Logement social: toujours plus ?
Les récents débats à l'Assemblée sur la loi SRU et l'obligation pour chaque commune que 20% au moins des logements construits soient des logements sociaux entraîne la polémique habituelle sur la non-générosité/solidarité des communes les plus aisées. Cette façon d'adresser les problèmes consistant à souhaiter que les habitants de Neuilly sur Seine soient "en moyenne moins aisés" est-elle la bonne façon de considérer l'enjeu du logement social ? N'est-ce pas une vision entièrement démagogique ? Faut-il encore et toujours "tirer vers le bas" alors que l'on pourrait sans doute "tirer vers le haut" ?
Les affaires de l'OPHLM92 de "Pasqualand", la récente amnistie Présidentielle de Guy Drut (affaire des HLM de Paris), les appartements de Juppé ou Gaymard rendent évidemment la droite éminemment suspecte sur tout ce qui concerne le logement et le fatras habituel des propositions de M. Borloo est loin d'amener la clarté d'objectifs que l'on serait en droit d'attendre par rapport à un problème de ce type.
Je ne suis pas un spécialiste du sujet mais je me suis documenté ces dernières semaines et voilà un diagnostic "libéral non-anti-social" qui, peut-être, ouvre des voies jusqu'ici non explorées.
Le premier constat, qui fait l'unanimité, est que le nombre de demandeurs de logements sociaux est très supérieur à l'offre (environ 100 fois). En constat subsidiaire, il est certain que quelques centaines de milliers de personnes ou familles extrêmement ou très démunies font partie de cette immense liste d'attente et doivent en attendant vivre dans des "squats" ou des hôtels ou immeubles insalubres. Il ne fait aucun doute pour moi que ces personnes ou familles ont droit à un logement décent et que seul le logement social constitue une réponse à leur situation dramatique.
Le second constat qui lui est bien plus polémique est que près de 14 millions de Français vivent dans des logements sociaux. Un Français sur quatre bénéficie d'un avantage extrêmement significatif correspondant à une économie de loyer de 50 à 70% !
Ces 2 constats apparemment contradictoires s'expliquent fort bien:
-on ne construit qu'environ 50.000 logements sociaux nouveaux par an (de quoi loger entre 100.000 et 150.000 personnes) contre 120.000 à 140.000 logements construits (au demeurant très laids et de mauvaise facture) au début des années 70;
-très peu de gens bénéficiaires de ce type de logements quittent leur logement (considéré parfois comme un véritable "patrimoine" familial et transmis de père en fils !).
On comprend d'ailleurs fort bien pourquoi nos bénéficiaires ne quittent pas ces logements aux loyers modérés: si leurs revenus dépassent de 40% le "plafond de ressources" (environ 1 SMIC par personne logée), la seule sanction financière est de payer un "surloyer" bénin (celui-ci ne correspond qu'à 0,5% des loyers perçus par les OPHLM) et surtout ils bénéficient d'un "droit au maintien dans les lieux" (visiblement selon une loi datant de 1948 !).
La situation est donc "inégalitaire" (au sens de "La Machine..." de Minc) à plus d'un titre:
-des gens extrêmement ou très démunis ne bénéficient pas d'un tel logement;
-des foyers aux revenus similaires au dessus du "plafond de ressources" mais bénéficiant, pour l'un, d'un loyer de HLM et, pour l'autre, d'un loyer du secteur privé engagent des dépenses mensuelles pour se loger qui varient du simple au triple;
-pour les bénéficiaires des différentes aides au logement, ces dernières ne tiennent que faiblement compte du montant du loyer payé renforçant ainsi le caractère privilégié des locataires du secteur social par rapport à leurs homologues à iso-revenus qui n'y ont pas eu accès.
Avec la même philosophie que celle de l'emploi à vie et de la défense acharnée des avantages acquis, la seule solution envisagée est de construire plus de logements sociaux, de détruire ceux qui sont vraiment "invivables" et de rénover ceux qui méritent de l'être. Tout ceci est louable mais on nous dit que cela coûte fort cher et qu'il n'y a pas assez de moyens pour tout faire. Pourtant...
Lorsque l'on étudie les chiffres fournis par la DGUHC (Direction Générale de l'Urbanisme, de l'Habitat et de la Construction), on constate que l'endettement des OPHLM et des SA HLM (principaux gestionnaires du parc de logements sociaux) est d'environ 90 Milliards d'euros (une belle somme) correspondant "grosso modo" à la valeur "au bilan" des 4 millions de logement gérés (soit moins de 25.000 € par logement donc très/trop peu) et que les loyers hors charges perçus sont d'environ 12 Milliards d'euros (soit environ 250 € par mois et par logement donc un ratio loyer/valeur très favorable).
Pour le "financier" que je suis (capable de faire la différence entre coût et prix), ces chiffres sont porteurs d'un réel levier totalement inexploité: vendre le patrimoine ancien et sous-valorisé, réaliser de confortables plus-values permettant de rembourser une partie de la dette et donc de se ré-endetter pour construire du neuf ou tout simplement de construire du neuf "sur fonds propres" au lieu de recourir, comme aujourd'hui, à l'augmentation des taxes locales.
Ce levier n'a pas été utilisé puisqu'il semble qu'un logement HLM ne puisse être vendu qu'à son locataire (ou à un autre organisme HLM). Quelques cessions ont lieu aux locataires mais un marché dans lequel il n'y a qu'un seul acheteur ne peut être un marché efficace !
Si l'on adoptait la mécanique qui consiste à vendre tout immeuble "vendable" (une partie du parc HLM est sans doute "invendable" et devra plutôt être "détruite") âgé de plus de vingt ans à des sociétés foncières privées en leur demandant de gérer une période transitoire (de 5 ans par exemple) de maintien de "loyers modérés" puis à faire rentrer dans le secteur privé (locatif ou non) ces immeubles, on aurait de multiples bénéfices:
- en faisant jouer la concurrence entre ces acquéreurs privés, on maximiserait la plus-value et donc les moyens à consacrer à la construction neuve et à la destruction des "invendables" (on peut même imaginer des chiffres records pour quelques HLM situés dans le Marais, le 16ème arrondissement ou sur la Côte d'Azur);
- ces logements neufs additionnels pourraient enfin accueillir les plus démunis qui sont en liste d'attente;
- en obligeant les locataires HLM concernés à être sous le "plafond de ressources" à l'issue de la période transitoire pour avoir à nouveau droit à un logement social, on éradiquerait périodiquement les bénéficiaires indus;
- en ayant un parc rajeuni, on baisserait le coût annuel de rénovation;
- en mettant sur le marché des immeubles anciennement HLM, on favoriserait une forme de mixité sociale sans doute beaucoup plus naturelle (similaire au mouvement des population des centres-ville vers les banlieues qui entraînerait, par exemple la reconstitution d'îlots de prospérité dans des départements comme le 93) et on permettrait à plus de gens d'accéder à la propriété ou à des loyers privés mais raisonnables;
- les communes concernées auraient des recettes fiscales (taxes foncières et d'habitation) nouvelles et supérieures leur permettant d'améliorer le cadre général de vie de tous leurs habitants;
- on serait enfin capable de maintenir un pourcentage de logements sociaux (sans doute aux alentours de 20-25%) sans connaître le phénomène endémique actuel issu d'un historique de près d'un siècle.
Bref, si les quelques 600 organismes chargés du logement social (OPHLM, OPAC, SA HLM...) agissaient de façon cohérente, coordonnée et patrimoniale, un coup de "booster" et un régime permanent vertueux seraient réalisables.
Il suffirait, pour cela, de renoncer au fameux "droit au maintien dans les lieux", avantage acquis en 1948, à une autre époque, mais auxquels ses bénéficiaires, qui sont nombreux (et aussi des électeurs), semblent farouchement attachés...
En fait, il faudrait faire et réussir une réforme et ça, ça n'est pas notre fort !
3 Comments:
Je vous ai envoyé un email pour entrer en contact mais il m'a été retourné pour saturation de votre boite email.
Pourriez-vous me recontacter ?
vincent.poncet@liberte-cherie.com
Cordialement,
Vincent Poncet.
Vice Président
Liberté Chérie
vincent.poncet@liberte-cherie.com
Bien vu mais... Il faudrait peut etre s'assurer que le marche est libre! Il ne l'est pas, c'est une bulle administrativement maintenue. Par le POS et par la PAC, car il faut egalement mesurer l'impact des subventions sur le foncier agricole sur lequel serait pris du foncier constructible si on ouvrait le POS. Tout est artificiel ici. Sauf emplacements exceptionnels l'immobilier est surevalue. Ce qui presage un atterissage. Donc oui a ce que vous dites mais en ce contexte sinon ce serait donner a cette mesure liberale le gout d'une potion amere. Il y a le principe et la methode. Il faut donc et liberer le POS, la PAC et l'habitat des serres socialo-etatistes! JF
votre démonstration de l'"institutionalisation" du dévoiement du système est intéressant.
le problème est que les logements sociaux ne constituent pas ou plus une case temporaire mais une situation quasiment définitive...
est ce que vous pourriez expliquer pq on ne peut sortir de cette case de précarité et surtout pq tant de français sont dans cette situation.
je vois déjà une réponse tranchée et décapante poindre ! ;-)
si vous voulez vous amuser http://www.cyber-budget.fr/
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