26 octobre 2007
par JDCh


He's not Woerth it !

La lecture de la presse économique m'a déprimé hier matin. Je pensais que notre Ministre du Budget connaissait le monde des entreprises et que nos députés UMP ne seraient pas pris de frénésie "taxatrice" dès 2007. J'avais bien tort...

Voici donc le député Bur et le Ministre Woerth qui rejoignent la chèvre de Monsieur Seguin...

Nos députés ont, en effet, voté hier en faveur d'une double taxation des stock options (et actions gratuites) sur fond d'affaire de délits d'initiés chez EADS et en réponse aux stupides affirmations de la Cour des Comptes.

J'ai ainsi pu lire dans Les Echos

Le ministre du Budget et des Comptes publics, Eric Woerth, a appuyé l'amendement, tout en se disant " réservé " sur la contribution salariale, jugée " dangereuse pour l'économie ". Pour autant, il a désapprouvé la vaine tentative de Dominique Tian (UMP) de la supprimer : " Cette mesure, tout comme l'ISF, est absurde ", s'est emporté le député des Bouches-du-Rhône, agacé de voir également retoquée toute exonération pour les start-ups.

Mis à part le fait que je trouve sympathique l'emportement du député Tian, on notera que Mr Woerth a 2 fois tout faux. Explications...

Les contributions envisagées par nos députés sont de 2 natures: une contribution "patronale" acquittée lors de l'attribution de stock options (2,5% de la valeur de l'action sous-jacente) et une contribution "salariale" révélée au moment de la plus-value d'acquisition (2,5% de ladite plus-value d'acquisition).

Je suis, bien évidemment, contre ces 2 contributions mais je dirais que je suis "moins contre" la seconde. Il y a, en effet, taxation d'une plus-value (qui devient réelle dès qu'il y a cession des actions issues de l'exercice des stock options): on taxe un revenu qui correspond bien à une révélation d'augmentation de valeur. Si Mr Woerth est réservé sur cette augmentation de la fiscalité des stock options côté "salarié", il devrait être archi-contre celle envisagée côté "patronal".

La contribution "patronale" est, elle, inique à plusieurs titres: s'il est exact qu'en attribuant des stock options à un salarié, l'entreprise lui transfère un droit économique qui a une certaine valeur, décider que la taxe doit être de 2,5% sur la valeur de l'action sous-jacente est absurde économiquement. Nos députés considèrent de façon totalement simpliste qu'une option avec un prix d'exercice de 1€ vaut 25 centimes d'euros qu'ils taxent allégrement (ndr: ils taxent d'ailleurs le donateur et non le bénéficiaire) à 10% donc 2,5 centimes, d'où les 2,5% !

Quelle est la valeur d'une option ? Elle peut se calculer selon la fameuse formule de Black-Scholes qui tient compte de la durée et de la volatilité et qui fait l'hypothèse d'une parfaite liquidité.

Concernant la durée, on peut considérer que tous les plans de stock-options ont une durée de 4 ans mais il ne semble pas être tenu compte du tout du fait que si le salarié quitte l'entreprise et perd son droit au "vesting", on a taxé un transfert de valeur qui est totalement caduc (les stock options sont, dans ce cas, purement et simplement annulées alors qu'elles auraient déjà été taxées) !


Concernant la volatilité, ce critère fondamental n'est pas pris en compte du tout. Je me suis amusé sur le graphe joint à comparer rétrospectivement la volatilité de l'action de Total, poids lourd par excellence du CAC40 dont l'encéphalogramme parait totalement plat (courbe noire), et celle d'une société de croissance du compartiment B (en l'espèce Hi-Media dont j'aime bien le management) bien plus volatile (courbe violette). La valeur d'une option par rapport au prix de l'action de ces 2 valeurs ne peut en aucun cas être la même. Un attributaire de stock option Hi-Media début 2004 sera, sans doute, en 2008 un homme heureux mais que dire ce celui qui a reçu ses stock options au printemps 2006 quand il pourra exercer ces stock options mi-2010 ? Nos députés pensent peut-être que toutes les entreprises ressemblent à Total !

Concernant la liquidité, nos représentants ont oublié une chose fondamentale: les sociétés privées (non cotées en Bourse) n'offrent pas de liquidité ni immédiate ni garantie à terme. Celle-ci peut arriver (ou être arrivée) au moment où les stock options deviennent exerçables parce que la société a été rachetée par un groupe industriel ou est entrée en bourse mais, dans une très grosse partie des cas, la liquidité ne sera pas assurée. Comment l'option d'acheter à un certain prix une action non liquide peut-il valoir 25% de son prix d'exercice ? Nos chers (au sens coûteux) représentants ont, sans doute oublié, que les "PME de croissance" privées sont les principaux "attributeurs" de stock options à leurs salariés (au sens, celles qui intéressent une part la plus grande de leurs salariés via ce mécanisme) !

Je n'ai pas à donner de conseils à Mr NotWoerth'it mais je lui suggère cependant de supprimer sa contribution "patronale":
  • pour les sociétés cotées en Bourse (qui produisent leur comptes en IFRS et doivent déjà tenir compte des charges correspondant à l'attribution des stock option dans leurs comptes), on pourrait éventuellement "taxer" ces charges "comptables" de façon justifiable mais bonjour l'usine à gaz. Mieux vaut attendre la révélation d'une plus-value pour envisager la moindre taxe.
  • pour les sociétés privées (ou cotées sur des marchés type Alternext), de laisser tomber immédiatement et tout bonnement l'idée cette taxe à l'attribution. Pas d'usine à gaz du tout et des contributions acquittées par les salariés uniquement s'il y a réellement liquidité et plus-value avant l'échéance du plan de stock options.

La même recommandation s'impose pour les actions gratuites que le député Bur veut aussi taxer à 10% au moment de leur attribution ! Une taxation de la plus-value d'acquisition (au bout de 2 ans) peut se justifier puisque le salarié, s'il est toujours en poste, possède bien des actions qu'il n'a pas payées. Mais si pour les sociétés cotées, lesdites actions ont une valeur et une liquidité et "taxer" peut se justifier, pour les sociétés privées, attendons la liquidité avant d'envisager toute forme de contribution fiscale.

Comme Mr Woerth'it, j'en appelle donc à la sagesse de nos sénateurs. Taxer des entreprises sur un bénéfice économique transféré à leurs salariés sans valeur économique révélée ou calculable est aberrant... et décourageant dans un pays qui manque d'esprit d'entreprise.

Je sais que les sénateurs aiment les trains mais j'espère qu'ils n'aiment pas les usines à gaz consistant à taxer "forfaitairement le possible" et non "équitablement le réel" !



3 Comments:

At 4:57 PM, octobre 27, 2007, Anonymous Anonyme a dit...

Oui, bien d'accord. Les stoks options ont l'air d'être le nouveau grigri fiscal a invoquer en cas de discution sur la dette de la France.

Jospin il y a quelques semaines sur RTL plaidant pour 'une nouvelle gauche' a eu ce cri du coeur lorsque Aphatie lui a demandé ce qu'il comptait faire pour la dette : 'il faut taxer les stocks options'. La nouvelle gauche est aussi mal partie que la droite..

 
At 5:02 PM, octobre 27, 2007, Anonymous Anonyme a dit...

Le problème de ce gouvernement, c'est que sous couvert de réformes, il sembler naviguer à vue sans logique ni véritable étude des dossiers. Est-ce qu'une commission compétente a étudié la fiscalité des stock-options? La Cour des Comptes n'a fait qu'un dixième du boulot en ne regardant que l'aspect comptable d'un manque à gagner en charges sociales, sans approche systémique.

La France semble victime à la fois de ses politiques, éloignés du réel et suivant l'opinion au gré des événements, et de ses hauts fonctionnaires, tout aussi éloignés du monde de l'entreprise.

L'exemple des retraites est éclatant: on ne parle que du nombre d'années d'annuités, mais personne n'a parlé d'aligner les formules de calcul de pensions (basées sur les 6 derniers mois pour le public et les régimes spéciaux et les 20 dernières années pour le privé).

Idem pour l'université avec une fausse réforme qui n'attaque ni le sujet de la sélection ni celui des frais de scolarité, deux éléments clés permettant de sauver le système actuellement en faillite.

Tout cela ressemble à la real-politik de Chirac, trop prudent pour réformer du fait des lourdeurs de la société française et de ses corporatismes.

 
At 4:01 AM, octobre 31, 2007, Anonymous Anonyme a dit...

Ton article soulève une question de fond , les stock-options sont elles utiles comme outils de management et de motivation ? Bref si tu les supprimes qu'est ce que cela change à l'implication des collaborateurs ? Je suis de plus en plus 'dubitatif' sur leurs effets bénéfiques, y compris pour des sociétés privées même petites. Mais demain sera un autre jour.

 

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