans un contexte de compétition intra-française et intra-européenne.
Je vais encore faire mon rabat joie, mais à quoi sert d'avoir "le meilleur PIB par habitant au sein de l'UE" si "l'infrastructure routière rappelle la Bretagne des années 70" (sic).
L'Irlande est un pays dynamique et les Irlandais sont un peuple courageux et sympathique. Il est cependant abusif de laisser prétendre que "la politique de très faible pression fiscale ayant conduit au succès économique indéniable de son pays (irlande)". En effet le succès economique de l'Irlande a largement été financé par les subventions des "jolly people" de l'Europe de Bruxelles. Et c'est une bonne chose.
Comme l'a dit Marc, un pays de 60 M ne se pilote pas comme un pays de 4 à 10M. Par ailleurs le souhait d'une société collectiviste et étatique est présent dans l'esprit d'une grande partie de nos compatriotes quelque-soit leurs particularismes régionaux.
La reforme désirée par Marc me semble donc incompatible avec la structure de notre pays. Je prone donc le laisser faire.
Le pays est riche, sa population aussi, il fonctionne plutot bien, mais surtout il a réglé depuis longtemps le "pblm des routes de Bretagne" !
Le capitalisme vaincra par la force des choses et non par des réformes.
très bonne analyse sportive :D comme quoi, les polytechniciens sont réellement polyvalents. Toutefois, les comparatifs victoires sportives/victoires économiques sont assez osés je trouve; à ce moment là, il vous faudrait remarquer la baisse de niveau des sportifs d'U.R.S.S et R.D.A depuis la chute du mur de Berlin.
Et puis, nous avons terminé en finale de la coupe du monde de foot, comme quoi, il y a de l'espoir :D
Kerri
merci pour votre commentaire. 2 remarques:
1/ Je comparerais assez volontiers les champions de l'ex RDA ou URSS à des entreprises subventionnées indûment (la subvention est une sorte de "dopage") et profitant d'un avantage déloyal dans une compétition faussée.
2/ Pensez-vous que si Henry, Makelele, Gallas n'évoluaient pas en Angleterre, que Viera et Thuram n'étaient pas sociétaires de la Juve et si Zidane avait fait toute sa carrière à Lorient ou au PSG, la France aurait atteint la finale ?
Il y a une petite erreur sur le nom Sergio Garcia :)
Autrement vous avez bien de la chance d'être allé voir ca :D
Merci. Je corrige.
Moi je dis trop cool la France, les irlandais peuvent toujours s'accrocher pour nous arriver à la cheville ! A lire absolument : http://www.lepoint.fr/societe/document.html?did=183733
surtout le passage sur la rédaction du CV .
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