26 mars 2007
par JDCh


La dictature du court terme













Je suis convié ce jeudi au 8° colloque international des anciens élèves de l'ENA, d'HEC et de Polytechnique qui se tient à Bercy au Minefi (cf communiqué de presse)et qui a pour titre "Acteurs publics et entreprises face à la dictature du court terme". Après réflexion et bien qu'ayant participé au précédent l'an dernier qui s'intitulait "Le capitalisme a-t-il un avenir ?", j'ai décidé ne me pas m'y rendre, de bouder les petits fours de Mr Breton et de ne pas serrer la main des anciens camarades que je n'aurais pas manqué de croiser en ce lieu illustre de la technocratie franco-gauloise (le colloque n'a, en fait, pas grand chose d'un colloque international !). Pourquoi ?

L'idée de réunir le "regard économique" des HEC, celui "plus étatique" des Enarques et de faire des polytechniciens le "trait d'union" entre économie et politique est en soit sympathique même s'il participe de notre élitisme maladif dont les conséquences confinent plus souvent au conservatisme qu'au dynamisme. Je me serais donc sans doute rendu sur les bords de Seine si l'intitulé de ce rassemblement avait ressemblé à "France: le nécessaire sursaut" ou "Réformer: il y a enfin urgence" ou "Pour une France dans le tempo de l'économie mondialisée" ou équivalent... Tel n'est pas l'agenda.

Ce petit monde pose la question de l'accélération du temps économique pour les entreprises, de la multiplication des pressions et contraintes de toutes sortes qui pèsent sur leurs dirigeants et, implicitement, semble vouloir démontrer qu'il existerait une autre façon de faire, empreint d'un rythme plus serein comme détaché du monde dans lequel nous sommes immergés... Implicitement toujours, notre "élite" semble dispenser le message que tout cela va trop vite mais qu'elle est suffisamment intelligente pour élaborer des scénarios alternatifs... Nous souhaitons participer aux Jeux Olympiques économiques mais nous ne participerons qu'à l'épreuve de marche à pied, l'épreuve reine du sprint n'est pas pour nous ! D'ailleurs, c'est connu, les sprinters sont dopés et nous sommes contre le dopage !

C'est sans doute la pression trimestrielle des résultats qui fait des grandes sociétés leaders ce qu'elles sont et c'est sûrement cette impatience à aller vite, à capturer un marché, à saisir une opportunité qui a permis à des entreprises comme Cisco ou Google de passer de quelques années du statut de startup à celui de multinationale leader mondial incontesté... Heureusement que les dirigeants d'entreprises et les entrepreneurs Français n'ont pas jeté l'éponge et acceptent cette fameuse "dictature du court terme" qui impose certes de très nombreux changements et contraintes mais qui offre également de très nombreuses opportunités de création de valeur.

Par ailleurs, si l'on regarde les enjeux moyen-long terme, car il y en a, et il ne s'agit pas ici de les nier. Sommes-nous réellement meilleurs ? Malheureusement, non.

Les enjeux environnementaux qui sont maintenant et heureusement reconnus n'ont pas été mieux adressés par la France que par ses voisins ou partenaires économiques. Le choix du nucléaire, il y a trente ans, n'avait pas d'objectif écologique ((au contraire...) même si aujourd'hui il a sans doute des bénéfices en terme d'émission de CO2... La première voiture Française hybride sortira après ses équivalentes Américaines, notre industrie photovoltaïque est nulle part quand on la compare à son homologue Allemande... On pourrait sans doute multiplier les exemples de retards ou domaines d'inaction. Bref, nous avons "causé" et débattu mais nous n'avons pas fait grand chose...

Les enjeux liés à l'éducation et la formation, pourtant totalement décisifs pour l'avenir de notre économie et de notre pays, n'ont pas été adressés non plus. Aucun ministre de l'Education ou de l'Enseignement Supérieur n'a su insuffler le moindre changement dans notre système depuis que M. Devaquet s'y était essayé il y a plus de vingt ans... Nous avons fait dans l'incantation et l'imprécation, toujours pas dans l'action...

Les enjeux démographiques pourtant très facilement anticipables restent non traités: tout le monde sait que les réformes Balladur puis Fillon de nos systèmes de retraites (et c'est vrai plus largement pour l'ensemble de notre système social) ne sont que des premiers pas obligeant à remettre le sujet d'une véritable et inévitable réforme à plus tard mais dans pas longtemps...

Le sport national de cette élite de la pensée unique permet de conjuguer moratoire et procrastination, démagogie et clientélisme, intellectualisme et immobilisme... Voilà pourquoi je n'irai pas à Bercy demain !

Ce "post" sera donc mon appel du 28 mars 2007: "Messieurs, réveillez-vous, the clock is ticking ! Il est urgent de nous bouger les f...".



4 Comments:

At 2:35 AM, mars 29, 2007, Anonymous Anonyme a dit...

Procrastiner, magnifique verbe à bafouilles : on craint le succès, on est perfectionniste dans les mots. "Wait and see". ;)

 
At 7:45 PM, mars 29, 2007, Anonymous Anonyme a dit...

Intellectuellement tu as raison JD de ne pas y aller. (Pourtant en observateur sociologique, ça doit être croquignolet et succulent.)

Intellectuellement inutile. Encore un sujet secondaire qui tourne soigneusement autour du pot qui est de donner de l'air aux entreprises et plus généralement aux Français (encore que la majorité ait très peur de s'enrhumer. Elle a en gros pour le moment les dirigeants qu'elle souhaite.)
Donner de l'air en jettant sur le tas de fumier à grandes fourchées de la fiscalité et de la réglementation.

Mais attention JD sur les enjeux. Tu trempes un orteil dans une eau douteuse. Plus qu'un orteil peut être si tu penses comme tu le dis :
"Les enjeux liés à l'éducation et la formation, pourtant totalement décisifs pour l'avenir de notre économie et de notre pays, n'ont pas été adressés non plus."

Totalement décisifs? Non!!!

Au risque de me répéter : Non!!!
Tu tombes dans le même piège et le même bourbier que les gens que tu critiques à juste titre.
La suite implicite est immédiate : Il faut que la "société" - l'État - s'en occuppe avec détermination, courage, urgence ...
Non! Non! Non!
La santé, l'éducation, la recherche et autres sont importantes mais pas décisives.
Elles viennent aprés.
Après quoi?
Après le développement. Voir l'histoire du développement de l'Europe Occidentale après 1750,
la révolution industrielle, et les progrès qui ont ensuite - ensuite! - suivi pour la santé. la recherche, l'éducation.
Voir a contrario le sort des pays communistes, de Cuba de la Corée du Nord qui ont éduqué et éduquent, recherchent, soignent (hum! pour la Corée du Nord).
Bien sûr il y a du feed back. Mais avant le back, il faut du feed. Et ce feed est permis par la liberté. Liberté d'entreprendre et de conserver une très grande partie des moyens gagnés.
Tous les enjeux de ce genre déclarés décisifs et prioritaires ne le sont pas. Ils sont secondaires et postérieurs. Les invocations aux dieux de l'éducation, de la recherche, de la
santé et les offrandes qu'on leur fait (le plus de moyens dont on peut constater l'efficacité) sont l'équivalent dans nos sociétés du culte du cargo ou du parapluie ouvert pour faire pleuvoir.

L'immense majorité des économistes orthodoxes contemporains quand ils subodorent une causalité se plantent faute de réflexion théorique et d'observation historique sur le sens de la causalité. Ils concluent que la charrue pousse les boeufs. La corrélation est excellente.
Ne tombe pas dans le même travers.

À propos d'éducation une perle informative relevée dans le blog de Jacques Attali.

"Une récente étude du CEREQ et plusieurs livres l’établissent : Un tiers de la classe moyenne vit aujourd’hui moins bien que la génération précédente ; les deux tiers des nouveaux entrants sur le marché du travail ont un emploi inférieur à leur qualification ; alors que 70% des bacheliers devenaient des cadres en 1960, ils ne sont plus que 25% aujourd’hui ; à l’âge de 42 ans, 25% des enfants de cadres ne l’est pas , contre seulement 18% il y a dix ans. Voici venir le temps des diplômés précaires. Plus encore, la moitié de la population se considère comme déclassée ou en voie de l’être.
Pour tous ceux là, et pour ceux qui s’inquiètent de les rejoindre, le contrat social n’est plus respecté; ils en veulent à leurs parents de les avoir poussés à faire des études inutiles, de ne leurs laisser que des dettes et des infrastructures sociales, éducatives, environnementales et politiques, délabrées. Ils ne veulent ni de la mondialisation ni de l’assistance ; ils souhaitent seulement que la société reconnaisse la valeur des diplômes qu’elle les a forcés à acquérir. j attali 14mars07"

Informative, elle illustre ce que je te dis plus haut. Indépendamment d'une discussion sur une quelconque valeur des diplômes et des gens qui les ont, elle montre que si on arrive à former tous les jeunes au niveau bac plus huit (une super éducation nationale super performante) et que les emplois restent les mêmes du fait du verrouillage réglementaire et fiscal, chauffeurs d'autobus et caissières seront des bac plus huit.

Informative encore quand elle te dépeins l'état d'esprit de toute une population, état d'esprit entretenu par des "penseurs" comme JA. Une population surenseignée et mal orientée.

Ce n'est pas avec elle que l'on peut aborder un progrès dans la "dictature du court terme"

Ce ne sont pas les gens qui les ont formés à l'Éducation Nationale qui pourraient prendre le virage d'une éducation super performante pour faire enfin marcher somptueusement une Union Soviétique française super performante. Y crois-tu vraiment?

Perle, en ce qu'elle illustre bien la façon de faire et de dire de JA. Cet homme est tellement intelligent qu'il arrive à dire deux bêtises dans une même phrase (pas ici, c'est plus long) alors qu'il faut un bon paragraphe à des X plus ordinaires. De bonne foi ou de
mauvaise foi? C'est selon. Je l'ai vu dans les deux registres.
Il a un message à faire passer. Tu devines lequel. Tu noteras qu'il se garde de faire la comparaison de la proportion de bacheliers à la population générale en 1960 et aujourd'hui.
La dernière phrase est magnifique et le resterait même s'il n'y avait pas "seulement".


Le bonsoir de Raoul
A+

 
At 8:09 PM, mars 29, 2007, Blogger JDCh a dit...

@Raoul

dont acte sur le "feed" qui doit précèder le "back".

Mon propos voulait simplement mettre en avant le fait que l'on décrie le court terme et on appelle à une vision moyen-long terme sans être capable de prendre la moindre décision ou de mettre en oeuvre ou d'anticiper le moindre changement sur des sujets réputés long terme...

Une parodie de "il est urgent d'attendre" en quelque sorte...

 
At 11:12 AM, mars 30, 2007, Anonymous Anonyme a dit...

Ya dla meuf à ce genre de sauterie ?

 

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