Des quinquas ou la caisse
- les salariés du secteur public ont bénéficié depuis la seconde guerre mondiale de durée de cotisations écourtées et de conditions de départ à la retraite vers 55 ans (voire 50). La réforme Fillon de 2003 et celle, en cours, des régimes spéciaux corrigeront sans doute marginalement cette statistique;
- les grandes entreprises victimes des différentes crises ou périodes difficiles ont abusé depuis le milieu des années 70 des départs en pré-retraite. Elles y étaient encouragées car on y voyait un moyen de ne pas gonfler les chiffres du chômage puisqu'un pré-retraité n'est pas un chômeur;
- la loi Delalande de 1987 avait institué une sur-cotisation astronomique (jusqu'à plusieurs années de salaire) sur tout licenciement de salarié de plus de 50 ans. Cet espèce de couperet a poussé depuis 20 ans les directions des ressources humaines à favoriser les licenciements individuels des personnels posant un problème d'employabilité dès 45 ans et surtout à quasiment interdire toute embauche au delà de 50 ans afin d'éviter la fameuse contribution Delalande (qui, depuis, a été allégée ou supprimée dans de nombreux cas mais qui reste un épouvantail bien ancré dans la tête des employeurs et des conseillers prud'hommaux);
- la tertiarisation de l'économie a favorisé l'émergence de modèle de gestion des ressources humaines de type "up or out". Ce modèle est dû au fait que, dans une entreprise de services, la masse salariale représente souvent près de 75% du chiffres d'affaires et, qu'à moins que le salarié accède à des fonctions d'encadrement ou d'expertise, il est plus rentable de le remplacer par un salarié plus jeune et moins payé dans les mêmes fonctions... La masse salariale étant sous haute surveillance, ce "turn-over" est la seule façon de maintenir un salaire moyen compatible des exigences de prix ou de rentabilité de l'entreprise de services;
- la digitalisation de l'économie a totalement fait évoluer certains postes et de jeunes salariés ayant grandi dans un univers informatisé se sont retrouvés, d'un coup, bien plus opérationnels et adaptables que des salariés plus âgés regrettant de voir leurs compétences devenues totalement obsolètes et ayant des difficultés à acquérir des compétences nouvelles correspondant souvent à 2 sauts technologiques (exemple: de l'électromécanique au numérique sans passer par la case électronique);
- la globalisation (ou mondialisation) a créé un effet d'accélérateur sur le besoin d'innovation par les pays occidentaux et ces innovations ont, en général, été portées par des entreprises (ou des entités au sein d'entreprises plus grandes) composées de salariés jeunes, créatifs et peu attachés à des grades, des statuts et autres fonctionnement traditionnels de l'entreprise. Les quinquas (et plus âgés) se sont retrouvés brutalement "ringardisés" à la fois par l'obsolescence de leurs compétences mais également par leur conception du travail et leurs comportements conservateurs au sein de l'entreprise... En outre, une autre conséquence de la mondialisation a été l'adoption comme langue de travail de l'anglais dans de nombreuses entreprises multi-nationales (grandes et petites) sachant qu'il n'est pas facile d'apprendre l'anglais à 50 ans et plus...
- l'ensemble des raisons précédentes a été amplifié par le phénomène démographique qui fait que les baby-boomers (dont je fais partie) ont aujourd'hui entre 40 ans et 65 ans et qu'ils prennent 1 an tous les ans...
La différence entre la France et ses voisins Européens touchés, comme elle, par les phénomènes de tertiarisation, digitalisation et mondialisation de l'économie est significative et ne peut s'expliquer que par des éléments structurels ou culturels que l'on peut lister comme suit:
- L'importance relative des effectifs du secteur public par rapport à l'ensemble des travailleurs-salariés;
- La fameuse contribution Delalande (et ses équivalents) très représentative de notre Etat-castrateur que je dénonce à longueur de "posts"...
- L'inclusion dans les coûts salariaux des couvertures santé, retraite, chômage, prévoyance, famille... qui représentent environ 47% de la masse salariale, qui sont globalement proportionnels aux salaires nets et qui ont rendu les managers Français hyper-sensibles aux coûts salariaux;
- L'absence de culture économico-réaliste qui consisterait à reconnaître que le salarié doit avoir une courbe de rémunération en cloche avec un pic autour de la quarantaine et un atterrissage en douceur durant la cinquantaine: au regard du droit du travail Français, ceci ne peut se gérer qu'au travers de l'utilisation massive de rémunérations variables à fort écart-type aujourd'hui réservées à quelques petites populations de salariés bien rémunérés.
- Une faible mobilité, un goût du risque plus que modéré, une culture désastreuse de l'échec, une confiance encore aveugle dans l'Etat-providence expliquent l'important reliquat: mieux vaut être chômeur ou pré-retraité à 53 ans que de se lancer dans quelque chose de risqué (monter son business) ou de moins rémunéré avouant ainsi un échec que l'on préfère ignorer en n'essayant pas rebondir...
Les mauvaises solutions sont nombreuses:
- Le gouvernement Villepin avait lancé le "CDD senior" qui a fait un "flop" monumental: l'idée était qu'en rajoutant un "286ème" type de contrat de travail, les entreprises rassurées sur la "séparabilité" allait embaucher des seniors pour des périodes à durée déterminée... On recense, à l'échelle nationale, quelques dizaines de contrats signés de ce type !
- Le sénateur About, lui, a préféré une sanction nouvelle de 5000 euros annuels par senior manquant dans les entreprises de plus de 250 salariés en fixant arbitrairement à 8% le "taux de vieux" dans ces mêmes entreprises !
Les bonnes solutions correspondent, elles, à des réformes structurelles lourdes:
- Un contrat de travail unique rendant le licenciement individuel très faiblement coûteux pour l'entreprise et ce, quelque soit l'âge du dit salarié (âge ne voulant pas dire ancienneté ici) et autorisant une vraie flexibilité sur la rémunération (possibilité de baisser le salaire fixe et de le remplacer par un salaire variable);
- Un niveau de charges sociales à la baisse et ce, de façon durable, rendant les employeurs confiants sur leur maîtrise des coûts salariaux. Pourquoi pas des mesures incitatives accélérant cette baisse des charges sociales dans le cas où l'entreprise crée des emplois (en net) ?
- Un cumul autorisé et fortement incitatif des allocations chômage ou de retraite/pré-retraite avec un emploi à salaire plus faible ou à temps partiel...
- etc...
Monsieur le Sénateur About des Yvelines, j'espère que vos camarades députés annuleront votre amendement consistant à "taxer" une fois encore les entreprises de ce pays qui ont pour objectif principal de survivre et de se développer... et non d'échapper à vos nombreuses "sanctions taxatrices".
Vous raisonnez à l'envers, vous n'êtes malheureusement pas le seul, nous devons à des gens comme vous et comme le député Delalande de longues années de déclin et d'errance politico-économique...
Please stop your show About nothing !
PS: Imaginez le patron d'une société Américaine (ou autre) qui envisage d'établir une filiale en France et qui apprend que, prochainement, dans ce pays unique au monde, il lui faudra payer des charges à chaque attribution de stock options et, grâce à vous, une taxe de 5000 € par senior manquant. Nul doute que le charme de Montmartre ou de Notre-Dame aurait peu d'effet sur sa motivation !
2 Comments:
merci pour cet article très complet...nous avons décidemment du mal à nous sortir du modèle de l'Etat providence qui gère tout, et des entreprises qui servent à payer ces politiques irréalistes.
à bientôt !
Dans le même genre d'aberrations qui reviennent au goût du jour : l'égalité salariale...
Enregistrer un commentaire