04 juin 2007
par JDCh


Impôt sur la mort

Un commentateur prénommé Raoul a réagi vertement sur mon colissimo fiscal indiquant je ne pouvais pas être libéral et critiquer la mesure proposée par notre nouveau Président consistant à supprimer les droits de succession "dans 95% des cas". Il faut avouer que je m'étais un peu emporté en écrivant que je trouvais cette taxe normale et toujours normal le fait qu'elle soit lourde pour les "grosses successions".

Ma principale critique était, en réalité, plus liée au fait que cette mesure me paraît être sans aucun effet bénéfique sur la croissance économique et que, quitte à limiter les recettes de l'Etat (l'impôt sur les successions pèse environ 9 milliards d'euros de recettes par an), ce ne serait pas celle-ci que j'aurais abîmée dans un "paquet fiscal" post-élection présidentielles et législatives.
Sans parler du fond dans un premier temps, les éléments ci-dessous plaident, je pense, en faveur de cette thèse:
  • On hérite statistiquement de plus en plus tard, lorsque l'on a déjà "fait sa vie". L'éventuel héritage que l'on reçoit de ses parents permet peut-être de bonifier sa propre période de retraite en "récupérant" une maison de vacances ou un petit pactole "en cas de coup dur". Il est donc bien plus stimulant économiquement de favoriser les "donations de son vivant" alors que ses héritiers sont encore jeunes et en train de construire leur avenir que de défiscaliser la succession au moment du décès;

  • Concernant les très petites, petites et moyennes entreprises, le problème de succession n'est pas forcément celui que l'on invoque. Assez rares sont les cas où le dirigeant fondateur meurt en pleine activité laissant sa "boîte sans capitaine". Dans bien des cas, le dirigeant a pu organisé "de son vivant" la transition avec un héritier ou un successeur.

  • De plus, en cas de "cassage de pipe prématuré", soit un (ou plusieurs) de ses enfants est (sont) dans la place au moment où il décède et une donation préalable aurait été une façon de régler au moins partiellement le problème des droits de succession, soit aucun de ses enfants n'a souhaité rejoindre le "business paternel" et ils sont fort mal placés pour être les successeurs du "padre". De toute façon, un délai pour "régler ladite succession" est nécessaire pour les ayant-droits qui sont, en général, plusieurs et pas tous actifs dans cette entreprise: certains voudront garder leurs parts ou actions, d'autres pas... La boulangerie de notre "pater familias" ayant 2 enfants n'aimant pas la boulange, devra être vendue... Même si le fiston reprend la PME plasturgique de papa dans le Jura, il est probable que ses soeurs préféreront (sous l'influence néfaste de leurs maris !) céder leurs actions à un fond de capital-transmission...

  • Concernant l'exode des patrimoines, l'ISF fait bien plus de mal que l'impôt sur la mort. Quelqu'un qui est encore vivant et actif et qui décide de quitter la France comme résidence fiscale, exporte naturellement petit à petit son patrimoine vers son nouveau lieu de résidence. Si les donations de son vivant étaient libres (ou quasi) et si l'ISF était supprimé, le problème serait résolu à bien moindre coût...

Si maintenant, on se pose la question sur le fond...

  • Faut-il pour être libéral (ce que je pense être), contester toute forme de fiscalité ? L'utopie qui a sous-tendu les idéaux trotskistes qui ont fait tant de mal à notre pays doit-elle devenir l'apanage des libéraux Français ? Je ne le pense pas. Les prélèvements obligatoires doivent baisser dans notre pays de façon forte (10%, 20% ?) mais la question de la priorité entre les différentes baisses possibles peut-être une question posée par un "libéral" même s'il perd, ce faisant, son éventuelle étiquette de "libertarien". Non ?

  • L'impôt sur les successions n'est une "n+unième" taxe pesant sur le défunt... Elle pèse sur son (ses) héritier(s), sur l'ayant-droit qui n'a pas fait grand chose pour avoir cette qualité de récipiendaire d'un patrimoine construit par un autre...

  • Tout ceci me rappelle le débat aux Etats-Unis, lors du premier mandat de George W... L'Amérique profonde, pourtant faiblement taxée de ce point de vue, avait soutenue mordicus le projet du Président consistant à rendre totalement marginale cette fameuse "death tax". Cette Amérique profonde n'est pas forcément celle qui a raison en matière de libéralisme... En tout cas je préfère l'Amérique des côtes Atlantiques ou Pacifiques, celles de New York ou San Francisco, celles où l'on sait que le monde va vite et que le conservatisme ressemble au "formolisme" et où l'on ne se pose pas la question de comment hériter mais de comment créer...

Le bonjour à Raoul !



1 Comments:

At 9:48 AM, juin 05, 2007, Anonymous Anonyme a dit...

Bravo, pour cette note.

La suppression des droits de succession est une contradiction par rapport au signal fort que veux faire passer Sarko : travailler plus pour gagner plus.

Pourquoi travailler plus, alors que je peux tranquillement attendre mon gros héritage ??

Comme tu dis pour les Etats Unis, on pourrait faire un parallèle avec le France. Ce n'est pas parce que une majorité du pays "aiment" une mesure qu'elle est bonne pour le pays.
Scott

 

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