11 mai 2007
par JDCh


Et si Bruxelles bruxellait ?

C'était au temps où Bruxelles chantait
C'était au temps du cinéma muet
C'était au temps où Bruxelles rêvait
C'était au temps où Bruxelles bruxellait
célèbre refrain d'une chanson du grand Jacques Brel qui m'est revenue en tête lors de la lecture de l'article de Libération ci-dessous...

Avant de revenir sur le livret A, objet de la polémique actuelle, laissez-moi vous conter une petite histoire qui m'est arrivé il y a quelques années. J'étais dans un grand magasin proche de l'hôtel de ville à Paris à la recherche d'un dévideur de papier toilette et, par souci de continuité, en quête d'un modèle "feuille à feuille" et non du classique modèle "à rouleau"... Ne trouvant pas l'objet en question dans les rayons, pourtant bien remplis du fameux bazar, j'ai alors interpellé un vendeur qui m'a répondu sans hésiter "feuille à feuille, on fait plus, Bruxelles les a interdits !". Sans avoir depuis vérifié si une directive bruxelloise avait effectivement rendu illégale la commercialisation de dévideur de PQ de ce type, je me suis demandé à l'époque si Bruxelles bruxellait...

Pour en revenir à la chaude actualité constituée par la demande de Bruxelles de mettre fin en France au monopole de La Poste, des Caisses d'épargne et du Crédit Mutuel sur la collecte d'épargne de type "Livret A" ou "Livret Bleu", le cas est assez emblématique de l'incompréhension qui peut régner entre la Commission et le peuple Gaulois...

Après avoir souligné le fait que j'ai la forte impression (voire la ferme conviction) que la Commission pourrait s'occuper de problèmes plus importants que celui-ci, je dois cependant avouer que, sur le fond, je suis d'accord avec les raisons qui ont poussé cette institution cosmopolite à tancer une nouvelle fois la France sur un sujet qui a à voir avec la protection/liberté du consommateur et au respect des règles de concurrence.

Pour le client du Crédit Agricole ou de la SocGen, il est évident que de pouvoir profiter du rendement garanti et de la non-imposition de cette épargne de père de famille en ayant ses différents comptes dans le même établissement bancaire présente des avantages modestes mais certains: virement plus rapide, dates de valeur plus favorables, frais nuls... Plus le consommateur a le choix, mieux c'est pour lui...

Pour ce qui concerne les banques exclues pour l'heure de la distribution de ce produit d'appel, elles sont en droit, il me semble, de considérer cet avantage compétitif, dont jouissent les bénéficiaires de cette situation de monopole, comme déloyal. Il n'est pas du tout certain que le client de la Banque Postale y soit et y reste à cause du Livret A mais il est plus que plausible que certains n'en partent pas pour cette raison là. La bienfaitrice libre concurrence devrait permettre à chacun de lutter sans que le jeu ne soit faussé même marginalement.

Ce qui est offusquant et révélateur à la fois dans cette affaire, c'est la réaction immédiate émanant du PS, des syndicats de postiers et de l'USH qui en appellent immédiatement à Bercy pour cause que, peut-être, les banques dériveraient cette épargne vers des produits autres que ces livrets destinés au financement du logement social. Mais enfin m..., si les Français ne veulent pas mettre leur épargne dans ce type de véhicule malgré sa non-fiscalisation, il y a longtemps qu'ils peuvent le faire, c'est leur droit le plus strict et il est hors de question de leur interdire de le faire ! Cela ne veut-il pas dire que La Poste, les Caisses d'Epargne et le Crédit Mutuel influencent leurs clients pour leur faire choisir un produit d'épargne qui ne serait pas le meilleur pour leurs besoins ?

S'il vous plaît, messieurs les fossoyeurs de la France, arrêtez de penser que vos concitoyens sont des ânes et que leur argent est le votre !

S'il vous plaît, monsieur le futur Minefi de la France, acceptez cette oukase de Bruxelles sans broncher: elle est bonne pour le consommateur et l'émulation du secteur bancaire. Point.

Quant au logement social, il existe des solutions bien plus efficaces pour en relancer la construction et en renouveler ses occupants. Voilà une réforme que nous pouvons faire sans demander l'autorisation à Bruxelles !

Finalement, à vous les commissaires de Bruxelles, même si, en l'espèce, vous avez raison, merci d'essayer de construire un agenda un peu plus enthousiasmant pour notre Union Européenne: elle en a un peu besoin !


L'ouverture à la concurrence du Livret A capitalise la grogne
Par Tonino SERAFINI
Libération : vendredi 11 mai 2007

Tollé syndical. Inquiétudes dans les organismes de HLM. Emoi parmi les associations qui oeuvrent dans le domaine du logement social. Réserves à la Caisse des dépôts. La décision de la Commission européenne de donner un délai de neuf mois au gouvernement français pour étendre à toutes les banques la distribution du Livret A et du Livret bleu (Libération de jeudi) a déclenché des réactions en chaîne hier dans l'Hexagone. L'inquiétude principale tient au risque que fait peser cette injonction de Bruxelles sur le système de financement du logement social.

Monopole. Trois établissements bénéficient du monopole de distribution des livrets A et bleus : les Caisse d'Epargne, la Banque Postale et le Crédit mutuel. «Une anomalie préjudiciable au développement de conditions de concurrence équitables», estime la Commission, qui a décidé d'y mettre fin. Et d'ouvrir la collecte de cette épargne populaire à toutes les banques de la place.

Cette épargne, qui représente un encours de près de 130 milliards d'euros, est centralisée à la Caisse des dépôts. La cagnotte sert à financer la construction de logements sociaux et des opérations de rénovation urbaine par les organismes de HLM à des taux défiant toute concurrence : 3,55 % pour des prêts de trente à cinquante ans.

La décision de Bruxelles ne remet pas en cause ce système de centralisation géré par la Caisse des dépôts et la finalité sociale de cette épargne. Où est alors le danger ? «Le risque est grand que les banques privées cherchent à orienter les détenteurs du Livret A [qui les rapatrieraient chez elles, ndlr] vers d'autres produits d'épargne, contribuant ainsi à son assèchement», a pointé hier Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée. Pour lui, le gouvernement porte «une lourde responsabilité dans la décision de la Commission européenne», affirmant que l'ouverture des activités postales à la concurrence et la création de la Banque postale ont ouvert un boulevard à la Commission européenne. A la Poste, à la Banque de France, au Crédit foncier, dans les Caisse d'Epargne, les syndicats (CGT, CFDT, FO, CFE-CGC, SUD) ont interpellé Nicolas Sarkozy pour «qu'il s'oppose avec énergie, lors de son déplacement dans quelques jours à Bruxelles, à la volonté de la Commission».

Recours. L'Union sociale pour l'habitat (USH), qui fédère les organismes de HLM, demande lui aussi «au gouvernement de faire tous les efforts pour obtenir une annulation de la décision». Bercy a annoncé que la France allait exercer un recours devant la justice européenne auquel veulent s'associer les Caisse d'Epargne.

A Bruxelles, on écarte tout risque pour le logement social. «Les restrictions actuelles ne sont pas nécessaires. Nous avons étudié tous les risques. Il n'y aura pas d'assèchement de la collecte», assurait hier soir Jonathan Todd, porte-parole de la commissaire européenne à la Concurrence.




6 Comments:

At 8:30 PM, mai 11, 2007, Anonymous Anonyme a dit...

vous lisez libé ?

 
At 9:40 AM, mai 12, 2007, Blogger JDCh a dit...

Oui, je lis Libé...
J'ai remarqué que les gens de droite (resp. de gauche) qui ne lisent que des journaux de droite (resp. de gauche) manquent un peu d'ouverture d'esprit !

 
At 2:41 PM, mai 12, 2007, Anonymous Anonyme a dit...

Concernant l'agressivité commerciale des banques que tu bats en brèche :
Entre les faibles et les forts, il y a la liberté qui oppresse et le droit qui libère

La Poste - pour ne citer qu'elle - mettra du temps pour devenir une banque comme les autres. Entre-temps, les clients faibles peuvent compter sur une relative absence d'arnaque.

 
At 8:15 PM, mai 12, 2007, Anonymous Anonyme a dit...

@christophe

Les arnaques à la poste sont peut être absentes mais pas l'incompétence ou plutôt le manque d'intérêt porté à la gestion des comptes clients est flagrant.

Je base ma remarque sur plusieurs expériences personnelles avec la Banque Postale:
1/ retrait frauduleux (800€) après un vol de CB et ceci sans code et à un gichet de la poste (pas de vérification d'identité ou autre). Il m'a fallu 6 mois pour avoir gain de cause et encore ma responsabilité a été engagé à hauteur de 150€ (norme). Il a fallu que je les menace de passer par leur médiateur ou contacter des associations de consommateurs pour que le dossier bouge.
2/ Plus récemment, demande d'ajout d'un compte sur lequel pouvoir effectuer des virements via l'interface web. Dans une grande générosité, je vois ce compte apparaître dans la liste de mes comptes courants. Super, je peux vider ce compte sans l'accord de la personne en question à qui rien n'a été demandé. Quand vous les appelez, ça n'a pas l'air de les choquer plus que ça.
3/ Un dernier exemple mais sans conséquences fut la nécessité de virer de l'argent sur un compte étranger en dollars (simple rachat de matériel professionnel). J'ai eu l'impression ce jour là que le bureau de poste allait faire l'opération de l'année (branle-bas de combat, prise de rv avec un conseiller, etc).
4/ J'étudie les offres des concurrents...
5/ Mais je n'irais sûrement pas chez BNP-Paribas avec laquelle j'ai eu quelques soucis dans le cadre de mon quotidien de chef d'entreprise.

Et, rien à voir, bravo Jdch pour vos opinions.

 
At 9:10 AM, mai 13, 2007, Anonymous Anonyme a dit...

@laurent

J’ai lu une partie de ton blogue : http://7theories.com/main/2006/05/23/la-banque-postale-experimente/
Utilise donc le lient suivant :
https://www.videoposte.com/statique/index_clavier.html
Depuis la page d'accueil, sur la droite, il y a un lien "En cas de problème avec la saisie de votre mot de passe".

La banque postale, je ne lui demande pas beaucoup. Juste de conserver mon épargne et les comptes courants. Si je veux faire plus, je le fait ailleurs.

Il n’y a plus de concurrence entre les établissement bancaires en France. Le français est (considéré comme) très con. Alors les banques en profitent.

C’est pour cela que j’ai tenu à nuancer ce qu’a dit Jdch sur son blogue.

 
At 12:02 PM, mai 14, 2007, Anonymous Anonyme a dit...

Encore une fois bravo pour cette belle prise de position.

Cette habitude de nos politiques de défendre des monopoles inefficaces et injustifiables au nom de la défense du "modèle français" est absolument insupportable.

Je ne comprends pas qu'on défende encore de tels archaïsmes. Laissons les consommateurs choisir. Je parie qu'ils seront nombreux à aller voir ailleurs, comme cela a été le cas après la fin du monopole de France Télécom ou d'Air France. Et personne ne s'en plaint aujourd'hui ;)

 

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