27 juillet 2007
par JDCh


Nano-bang fiscal (partie 2)

Suite de la partie 1...

Partie 2: défiscalisation (et allégements de charges sociales) des heures supplémentaires

Comme promis, mon "post" hebdomadaire sera consacré à la défiscalisation (et aux allégements de charges sociales) des heures supplémentaires. Il s'agit théoriquement de la mesure phare de notre Président illustrative du thème de campagne "Travaillez plus pour gagner plus" lui-même reposant sur l'hypothèse parfaitement exacte que c'est le travail qui génère de la croissance (et non le contraire comme une grande partie de la gauche Française semble encore croire). J'avais, d'ailleurs, en décembre dernier "posté" sur ce thème (cf L'emploi crée la croissance...).

Dans mon colissimo fiscal post-nomination du premier gouvernement Fillon, j'étais d'ailleurs plein d'espoir sur ce thème. Je ne pensais pas, il y a 2 mois, que cette mesure allait changer la face du monde mais la façon dont elle avait été intitulée par le candidat Sarko, laissait entrevoir une flexibilité et un "incentive" économique pour les entreprises qui me paraissaient de bon aloi...
En résumé, si les conditions suivantes étaient réunies:
  1. le salarié, du fait de la majoration du taux horaire, des allégements de charges sociales salariales et de la défiscalisation des heures supplémentaires, voit une opportunité attractive de gagner plus

  2. l'employeur, du fait de l'allégement des charges sociales patronales, voit une opportunité de "produire" plus à un coût horaire économique (moins cher qu'aujourd'hui) et dans un modèle motivant pour ses collaborateurs
alors la mesure est "win-win", les employeurs vont avoir envie de demander des heures supplémentaires à leurs salariés et ceux-ci vont être motivés pour les effectuer.

Le projet de loi est bien évidemment une usine à gaz. Le document le plus explicite que j'ai trouvé qui permet d'appréhender le texte de loi est le rapport de Philippe Marini au nom de la commission des finances du Sénat. La conclusion que j'en tire est assez simple: la condition 1 est remplie, la condition 2 ne l'est pas. On va donc créer une situation par laquelle la motivation des employeurs a demander des heures supplémentaires ne va pas augmenter mais où les bénéfices de celles-ci sont, le cas échéant, très favorables aux salariés. Si on lit entre les lignes de la prose cryptique de nos technocrates préférés, tout a été fait pour que le Président tienne globalement sa promesse mais pour que les choses ne changent pas trop et que donc le coût fiscal et social de cette mesure soit maîtrisé. Tactique classique de Bercy dont on connaît à l'avance le résultat... On vote une loi coûteuse pour les finances publiques mais sans effet réel et on parle pendant quelques années de la prochaine loi qui va tout résoudre...

Madame Lagarde a beau parler de 6 milliards de manque à gagner pour l'Etat et les organismes sociaux, on peut penser que ces milliards iront d'abord dans la poche de ceux qui font déjà des heures supplémentaires mais que peu d'entreprises décideront, du fait de ces mesures, de faire effectuer plus d'heures supplémentaires à leur employés. Il s'agit donc d'une loi pour favoriser le pouvoir d'achat des salariés faisant déjà des heures supplémentaires mais pas d'une loi favorisant véritablement la croissance. Explication...
  • les heures supplémentaires sont non soumises à l'Impôt sur le Revenu, profitent d'une exonération de charges salariales quasi-totale (fixée par décret à 21,5% de la rémunération brute et dont le bénéficiaire est le salarié) et ont un taux horaire majoré au minimum de 25% (contre 10% actuellement pour les 4 premières heures dans les entreprises de moins de 20 salariés). Un smicard dans une TPE verra donc passer sa rémunération nette horaire de sa première heure supplémentaire de ~7,30€ à ~10,50€ (soit 44% de plus) et, s'il est imposable sur le revenu (ce qui est peu probable), ne paiera pas d'impôt sur ce revenu additionnel. Normalement, notre travailleur devrait être motivé...

  • les charges salariales bénéficient d'un abattement forfaitaire horaire fixé par décret (1,50€ pour les PME et 0,50€ pour les grandes entreprises) qui ne peut être cumulé avec les abaissements de charges sociales sur les bas salaires en vigueur et les premières heures supplémentaires dans les petites entreprises doivent être majorées de 25% (contre 10% actuellement pour les 4 premières heures). Le coût d'une heure supplémentaire de Smicard serait ainsi de ~13,80€ contre moins de 13,50€(*) actuellement (pour les 4 premières heures) dans une TPE et, pour une plus grande entreprise, de ~14,80€ contre moins de 15,30€(*) aujourd'hui. Bien évidemment, plus le salaire de base est élevé, plus la mesure est défavorable ou non favorable. La seule chose qui peut donc encourager une entreprise à augmenter le nombre d'heures supplémentaires est de se dire que c'est une façon, pour elle, d'améliorer le pouvoir d'achat de ses salariés les plus travailleurs sans, par exemple, augmenter les rémunérations de base.

Je pourrais arrêter là sur cette frustration de voir, encore une fois, nos technocrates gâcher une opportunité de changer la donne et d'influer véritablement et positivement sur les comportements économiques mais le constat serait, sans doute, trop sec.

En effet, si l'on revient à la genèse de cette mesure qui consistait à revenir sur les 35 heures sans revenir sur les 35 heures, on peut résumer la situation à "les 35 heures consistaient à réduire le temps de travail sans baisser les salaires quand cette mesure revient à favoriser l'augmentation du temps de travail sans augmenter les salaires de référence". Peut-être pas totalement inutile...

De plus, si l'on regarde la situation des cadres à la rémunération forfaitaire annuelle (en terme de temps de travail), les entreprises les plus agiles arriveront sans doute à les faire travailler durant les jours de RTT pour le bénéfice fiscal que cela leur amène tout en compensant le surcoût dans la non-augmentation des salaires de base ou en limitant leurs bonus et autres formes de rémunérations variables.

De même et pour ce qui concerne les personnels à temps partiel (pour lequel le législateur a fourbement supprimé l'abattement forfaitaire de 0,50 ou 1,50€), le faible surcoût sur les heures complémentaires (c'est le terme quand on parle de temps partiel) permet à l'employeur de garder une forme de flexibilité tout en améliorant l'ordinaire de ces salariés (souvent les moins bien pourvus) lorsque la charge de travail le justifie.

Il est ainsi évident que si la condition 2 avait été remplie, la mesure aurait eu un vrai impact et sans doute un coût important pour la collectivité à court terme (avant que les bénéfices en terme de croissance ne se fassent sentir) et que la mesure, telle que votée par nos députés, n'aura qu'un effet marginal suivie, peut-être, de quelques bons effets.

Quant aux socialistes qui hurlent à la mort parce que, bien que non fiscalisable, le revenu perçu sous forme d'heures supplémentaires (ou complémentaires) entre dans le revenu de référence donnant ou non lieu à la Prime Pour l'Emploi ou à une exonération partielle ou totale de taxe d'habitation, je réponds que c'est 1000 fois tant mieux: que des gens puissent, en travaillant, gagner plus même si une partie "repart" sous forme de réduction de la PPE ou d'augmentation de la taxe d'habitation.

Je suis même sûr que les gens concernés seront fiers de coûter moins cher à la collectivité ou de participer plus activement à son financement. S'ils ne le sont pas, je les vois encore moins faire des heures supplémentaires !

(*) compte non tenu d'éventuels allégements de charges sur les bas salaires



20 juillet 2007
par JDCh


Nano-bang fiscal (partie 1)

Dès la fin mai, j'avais essayé de commenter la qualité et l'impact des mesures contenues dans le colissimo fiscal du Président Sarkozy. L'Assemblée Nationale a, 7 semaines après, voté toutes les mesures qu'il contient: certaines ont évolué depuis la fin mai. Après avoir rendu hommage à la détermination et rapidité de notre nouveau gouvernement, passons-les en revue pour voir si le "big bang" fiscal annoncé a eu lieu...

Partie 1: Intérêts d'emprunt immobilier pour l'acquisition de la résidence principale:

Au lieu de faire évoluer la feuille d'impôt sur le revenu vers un véritable P&L (compte de résultat) dans lequel on trouve, bien sûr, les revenus mais également des charges déductibles du revenu imposable (emploi à domicile, pension alimentaire, garde d'enfant...) et d'y déduire tout ou partie des intérêts d'emprunt, nos "techno-bercyens" ont encore imaginé un système de réduction d'impôt plafonné en montant et assis indirectement sur le quotient familial... On ne se refait pas...

Pour simplifier:
  • un célibataire pourra déduire de son impôt 750€ par an durant les 5 premières années de son prêt immobilier si celui-ci est supérieur à 130.000 euros: soit une économie de 62,50€ par mois alors que ses mensualités de remboursement sont supérieures à 1.300 € (soit moins de 5%).
  • un couplé marié avec 2 enfants pourra déduire de son impôt 1700€ (1500 + 100€ par enfant) par an durant la même période si son emprunt est supérieur à 290.000 euros: soit une économie de 141€ par mois alors que ses mensualités sont supérieures à 3.050 € (soit moins de 5% à nouveau).

[NDR: Si vous voulez simuler votre cas personnel, vous pouvez utiliser la calculette Empruntis]

On remarque donc que:

  • Le Sarko Day (6/5/7) n'est pas sacralisé puisque la mesure concerne, au moins pour une année, les emprunts contractés depuis 2003;
  • Bercy a considéré comme Cécilio Hollande qu'un célibataire est "riche" à partir de 4000€ de revenu mensuel (puisque l'on peut grosso modo emprunter à hauteur de un tiers de son revenu net mensuel);
  • La mesure est assez favorable aux couples et familles des classes moyennes supérieures (upper middle class) mais, contrairement aux déclarations socialistes et aux écrits de nos médias, pas aux plus riches surtout s'ils sont célibataires;
  • La mesure permet, au maximum, d'augmenter sa capacité d'emprunt de 6.000€ pour un célibataire et de 15.000€ pour un couple avec 3 enfants ce qui est finalement assez marginal quand on voit l'évolution des prix de l'immobilier dans nos grandes villes et notamment la région parisienne.
  • Le ratio déduction d'impôt / remboursement tend vers 8-9% pour les familles empruntant des sommes modestes mais celles-ci n'auront d'autre choix que, soit à acheter en milieu rural (ou en très très lointaine banlieue) pour espèrer profiter à plein de cette ristourne, soit avoir un apport personnel très significatif...

Cette mesure(tte) est-elle un premier pas vers la réforme de l'impôt sur le revenu ? Absolument pas. Avec des plafonds un peu plus bas, on qualifierait cette mesure d'égalitaro-socialiste. Elle s'inscrit dans la plus pure tradition fiscalo-technocratique de notre cher pays. Si politiquement, c'est ce que les Français souhaitent, je ne peux bien évidemment que m'incliner mais permettez-moi de douter de l'impact économique de la mesure.

  • Pour les "riches" (en suivant la définition de Cécilio), la mesure est marginale. Peut-être permettra-t-elle une légère augmentation du budget vacances (ou fringues) mais guère plus !
  • Pour les "classes moyennes non supérieures", peut-être certains seront-ils tentés de passer du statut de locataire à celui de propriétaire mais, si leur budget est vraiment tendu, la question de leur capacité à affronter la sixième année pour laquelle la ristourne disparaît subitement en arrêtera sans doute plus d'un !
  • Pour les "plus démunis" qui ne paient pas d'impôt sur le revenu dans leur immense majorité et qui n'ont, en général, pas (ou fort peu) d'épargne, le crédit d'impôt associé à la mesure (impôt négatif) pourrait être le bienvenu mais, si l'on regarde leur capacité d'endettement, il faudrait qu'ils puissent devenir propriétaires en empruntant moins de 60.000 euros ce qui ne correspond à rien en terme de réalité de marché !

Sarko nous avait parlé de rupture... Ce n'est pas cette mesure qui pourrait en constituer une. Le terme "coup de pouce fiscal" paraît même presque exagéré ! La mesure coûte tout de même, selon les experts, près de 3.7 milliards d'euros (soit 60€ de dette par Français et par an en plus): une grosse somme donnée principalement en ristourne fiscale à des gens qui ont déjà ou auraient de toute façon contracté un emprunt pour acquérir leur résidence principale.

Non, si l'on avait vraiment envie de transformer les Français en propriétaires et de "booster" le secteur de l'immobilier, on s'y serait pris autrement:

  1. la mesure n'avait eu aucune raison d'être rétroactive (d'ailleurs Mr Woerth l'avait anticipé comme non rétroactive et s'est fait engueulé pour cela !);
  2. on aurait préféré une déduction non plafonnée du revenu imposable d'une grosse partie (50% par exemple) des intérêts d'emprunts à une réduction d'impôt;
  3. on aurait maintenu cette déduction sur toute la vie de l'emprunt constatant que les gens empruntent sur des périodes de plus en plus longues et que le modèle "in fine", dont nos amis allemands sont friands, est le seul permettant de réduire le "gap" entre salaires et prix au mètre carré;
  4. On aurait inscrit cela dans une réforme bien plus large de l'impôt sur le revenu visant à en augmenter l'assiette plutôt que la complexité.
  5. L'augmentation très sensible du nombre de transactions aurait induit une cagnotte fiscale liée aux droits d'enregistrements et le coût net n'aurait pas forcément été tellement plus important...

Mais cela n'était apparemment pas l'objectif de notre nouveau gouvernement....

Prochaine partie (dans les jours qui viennent): les mesures liées à la défiscalisation des heures supplémentaires...

PS: nos députés trop contents de pouvoir "caser" un amendement ont en fait passé un couvrant le cas d'un propriétaire muté professionnellement géographiquement et décidant de mettre en location son bien pour, sans doute, être locataire dans sa nouvelle résidence. Etonnant qu'ils n'aient pas pensé aux dizaines de milliers de gens (bien plus nombreux et problématiques que les "mutés") qui, ayant eu un enfant, sont obligés de "prendre plus grand", qui ne peuvent acheter (vu le prix au mètre carré) et qui mettent leur "petit appartement" en location. Ceux-là auraient eu encore plus besoin d'un amendement leur permettant de conserver la ristourne fiscale ! La règle aurait pu être bien plus simple: un seul bien à la fois et celui qui correspond à la résidence fiscale au 1er janvier suivant la contraction de l'emprunt (ce qui couvrirait également les cas de "rachat de crédit") .



17 juillet 2007
par JDCh


Airbus: un "clash" annonçant le "crash" ? (épisode 10)

Communiqué de EADS le 16 juillet 2007:
  • Rüdiger Grube sera seul Président du Conseil d’administration
  • Louis Gallois sera seul Président Exécutif d’EADS
  • Thomas Enders sera Président d’Airbus
  • Fabrice Brégier sera Directeur Général Délégué d’Airbus


  • Dans le cadre d'un sommet franco-allemand, notre vaillant Président a fait avancer le schmilblick. Finie la double Présidence et les doubles commandes, voici l'ère du sandwich mixte franco-allemand...

    Ceci est sans doute mieux mais avouez que l'on aurait pu aller encore plus loin vers la normalisation de la gouvernance d'EADS. Cela aurait été assez simple: les actionnaires se mettent d'accord sur la composition du conseil d'administration et sur sa présidence tournante et donne délégation au conseil pour nommer le Président Exécutif du groupe...

    Il aurait ainsi appartenu à ce Président Exécutif de nommer son équipe et les dirigeants des principales filiales en tenant bien évidemment compte du fait que le groupe est hispano-franco-allemand et que l'équipe de direction du groupe se doit d'être internationale et représentative de cette diversité.

    On arrive, au contraire, ainsi à la nomination de Thomas Enders, surnommé "Major Tom" en raison de son passé de parachutiste dans l'armée allemande, qui est plutôt un homme de Défense que d'Aviation Civile, en tant que Président d'Airbus. Airbus fait face à de grosses difficultés (2 ans de retard sur l'A380, projet A350 non financé) et aurait sans doute besoin d'un Président ayant déjà fait des restructurations industrielles et agi dans un marché civil et compétitif comme celui d'Airbus... Le couple Enders-Bregier est, d'ailleurs, lui aussi imposé par le concept de hot dog mixte (1 saucisse de Frankfurt, 1 saucisse de Toulouse) et rien ne prouve que les 2 hommes vont former le duo de qualité que la situation impose.

    Cet attelage saura-t-il conduire le vital plan POWER8 ? That is the multi-billion euro question...


    Pour ceux qui n'ont pas suivi les épisodes précédents, cf épisode 9...



    14 juillet 2007
    par JDCh


    Micmac au Gazelec

    Christine Lagarde, remplaçante au pied levé du fiévreux Jean-Louis Borloo, est une femme compétente, séduisante, travailleuse et internationale: elle a, de ce fait, toute ma bienveillance et je lui adresse tous mes voeux de réussite sachant je n'ai pas pu détecter la moindre faute de goût de sa part lors de son passage précédent au Ministère du Commerce Extérieur.

    Madame Lagarde a, sur son bureau, l'héritage du gouvernement précédent pour ce qui concerne la fameuse fusion SUEZ-GDF dont j'avais déjà parlé en Novembre dernier lorsque Monsieur Breton était en charge de cette affaire après avoir fustigé en Février 2006 la façon dont le cavalier de Villepin avait initialisé l'affaire. Notre nouvelle Ministre, ancienne avocate d'affaires aux Etats-Unis, va se retrouver devant un joli conflit d'intérêts auquel sa culture anglo-saxonne ne saurait être indifférente mais, en France, cela fait partie de la politique et elle va, sans doute, devoir s'exécuter... Rappelons les faits et les rumeurs...

    La fusion SUEZ-GDF a été envisagée dès début 2006, en réaction à une éventuelle OPA de l'Italien ENEL sur GDF, sur une base d'échange d'actions: 1 action SUEZ pour 1 action GDF. Sur cette base, l'Etat Français détiendrait 35% du capital de l'entité combinée sachant que l'Etat s'est engagé à conserver une minorité de blocage (33,34%).

    Le problème est que les 2 sociétés sont cotées et que les marchés boursier ont décidé qu'une action SUEZ valait plus (41.80€ à la clôture hier) qu'une action GDF (37€). Pour que l'Etat reste à 35%, il faudrait donc que SUEZ verse un dividende exceptionnel de presque 5 euros par action à ses actionnaires (soit 6 milliards d'euros) ou que soit apporté une somme équivalente par les actionnaires de GDF (80% des actions étant détenues par l'Etat) au moment de la fusion.

    Nos technocrates de Bercy, qui adorent jouer les banquiers d'affaires, ont donc imaginé un scénario créatif:
    • SUEZ se départit avant fusion de sa filiale Belge Distrigaz (dont valeur est estimée à plus de 3 milliards d'euros),
    • La somme récoltée, sans doute bonifiée, est versée en dividende exceptionnel aux actionnaires de SUEZ dont la capitalisation boursière maigrirait mécaniquement de quelques milliards,
    • La dot à faire à GDF pour son mariage avec SUEZ est allégée d'autant.

    Ce "Meccano", pourtant réfuté comme tel par notre Premier Ministre, est élégant puisque, de toute façon, l'entitée combinée SUEZ-GDF aurait dû post-fusion se débarrasser de Distrigaz pour remplir les engagements pris devant la direction de la concurrence de la Commission de Bruxelles. Mais il y a un couac... et ce couac s'appelle EDF lui même détenu à plus de 80% par l'Etat Français: EDF serait l'acquéreur de Distrigaz ! Le voilà mon fameux conflit d'intérêts que je n'ai vu dénoncer nulle part.

    • Si l'Etat Français raisonne en actionnaire principal d'EDF, il privilègierait une cession à bas prix de Distrigaz et, en imposant ce scénario, lèserait potentiellement les actionnaires de SUEZ qui, j'en suis sûr, sauront se défendre via le plus riche des Belges, Monsieur Albert Frere, actionnaire emblématique du groupe SUEZ.

    • L'Etat Français va donc, sans doute, faire fi de l'intérêt des actionnaire d'EDF (qui certes ont fait une bonne affaire en achetant au moment de l'introduction en bourse d'EDF) en favorisant une cession au prix fort de Distrigaz à EDF. Il fera sans doute appel implicitement à leur patriotisme économique !

    Madame Lagarde sait très bien que la situation est celle-ci et elle a donc 3 solutions:

    • Elle rejoint le camp des technocrates sans respect pour l'actionnaire minoritaire d'EDF et sa crédibilité vis à vis du monde des affaires en est affectée;

    • Elle évite que ce scénario soit retenu en permettant à SUEZ de mettre Distrigaz en vente suivant un processus dans lequel EDF doit se battre contre une véritable compétition;

    • Elle met sur la table la situation de "conflit d'intérêts", fait nommer les experts qui vont bien pour valoriser Distrigaz et fait voter les actionnaires d'EDF (l'Etat s'abstenant) en espérant que ceux-ci disent "oui".

    Les deux derniers scénarios sont acceptables. Le premier ne l'est pas du tout à mes yeux.

    A vous de jouer Madame Christine...



    11 juillet 2007
    par JDCh


    Barbichette et video

    Ci-dessous les 3 vidéos constituant une interview que j'ai faite (il y a un certain temps déjà) avec www.capitalsocial.fr

    A part que je me gratte un peu trop souvent la barbichette, je ne crois pas y dire trop de bêtises...

    Merci à l'interviewer qui a un très joli accent du sud et qui pose, sans doute, les questions que se posent les entrepreneurs en recherche de financement.

    Les 2 premières parties sont sur mon "job" et la troisième plus sur mon activité de blogueur.


    partie 1
    envoyé par capitalsocial


    Partie 2
    envoyé par capitalsocial


    Partie 3
    envoyé par capitalsocial



    07 juillet 2007
    par JDCh


    Le CNE est mort... Vive le Contrat Unique ?

    «Dans la lutte contre le chômage, la protection des salariés dans leur emploi semble être un moyen au moins aussi pertinent que les facilités données aux employeurs pour les licencier...", "Il est pour le moins paradoxal d’encourager les embauches en facilitant les licenciements». Telles sont les affirmations de la Cour d'Appel de Paris qui vient de déclarer le Contrat Nouvelle Embauche non conforme à la convention 158 de l'Organisation Internationale du Travail qui stipule qu'un salarié ne peut être licencié sans motif valable et que la durée de la période d'essai doit être fixée à l'avance et avoir une durée raisonnable.

    Ce jugement permet d'envisager un recours pour tout salarié disposant d'un C.N.E (et ils sont plus de 600.000 à en avoir signé un sur les 22 mois d'existence du dit contrat) qui serait licencié durant la période de "consolidation" de 2 ans. Du boulot pour les prud'hommes, des incertitudes pour les patrons d'entreprises de moins de 20 salariés (qui seules peuvent signer de tels contrats de travail), une tension renouvelée dans le rapport employeur-employé... D'une certaine façon, un retour à la case départ. Dommage voire fort dommageable...

    Avant de parler du fond, on remarquera que la Cour d'appel porte un jugement qui ne paraît pas très juridique mais plutôt économique ou, en fait, idéologico-politique. Depuis quand les juges sont-ils en charge de dire l'efficacité économique de la loi ? Ils doivent dire si un contrat est respectée ou s'il est "légal" mais je m'étonne qu'ils puissent se sentir mandatés (et compétents) pour décerner un label d'efficacité de tel ou tel contrat sur la création d'emploi ! Il me semble que l'on pourrait déclarer caduc le jugement de cette cour d'appel tout simplement parce que les commentaires associés à la décision font penser que la décision rendue par ces juges ne s'est visiblement pas simplement appuyé sur l'analyse juridique du cas qui leur était soumis...

    Sur le fond maintenant... le CNE (comme le CPE d'ailleurs) est une initiative qui a tenté de faire d'une pierre deux coups: mettre les employeurs à l'abri des conséquences de ce que l'on appelle une "erreur d'embauche" ET permettre aux entreprises de confirmer la viabilité économique d'un poste créé. Comme il y a 2 objectifs totalement différents, on a autorisé la "non-motivation" du licenciement (qui, en fait, dans 99% des cas, serait soit "on s'est trompé, le gars ne fait pas l'affaire" soit "on a essayé mais, économiquement, il n'est pas raisonnable de maintenir ce poste") et on a fixé une durée de 2 ans que la cour d'appel de Paris a jugé déraisonnable.

    Si l'on étudie d'abord le premier cas générique de l'erreur de "casting", je pense que tout le monde s'accordera pour dire qu'une période d'essai de 1 mois renouvelable une fois est insuffisante pour juger de la qualité du travail de quelqu'un, de son intégration dans l'entreprise et des résultats concrets de cette embauche. Deux mois paraissent donc bien trop courts... Pour avoir pendant quelques années embauché beaucoup d'ingénieurs avec un CDI prévoyant une période d'essai de 3 mois renouvelable une fois, je peux confirmer que 6 mois sont, en général, suffisants pour juger des éléments cités plus haut. Ceci dit, peu d'entreprises présentent un climat social suffisamment serein pour que le manager signataire du CDI puisse en toute transparence convoquer le nouvel embauché au bout de 10 semaines pour lui dire "Paul, tu es arrivé il y a 2 mois et demi... je dois dire que j'ai un doute sur toi et je souhaite renouveler ta période d'essai pour une durée totale de 6 mois". Ce face à face, dans bien cas, est mal vécu (des deux côtés) et est donc évité soit un par un départ pendant la période d'essai, soit par une confirmation tacite (et souvent malencontreuse) de l'embauche en question. Il semblerait donc que la bonne durée "raisonnable" pour une période d'essai soit de l'ordre de 5 à 6 mois (éventuellement prolongeable une fois de 2 à 3 mois).

    Le second cas générique du non maintien du poste créé pour des raisons de viabilité économique est assez différent. La démonstration par l'exemple est sans doute ici la meilleure façon de l'expliquer... Imaginons une entreprise qui a décidé d'attaquer un nouveau secteur géographique ou un nouveau type de clients. Il s'agit d'une entreprise B2B qui vend à d'autres entreprises et pour laquelle les cycles de ventes sont longs (9 mois ou plus). Le patron de cette entreprise peut avoir plusieurs tactiques:
    • il embauche 5 vendeurs avec un contrat précaire dont nous avons le secret en France, n'arrive pas à attirer de bons vendeurs et se plante sur ce nouveau marché;

    • il embauche 2 vendeurs en CDI, arrive à attirer un très bon et un moyen, réussit peu ou prou à démontrer qu'il peut pénétrer ce marché et se pose la question un an plus tard d'en embaucher un troisième...

    • il embauche 5 vendeurs avec un contrat lui permettant de se séparer facilement de ces recrues en fonction de la réalisation de son plan d'affaires. Au bout d'un exercice, il fait le bilan: Le business marche bien, il se sépare du seul vendeur peu performant et en embauche 6 supplémentaires. Le business reste une très bonne cible mais les choses vont plus lentement que prévu, il se sépare des deux vendeurs les moins performants mais maintient les 3 autres chargés de "craquer" le marché. Le business se révèle non viable, il démantèle son équipe de vente sur ce secteur et est obligé de tourner la page...

    Cet exemple, qui n'est pas applicable bien entendu qu'aux forces de ventes, montre, je pense, très bien pourquoi nos PMEs croissent moins vite que leurs homologues Européennes. Le troisième cas aurait été rendu possible par un "CNE non précaire" mais le CNE est aujourd'hui considéré par la majorité des gens comme un contrat précaire (donc refusé par les meilleurs) et par certains juges comme non conforme aux règles internationales... Mon patron de PME n'a donc que le choix entre le cas 1 et le cas 2 donc entre se planter ou développer son business à la vitesse d'une tortue ! En tout état de cause, on voit bien que pour adresser cet enjeu, la période de "consolidation" doit être supérieure à 1 an: 18 mois, 24 mois semblent être des durées "raisonnables".

    Comme je l'ai déjà écrit dans "L'emploi crée la...", la principale raison pour laquelle les employeurs Français sont frileux à embaucher réside dans l'incertitude économique liée aux coûts de licenciements. Les partenaires sociaux sont censés travailler d'ici la fin de l'année sur le "contrat de travail unique" qui, s'il est créé, rendra obsolète le CNE. Ce contrat devra bien sûr permettre de corriger les erreurs de casting. Il devra surtout tenir compte du fait que l'on ne peut pas demander aux entrepreneurs de prendre des risques sur leurs plans d'affaires et d'être sanctionnés doublement si ceux-ci ne sont pas réalisés: une fois, et c'est normal, parce que les résultats ne sont pas totalement au rendez-vous et une seconde fois parce que se séparer de tout ou partie des salariés en charge de la réalisation de ce plan lui coûtent une fortune à licencier (au travers de transactions onéreuses ou de procédures prud'hommales incertaines et longues).

    Il est difficilement imaginable de convaincre les sieurs Thibault de la Cégétaye ou Mr Mailly de Heffaux que le contrat unique devrait ainsi être un CDI

    • avec une période d'essai de 5-6 mois prolongeable une fois 2-3 mois

    • auquel on peut mettre fin, au delà de la période d'essai, avec un préavis de quelques semaines et par simple versement des indemnités légales de licenciement telles qu'elles sont inscrites dans les différentes conventions collectives et qui sont assez bénines pour une durée d'emploi de 1 ou 2 ans

    • en s'assurant, par ailleurs, que les éventuels recours aux prud'hommes seront tous déboutés sauf s'ils recèlent une faute grave ou lourde de la part de l'employeur (discrimination raciale ou sexuelle, harcèlement sexuel ou psychologique,...).
    Difficile d'imaginer rallier nos chevalliers de la "syndicaillerie" à un tel projet (pourtant certainement conforme aux règles de l'OIT !) mais sûrement la bonne solution pour nos entreprises, le niveau d'emploi et les travailleurs salariés dans notre cher pays...

    Raisonnable ou déraisonnable ?



    01 juillet 2007
    par JDCh


    Infosys-Capgemini: un nouveau Mittal-Arcelor ?

    Comme certains le savent, j'ai passé 14 années dans le groupe Capgemini que j'avais rejoint au milieu des années, 80 lorsqu'il comptait quelques milliers de collaborateurs, et quitté en 1999 lorsqu'il s'apprêtait à en compter plus de 60.000 avant la douloureuse fusion avec les activités conseil de Ernst & Young en 2000.

    Bien que trouvant le "business model" à la fois ingrat et cyclique, je suis resté un petit actionnaire et j'y ai gardé de nombreux amis parmi les managers du groupe. Autant dire que la rumeur d'une éventuelle Offre Publique d'Achat (OPA) de l'indien Infosys sur Capgemini ne peut pas trouver chez moi un écho purement financier et froid...

    Avant d'essayer d'évaluer si une telle OPA pouvait avoir lieu, il est intéressant de rappeler que le groupe Capgemini compte environ 75.000 collaborateurs dans 30 pays dont plus de 13.000 collaborateurs en Inde. Depuis 5 ans en effet, et, après avoir traversé des moments fort difficiles, le groupe a développé le concept de de "rightshore" par lequel le service est rendu client en essayant d'optimiser le trio qualité du service / coût de la prestation / distance au client.
    • Une opération de conseil ou de développement itératif est ainsi délivrée "onshore" (chez le client ou tout près de chez lui).
    • Un projet un peu plus moyen/long terme peut impliquer un rendu du service "onshore/nearshore", une partie des équipes faisant face au client et l'autre étant dans une zone géographique un peu moins coûteuse (par exemple, une équipe "onshore" à Paris et une équipe "nearshore" en Province ou au Maroc).
    • Un gros projet multinational est, quant à lui, délivré "onshore/offshore" avec des équipes dans les différents sites clients et une grosse équipe "offshore" typiquement basée en Inde pour les activités centrales de développement et de maintenance.

    Ce concept a permis à Capgemini d'expliquer à ses clients que la valeur ajoutée délivrée ne repose pas que sur la qualité de ses programmeurs, qu'une grosse partie de cette valeur repose sur une compréhension du business du client, une bonne capacité à communiquer avec lui et une aptitude à organiser les projets en allouant des tâches à des intervenants situés dans la bonne "zone de coût". On notera d'ailleurs que le coût de management (et le risque de retard ou d'échec) d'un projet augmente en ratio et dans l'absolu si l'on organise la production en introduisant des distances géographiques, linguistiques ou de décalage horaire.

    Sous la pression des grandes multinationales (et plus généralement des grands clients anglophones) avec lesquels il est difficilement envisageable de signer de grands contrats profitables sans s'appuyer sur une base de coût de type "offshore", Capgemini a, d'ailleurs, réalisé en octobre dernier l'acquisition (modeste à l'échelle du million et demi d'indiens qui travaillent dans l'informatique) de la société Kanbay qui comptait à cette date 7.000 collaborateurs permettant à Capgemini de doubler sa puissance de feu "offshore".

    Le groupe Capgemini va bientôt fêter ses 40 ans. Infosys, qui compte également 75.000 collaborateurs (dont une large majorité en Inde), a déjà fêté ses 25 ans en n'ayant, en réalité, vraiment commencé à émerger qu'en 1993 en étant la première société Indienne à faire son entrée sur la Nasdaq. Le mariage des deux entités amènerait l'entité combinée dans le top 5 mondial (avec IBM, Accenture, EDS et CSC) et aurait le parfait mixte en terme de collaborateurs: une moitié proche des clients dans les principaux pays occidentaux et l'autre moitié en Inde. Si Capgemini pouvait acquérir Infosys, voilà une opération de croissance externe quasi-parfaite...

    Le problème c'est que Capgemini ne peut pas acheter Infosys: bien que réalisant 10 milliards de dollars (contre 3 pour Infosys) de chiffre d'affaires, la capitalisation boursière de Capgemini dépasse juste les 10 milliards de dollars quand celle d'Infosys approche les 30 ! L'explication qui fait qu'un informaticien d'Infosys vaut 3 fois plus en bourse qu'un informaticien de Capgemini est assez simple: Infosys connaît une croissance de plus de 30% quand Capgemini a retrouvé en 2006 une croisance de l'ordre de 10% et surtout, le bénéfice net avant impôt se situe à 30% du chiffre d'affaires quand il est en dessous de 4% pour Capgemini. L'informaticien d'Infosys rapporte ainsi "bottom line" par tête 2,5 fois plus que son confrère de Capgemini !

    La question inverse se pose donc: Infosys peut-il se payer Capgemini ? La réponse n'est pas évidente... La presse indienne mentionne un trésor de guerre de 1,5 milliard de dollars qu'Infosys serait prêt à mobiliser mais cela ne représente que 15% de la valeur de Capgemini. Vu les résultats d'Infosys, on peut imaginer qu'ils arrivent à "lever" 2 à 3 milliards de dollars de dette pour faire une telle acquisition, on arrive cependant en deçà de 50%. Le reste ne pourra donc qu'être payé en titres et il n'est pas du tout évident que le management (et l'actionnaire fondateur Serge Kampf, Président du Conseil de Surveillance) recommande à ses actionnaires d'apporter leurs titres lors d'une éventuelle Offre Publique d'Achat/Echange.

    A mon avis, il faudra que Nandan Nilekani, CEO d'Infosys, arrive à convaincre son "board" de payer un très gros "premium" par rapport au cours de bourse actuel !

    En étant très cynique, on pourrait comparer le mouvement entamé par Infosys à l'annonce que ferait Meetic s'il décidait d'acheter des agences matrimoniales pour toucher une clientèle qu'il n'arriverait pas à toucher via le web. La comparaison est rude, pédagogique mais assez erronée: Capgemini a une relation de longue date et une connaissance approfondie de très grands comptes en Europe (en France, Grande Bretagne et aux Pays-Bas en particulier) qui ferait gagner des années d'activité commerciale à Infosys...

    Payer un "premium" important peut donc parfaitement être envisagé...

    Le suspense bat donc son plein. Une chose est sûre: si Serge Kampf a envie d'avancer dans cette voie, on devrait le savoir vite car le 7 septembre, la Coupe du Monde de Rugby commence et, à cette période, il ne faudra plus trop déranger le grand mécène du rugby tricolore qu'il a toujours été...