27 septembre 2008
par JDCh


Wall Street and/or Main Street

Depuis que j'ai accepté de partir en Californie pour m'occuper de notre bureau à Menlo Park, les agitations de Sarkespresso ne m'ont plus passionné du tout et je me suis retrouvé en panne de "blogging"...

Me voilà, depuis une semaine, suivant la fameuse affaire du "700 b$ bailout" sur CNN ou MSNBC, et en voilà une affaire qui est compliquée et intéressante... Le climat économique des prochaines années aux Etats-Unis, en Europe et sans doute sur la planète entière dépend, en effet, pour beaucoup de sa mise en oeuvre...

Rappelons qu'après le "Lehman Brothers Monday" qui a vu cet emblème de Wall Street se placer sous le régime des faillites ("chapter 11") vint le "Crazy Friday" où les bourses du monde entier prirent 10% suite à l'annonce par le secrétaire au trésor Américain Mr Paulson de lancer une structure de défaisance ("bailout") dotée de 700 milliards de dollars pour débarrasser les institutions financières de leurs mauvais "assets".

Rappelons également que ce plan doit être défini et lancé à 8 semaines de l'élection du successeur de George W. Bush et que les 2 candidats Obama et McCain ne peuvent rester silencieux sur ce sujet qui pèse 2 fois le budget annuel de l'Etat Français ! Leurs premières réactions furent plus que pathétiques. McCain rappela à raison que ce serait le contribuable qui paierait. Quelle perspicacité ! Obama appela à ce que les PDGs des institutions financières bénéficiant de ces ventes de "bad assets" prennent l'engagement de limiter leur rémunérations. Fondamental !

Les jours suivant le débat prit un tour plus profond posant 2 questions fondamentales: 1) A quel prix racheter ces fameux "assets" ? 2) Est-ce que ce plan aide Mr Smith qui n'arrive pas à payer ses mensualités et va se faire saisir ("foreclosure") sa maison.

La première question soulève le point, en fait pas si fondamental que cela, de savoir si on fait un cadeau aux gars de Wall Street: exemple, ils ont provisionné à 10% de leurs valeurs toutes les MBS ("Mortgage Based Securities") plus ou moins infestées de "subprime", on leur rachète à 20% de leur valeur et il s'avère dans 5 ans que le taux de défaillance n'est "que" de 50%. On a fait un cadeau de 100% de la "book value" aux banquiers mais l'état fédéral réalise un 2.5x la mise en 5 ans. Est-ce juste ? Injuste ? Dur à dire...

Est-ce que ça résout le problème de Mr Smith ? Absolument pas...

C'est là que, ironie du sort, le capitalisme vient au secours du capitalisme au bord de l'infarctus. Une réflexion sur les mécanismes utilisés lors de LBO ("Leverage Buy-Out") lorsque la société sous LBO n'arrive pas payer la dette qui a permis partiellement de la racheter amène une piste qui servira certainement de base au "bailout plan"...

Imaginons que Mr Smith ait emprunté $160k pour acheter sa maison, il lui reste $150k de capital à rembourser et sa maison est évaluée, à ce jour, à $100k. La solution par défaut est: 1) la banque saisit la maison et essaie de la vendre dans un marché où les maisons à vendre pullulent et où les prix sont en chute libre 2) Mr Smith se déclare en faillite personnelle car incapable de rembourser les $50k (plus pénalité) qui manquent. Du Zola avec un giga Z... car il y a plein de Mr Smith...

La solution "capitaliste" à cette solution est d'évaluer la véritable capacité d'endettement de Mr Smith, disons $90k qui lui permettent de refinancer partiellement son prêt et de lui laisser sa maison mais de faire qu'il en devienne un actionnaire. Le prêteur, à qui il doit $60k, en est le co-actionnaire. Mr Smith a 90/150 soit 60% de la maison, le prêteur 60/150 soit 40%. Le prêteur a récupéré 90 (cash) + 40% x 100 (part de la maison) = 130 sur les 150 initialement dûs (ce qui est loin des 90% de discount) et Mr Smith habite toujours dans "sa" maison. Le jour où Mr Smith vend, il touchera 60% du prix ce qui devrait couvrir le restant à payer de son prêt (qui aura diminué) surtout si, après le "krach" immobilier, le marché rebondit...

Non seulement le modèle est assez malin et permet de limiter de façon significative 50-80% (selon les experts) le nombre de "foreclosures" et le nombre de Mr Smith en faillite personnelle mais aussi, les prêteurs s'aperçoivent qu'ils ont perdu moins que provisionné et surtout, leur "actions" dans les maisons ont un prix pour que la structure de défaisance les lui rachète.
Que vaut 40% d'une maison évaluée à $100k ? $40k plus un "chouïa" correspondant à une option sur éventuelle plus-value en cas de remontée du marché immobilier. La taille du "chouïa" sera ou non un cadeau à Wall Street mais restera un "chouïa"...

Ouf ! on est sauvé. On a la solution de principe. Reste à la mettre en oeuvre...
Et ça, c'est un "huge plan" discuté au Capitole en ce moment...