09 février 2008
par JDCh


La belle Christine

Cela fait un certain temps que j'avais envie de "poster" sur la "belle Christine". Pas celle qui a bercé le 20 heures de notre adolescence et que l'on revoit encore sur France 3 le dimanche soir mais plutôt celle qui est notre actuelle Ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

Les rumeurs démenties de sa démission cette semaine sont une bonne occasion de parler un peu d'elle...

Cette femme élégante au beau sourire est la plus Américaine des Françaises. Elle a travaillé 25 ans pour le cabinet d'avocat Baker & McEnzie dont elle a été la Présidente de 1999 à 2004. Elle a appris, dans cette période, à beaucoup travailler, à rentrer rapidement dans des dossiers compliqués, à négocier élégamment pour le compte de ses clients et elle a baigné dans un environnement international lui permettant à la fois d'être à l'aise partout sur la planête tout en étant soucieuse des différences "culturelles" que son parcours lui a forcément fait toucher du doigt.

Lorsqu'elle devint Ministre du Commerce Extérieur (étonnament soutenue par un Chirac vieillissant et de plus en plus navrant), sa nomination relevait de l'excellent casting. J'ai, à cette époque, entendu la ministre s'exprimer sur les négociations au sein de l'OMC: elle était extrêmement pédagogue et semblait dominer parfaitement ce dossier complexe. De façon générale, dans une économie globalisée, dans une France de plus en plus dépendante de décisions Européennes et dans un contexte où la France, nostalgique de son passé glorieux, paraît souvent ridicule à l'extérieur, avoir une ministre parfaitement bilingue (et comprenant la culture anglo-saxonne) était un atout évident (ndr: je ne sais pas si l'onctueux Michel Barnier, actuel ministre l'agriculture et ancien commissaire Européen s'est mis à parler la langue de Shakespeare. En tout cas, son incapacité passée a pendant longtemps fait bien rire le "tout-Bruxelles").

Sarko élu, la belle Christine se voit attribuer pour un mois l'agriculture et la pêche. Elle aurait, si cela avait du continuer, fait sans doute un excellent "job" pour trouver à Bruxelles les bons compromis défendant les intérêts de nos agriculteurs ou marin-pêcheurs sans pour autant ringardiser plus avant les positions de notre "pays de tradition" qui a peur de tous les changements et qui semble trouver normal que 50% des dépenses du budget Européen soient consacrés à l'agriculture...

Après le début de mission catastrophique du fièvreux Borloo à l'Economie et les législatives de juin 2007 (cf Les 22 de Sarko et Un coup de Juppé dans l'eau), elle est propulsée à Bercy dans le grand bureau d'angle où jamais une femme n'avait, pour l'instant, été titulaire du fauteuil...

Avocate habituée à défendre avec intelligence et tenacité ses clients et non forcément à être celle qui donne la direction, celle qui a tenté plusieurs fois sans succès dans sa jeunesse d'intégrer l'ENA, se trouve confrontée à la "Bercytocratie" experte en réglements compliqués, en mesurettes politiquement correctes mais inefficaces économiquement et fort habile pour défendre à son corps défendant toute véritable transformation de notre pays affaiblissant le tout puissant Etat Colbertiste qui l'a engendré et lui donne des pouvoirs exorbitants...

Pendant presque 8 mois, elle doit également, telle une girouette de bord de mer, essayer de suivre notre vibrionnant Président un jour libéral, un jour étatiste, un jour apôtre du vrai changement, un jour ardent défendeur d'une réformette marginale... La période n'a pas été facile et le fait qu'elle ait souhaité, la semaine dernière, démissionner est plus que plausible. Quand on connaît, en plus, les croches-pattes que le vénéneux et néanmoins talentueux Xavier Bertrand, ministre du travail a tenté de lui faire pour "avoir au moins Bercy si Matignon lui est refusé", on comprend que la vie quotidienne de la belle Christine n'est pas tout à fait celle qu'elle souhaitait.

"Christine, attendez les élections municipales et le remaniement" a du lui demander François Fillon. Bonne fille, elle a accepté et démenti les rumeurs...

La morale de cette histoire est triste: une ministre de l'économie talentueuse et motivée, qui sait dans quel monde nous vivons mais qui n'est issue ni du sérail technocratique ni des partis politiques ne peut pas être le commandant en chef de Bercy. La mutinerie arriverait tôt ou tard et, encore plus vite, si l'Empereur de l'Elysée se laisse à nouveau tenter par l'interventionnisme, l'étatisme et la démagogie qui ont conduit depuis 25 ans notre pays au déclin qu'il connaît.

La belle Christine ne sera pas sélectionnée dans les 22 du gouvernement Sarko 3... Triste, non ?

Rédacteur Agoravox



6 Comments:

At 12:16 PM, février 10, 2008, Anonymous Anonyme a dit...

Un ministre peut il être seulement bon avec un CEO aussi inconstant et incohérent ?

Ses difficultés sont elles liées à sa méconnaissance de l'énarchie ou à l'incapacité du meilleur des cadres de réaliser un bon boulot quand les directives du président confinent au n'importe quoi ?

Quoiqu'il en soit, vous avez raison: la mauvaise politique tend à chasser la bonne...

 
At 3:58 PM, février 10, 2008, Anonymous Anonyme a dit...

je vote pour une suppression de l'ENA... vous verrez tout ira mieux
Un Barak Obama (dont je ne suis pas specialement "fan") n'aurait aucune chance en France... mais aucune, un John McCain Non plus.
Nicolas Sarkozy est tres decevant mais il a eu au moins le courage de placer au gouvernement des non enarques des banlieusards (ah l'insulte supreme des financiers parisiens, je pourrai en temoigner)...des gens differents. ce sont les rouages administrativo enarques qui bloquent...
dans mon entourage professionnel je travaille avec des enarques et je peux temoigner de leur manque de lucidite...
Christine a tout interet a retourner aux US ou a Londres... vite fuyons ce pays...

 
At 11:22 PM, février 11, 2008, Anonymous Anonyme a dit...

C'est effectivement très triste et cela prouve notre incapacité à travailler avec des profils non préformatés selon les canons enartocratiques...!

Alors que les USA savent s'enrichir de toutes les formes de pensées venues de toutes les cultures, de tous les horizons avec le très bel exemple de Sergey Mikhaïlovitch Brin, né à Moscou et émigrant en 1979, devenu cofondateur de Google et aujourd'hui multimilliardaire en dollars, nous nous faisons de l'allergie aigu...!

Nos beaux esprits préformatés trouveront-ils de quoi faire éviter l'échouage du bateau France qui n'en finit pas de dériver au gré des économies et finances mondialisées...?

Paul Chemetov, architecte bâtisseur du paquebot Bercy, amarré un pied dans la Seine (ce qui lui a couté quelques frayeurs au passage avec le glissement des fondations et les éboulements de façade sur les quais), nous faisait visiter son bâtiment avec délectation, à nous jeunes étudiants d'architecture, tout enfiévré de cette colossale oeuvre!

En fait c'est un colosse au pied d'argile qui s'enfonce lentement mais inexorablement et dans ses soutes rament beaucoup de soutiers dans l'espoir que le bateau ivre reprendra les flots.

En parcourant le bâtiment dans ses kilomètres de couloirs je frémissais déjà à l'idée de ce futur cercueil pompeux de nos finances publiques...!

Bien triste vision prémonitoire d'alors...!

 
At 10:50 AM, février 13, 2008, Anonymous Anonyme a dit...

anonyme: supprimer l'ena, d'accord, et après?

Comment formera t-on nos préfets, nos magistrats administratifs, nos membres du conseil d'état, nos diplomates,...?

L'ena a formé depuis 50ans qu'elle existe des fonctionnaires ayant une très bonne formation (et qui sont d'ailleurs également recherchés dans le privé: de nombreux conseillers d'état et magistrats administratifs deviennent avocats ou avocats au conseil,...)

 
At 2:03 PM, février 28, 2008, Blogger Unknown a dit...

touchante naiveté gigogne kerri

comment pouvait-on vivre avant l'ena?
comment pourra-t-on vivre après?
comment ferons les avocats et avocats conseils sans la connaissance de la perversité engendrée par leur famille, sans le carnet d'adresse des condisciples restés en place?

 
At 12:28 PM, mars 23, 2008, Anonymous Anonyme a dit...

Avant l'ena? on avait des concours différenciées par ministère pour intégrer la haute fonction publique, puis des formation différentes.
L'ena a harmonisé tout cela, et d'une certaine manière l'a rendu plus transparente. En outre, le concours commun permet à ceux qui souhaitent intégrer la haute fonction public de le préparer facilement: L'ena recrute il me semble une quarantaine de fonctionnaires via le concours externe par an, mettons que cela représente 2 personnes par ministères. Pour augmenter ses chances, un candidat préparerait plusieurs concours, avec des épreuves différentes, certains pourraient tomber à la même date,... ce qui fait qu'il ne pourra pas préparer aussi bien tous ses concours qu'un seul. Déja qu'avec l'ena d'autres concours d'accès à la haute fonction publique existent (comme conseiller cadre orient au mae par exemple).


Ah oui, et j'ai marqué "avocats aux conseils" pas "avocat-conseils" (et ça n'a rien à voir.)

 

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