29 juin 2006
par JDCh


Chronique d'un entrepreneur

Lu ce matin la première chronique de notre ami PKM dans Economie Matin.

Bel appel à l'entrepreneuriat d'autant plus crédible que Pierre a lancé et réussi à imposer PriceMinister sur la toile Française à contre-cycle: lancement du site début 2001 alors que plus grand monde ne croyait à l'internet grand public.

Un petit conseil complémentaire aux futurs entrepreneurs: écoutez tout de même les remarques et questions de ceux qui veulent vous décourager, elles vous permettrons d'affiner votre plan et peut-être de trouver la "secret sauce" qui caractérise toutes les réussites...

Que pensez-vous de mon idée...

Nouveau chroniqueur et pas des moindres : bienvenue à Pierre Kosciusko-Morizet, créateur et PDG de PriceMinister, www.priceminister.com. En 2000, cet HEC de 23 ans trouve la formule du marché illimité de produits d’occasion et neufs déstockés en ligne en inventant l’achat-vente garanti. En 2006, PriceMinister est le 3e site Français d’e-commerce, compte 4,6 millions de membres pour près de 20 millions de visites par mois en France, 28 millions de produits en vente, et 120 collaborateurs. À partir de septembre, retrouvez Pierre Kosciusko-Morizet et L’idée, la chronique des créateurs...

Lorsque l’on réfléchit à une création d’entreprise et que l’on confronte son idée à son entourage, on est souvent déçu, voire choqué des réactions que l’on provoque... Il ne faut pas s’arrêter là ! Avec le recul, ces attitudes vous paraîtront compréhensibles. Un entrepreneur proposant, par définition, un modèle alternatif au salariat, il dérange forcément son interlocuteur ! Dans la majorité des cas, celui-ci va chercher à lui expliquer pourquoi l’entreprise en gestation ne pourra pas fonctionner. Ne serait-ce que pour se rassurer lui-même sur ses choix professionnels ! Si l’idée est trop « simple », « immédiate », on se verra rétorquer le classique : « Qu’apportes-tu de plus que les autres ? ». Ou le : « Si c’était aussi facile que ça, ça aurait déjà été fait ! ». Une bonne manière de ne jamais rien entreprendre... Et pourtant, c’est bien la réaction la plus courante ! Si votre idée est « novatrice », on vous dira alors invariablement : « C’est trop complexe, les grands groupes vont te manger... » Mais qui connaît un grand groupe plus réactif qu’une entreprise nouvellement créée ? Moi pas ! Ou pourra vous dire aussi : « Tu n’as pas les épaules, pas l’expérience ». Là aussi, le créateur ne doit pas se laisser abuser : les épaules sont plus souvent de son côté ! C’est ainsi que dans les premiers mois de la création de ma société PriceMinister, j’ai eu droit à des réactions du style « L’e-commerce ne fonctionnera jamais » ou « Internet est une mode, avez-vous pensé à la concurrence du fax ? (sic) » ou même, « Impossible de se développer face aux grands groupes de la distribution »...

Surtout, si vous êtes entrepreneur, gardez ce type de réactions en tête pour quelques années plus tard. Ça peut devenir une bonne source de motivation et alimenter de longues discussions ! Et si vous ne l’êtes pas (pas encore ?), lorsque vous croisez des créateurs, pensez à les encourager : nous avons plus que jamais besoin d’eux pour enrayer la montée du chômage, et redynamiser notre économie.

Pierre Kosciusko-Morizet, PDG co-fondateur de PriceMinister.com

©2006 Economie Matin



17 juin 2006
par JDCh


Rémunérations des grands patrons: too much

Les récentes affaires Vinci et EADS ne redorent en rien l'image des "patrons" en France... Les questions qu'elles suscitent sont fort simples: les "patrons" gagnent-ils trop d'argent ? le gagnent-il "honnêtement" ?

En préalable, on note que les patrons dont on cite le salaire, les indemnités de départ ou les plus-values issues de l'exercice de "stock options" sont une toute petite population correspondant au CAC40 (en poussant on va jusqu'au SBF120) donc sont une quarantaine ou peut-être au grand maximum une toute petite centaine en France.

Ces individus sont, pour un certain nombre, des fondateurs (un seul au sein du CAC40 en la personne de Bernard Arnault), ou des héritiers (6 au sein du CAC40 en 2005 comme Franck Riboud chez Danone, Martin Bouygues, Patrick Ricard, Arnaud Lagardère, François-Henri Pinault et feu Edouard Michelin) ou, pour leur majorité, des cadres dirigeants qui ont "fait carrière", démontré des qualités de managers, de gestionnaires ou de visionnaires et qui ont su accéder aux plus hautes fonctions de leur entreprise soit parce qu'on les y a nommés (cas des recrutements externes ou des "nominations" pour les entreprises dont l'état est l'actionnaire de référence), soit parce qu'ils s'y sont imposés (2 cas de figures ici: le "dauphin" désigné par un dirigeant historique qui prend du recul ou le profil le plus habile "politiquement" qui finit par rallier les faveurs la majorité du Conseil d'administration).

Je ne sais pas qui disait "En France, on n'aime pas ceux qui gagnent de l'argent mais on aime ceux qui en ont". Toujours est-il que les fondateurs/héritiers sont, par définition, actionnaires de leurs entreprises, donc patrimonialement déjà très riches et ont, en général, des rémunérations qui ne font pas la "une" des journaux: leur motivation est de faire prospérer leur "patrimoine" et cela semble être accepté.

Les patrons "salariés" (l'expression est claire mais impropre puisque techniquement un certain nombre sont mandataires sociaux non salariés), eux, comptent sur leur rémunération pour devenir riches et il y a une forte tendance à ce que cet objectif soit atteint par eux ! Il n'y a pas si longtemps que cela Michel Bon, patron à l'époque de France Télécom, quatrième ou cinquième opérateur télécom mondial, annonçait ne gagner que 200.000 euros ce qui contraste avec la fameuse "prime" de 8 millions d'euros qu'Antoine Zacharias, ex PDG de Vinci, aurait revendiquée pour la conclusion de l'acquisition par Vinci des Autoroutes du Sud de la France. Il y a visiblement une certaine inflation pour ne pas dire une inflation certaine...

En première analyse, vu la rareté des postes et vu les difficultés qu'il y a, à la fois pour y accéder et y durer, il n'est pas choquant de constater que ces CEOs (Chief Executive Officer) ont, pendant leur période d'exercice, des "packages" qui ressemblent à celui de Zidane (une quinzaine de millions d'euros par an) pouvant tendre pour les patrons des leaders mondiaux vers ceux de Michael Schuhmacher ou Tiger Woods (environ 75 millions de dollars chacun).

Même si le talent individuel de ces individus est beaucoup moins visible que celui d'un sportif de haut niveau ou d'une pop star, je pense que personne ne serait choqué de savoir que le patron "moyen" d'une entreprise du CAC40 gagne moins "en salaire" (moyenne à 2.3 millions d'euros en 2005) qu'un bon international de football (Makelele, Thuram...), qu'un Gérard Jugnot, un Jean Réno, un Florent Pagny ou même un Johnny Halliday (5 millions d'euros environ).

On peut également appliquer une formule selon laquelle les échelles de salaires correspondent à un doublement à chaque niveau hiérarchique: un grand groupe ayant 8 niveaux (par exemple, salarié, équipe, département, division, filiale, pays, zone géographique, branche, groupe) justifie un "salaire" pour le PDG de 256 fois la rémunération d'un salarié de base (soit plus de 3,6 millions d'euros).

Ces "salaires" très généreux (justifiables donc pas absolument choquants) sont cependant nouveaux et ne constituent pas l'essentiel de la rémunération de nos grands patrons. Voyons pourquoi il y a eu inflation et comment ils sont complétés par des mécanismes rémunérateurs qui, eux, peuvent être bien plus contestables.

Les raisons de cette inflation sur les "salaires" sont simples: à partir du moment où une entreprise est une multi-nationale, l'ensemble des "top managers" voit son salaire s'aligner sur les pratiques des pays les mieux-disants. Si je suis le manager Français de la Branche X du groupe machin, je ne comprends pas que le manager de la filiale Américaine, qui me reporte, gagne plus ou autant que moi... Si je suis le Vice-Président Europe de ce même groupe, je me dois de gagner plus que le manager des activités en Grande Bretagne... Si je suis le PDG du groupe, je gagne bien sûr plus que tout ce petit monde...

La mondialisation accroît ainsi naturellement les écarts de salaires entre la base et le "top": on cherche une main d'oeuvre pas chère dans les pays émergents pour les tâches à faible valeur ajoutée et on aligne les salaires des managers internationaux sur les pratiques anglo-saxonnes. Ce phénomène n'a bien sûr pas lieu d'être dans les entreprises essentiellement domestiques d'où des pratiques de rémunération bien plus raisonnables chez les acteurs nationaux et bien sûr dans les entreprises plus petites où il y a beaucoup moins de niveaux organisationnels.

Comme je l'indiquais plus haut, le "salaire" (souvent constitué d'un fixe et d'un bonus dépendant des résultats de l'entreprise) constitue la base de la rémunération d'un CEO mais celle-ci est complétée par des éléments qu'il est sans doute opportun de revisiter: "golden hello", "golden parachute", "retraite chapeau", "prime exceptionnelle" et bien sûr "stock options" (ou équivalents).

Commençons par les "stock options". Mises au grand jour au moment du départ de Philippe Jaffré de la présidence de Elf (suite à la fusion avec Total) et une plus-value évaluée à l'époque à 200 millions de francs (30 millions d'euros), elles sont à nouveau sur la sellette avec les 173 millions de plus-value latente annoncés pour Antoine Zacharias.

Le cours de bourse sur les 4 dernières années de Vinci étant passé d'une fourchette 30-40 à une fourchette 70-80 soit un gros doublement, cela signifie que Monsieur Zacharias s'est vu attribuer l'équivalent d'environ 160 millions de stock-options (valeur d'exercice). Si l'on refait une hypothèse réaliste d'une progression du cours de 10% par an sur 4 ans, les administrateurs de Vinci membres du comité de rémunération ont offert, à ce moment là, une espérance de gain de l'ordre de 20 millions d'euros de plus-value par an: ceci paraît totalement exagéré pour une performance prévue honorable mais loin d'être fulgurante. Un cinquième (voire dixième) de cette attribution aurait paru plus raisonnable et pourtant "incitivante" ! Il sera, de même, intéressant de voir si Antoine Z. sera reconnu démissionnaire ou révoqué de son poste de Président de Vinci. En cas de démission, une bonne partie de la plus-value citée devrait, en effet, lui échapper (clause de "bad leaver").

On notera également que sur les plans de "stock-options" validés par les Assemblées Générales des sociétés du CAC40 et en donnant l'attribution en délégation aux différents Conseil d'administration, 60% de ces attributions vont aux PDGs et le reste étant partagé entre 4% des salariés (principalement le "top management"). J'ai déjà décrit les difficultés associées à la mise en place d'un actionnariat salarié bien plus large que cela (cf Actionnariat salarié) mais j'encourage les actionnaires lors des AG à réclamer plus de clarté sur la liste des allocataires avant de donner délégation aux administrateurs qui sont, eux, en mesure d'imposer un élargissement de cette liste et une répartition bien plus équitable au sein de celle-ci.

A l'inverse, j'ai appris récemment que des CEOs de sociétés Américaines attributaires de plans de stock-options très généreux ont accepté de n'avoir que 1$ de salaire annuel (c'est le cas de Yahoo!, Google, Apple...). On ne peut, en effet, avoir "le beurre et l'argent du beurre". Ces PDGs ne toucheront rien si le cours de l'action de leur société ne progresse pas: voilà un bon alignement entre actionnaires et dirigeants qui peut justifier une sur-allocation au numéro 1 de l'entreprise...

J'ajouterais enfin que l'affaire "EADS/Forgeard" est très différente: les montants cités par la presse paraissent "normaux". La question du délit d'initié ("insider trading") est posée: d'un côté, un exercice de stock options dans le calendrier prévu suite à un parcours boursier honorable sur les 4 dernières années mais suivi, de l'autre, un peu rapidement par le "krach A380" que, j'ai du mal à le croire, pouvait être ignoré ou non anticipable par l'équipe de direction d'EADS. L'Autorité des Marchés Financiers et la justice en décideront...

Le "golden hello" réservé aux patrons recrutés à l'extérieur était historiquement censé combler les "intérêts non vestés" par celui qui quittait une entreprise pour en rejoindre une autre (bonus de l'année précédente ou de l'année en cours, stock options abandonnées). Ce "welcome bonus" a tendance à être d'autant plus élevé que ce recrutement s'effectue au sein d'une société concurrente ce qui devient malsain car moins justifiable économiquement. Les montants sont souvent gardés confidentiels et ne font pas la "une".

Les "golden parachutes" (indemnités de départ) sont eux bien plus médiatisés: Pierre Bilger a renoncé au sien en quittant Alstom, Jean-Marie Messier a été en procès concernant le sien et Daniel Bernard en reçut un fort confortable à son départ de Carrefour. Ces indemnités perçues au moment d'une révocation (le cas de la faute lourde étant en général exclu) sont censées compenser le fait que la plupart de ces patrons n'ont pas droit au chômage et qu'ils signent en quittant des clauses de non-concurrence contraignantes restreignant leurs opportunités professionnelles dans les 2 ou 3 années suivant leur départ.

D'abord, il est rare qu'un ancien patron du CAC40 ne se voit pas proposer un "job" dans une banque d'affaires internationales et quelques postes d'administrateurs; Ensuite, ce "parachute" étant basé sur le salaire perçu lors de l'exercice de la fonction: plus celui-ci a été élevé, plus le parachute est large. Pas très logique... Le "high risk, high reward" devrait être la règle: la position est risquée et très rémunératrice, soit. Pas de vraie bonne raison de s'"enrichir" au moment de la révocation.

Concernant la "retraite chapeau" révélée au grand public lors du départ de Daniel Bernard, il s'agit d'une cotisation pour complément de retraite versée par l'entreprise à une société d'assurances pour garantir à son PDG une retraite confortable. Deux remarques sur le sujet: un, comme pour tout salarié, cette cotisation pour complément de retraite doit être "comptée" dans le salaire et deux, dans bien cas, cette "retraite chapeau" n'est acquise par le bénéficiaire que si celui-ci est toujours dans l'entreprise au moment de son départ à la retraite.

Cette dernière règle est extrêmement dangereuse pour les entreprises concernées obligées, en cas de départ anticipé du bénéficiaire, à se substituer à la compagnie d'assurances (cas de Carrefour obligé de faire l'hypothèse que son ex-PDG aura une espérance de vie de X et qu'elle pourra être amenée à la verser une somme rondelette pendant toutes les années de retraite que Dieu fera): ce n'est pas le rôle des entreprises ! Soit les contrats voient leurs termes et clauses évoluer, soit il faut utiliser des mécanismes de retraite par capitalisation traditionnels et plus "solides" même s'ils sont fiscalement moins intéressants.

Je finirais par les "primes exceptionnelles" et l'exemple, à nouveau, de celle revendiquée par Antoine Z. concernant le rachat des ASF par Vinci. Ici on nage en plein délire... En effet, si Vinci pense que racheter les ASF "crée de la valeur", cette création de valeur se retrouvera dans la valeur des actions et dans la plus-value sur stock-options du PDG. Lui donner une "prime" similaire aux "fees" d'une banque d'affaires le met, en plus, dans une situation de conflit d'intérêts entre sa position de défense des actionnaires de Vinci et de récipiendaire d'une prime astronomique. A éviter à tout prix. Ca méritait bien un carton rouge !

En conclusion, dans un pays très défiant à l'égard du capitalisme et du libéralisme, l'affaire Vinci et celles qui ont précédé donnent une image "catastrophique" du grand patronat (pourtant limité à quelques dizaines d'individus) avec le risque induit d'une généralisation au "petit et moyen patronat". Les règles de bon sens semblent pourtant simples :

-les rémunérations de type "salaire fixe+bonus" n'ont aucune raison d'évoluer encore à la hausse et toute somme au delà de quelques millions d'euros paraît d'ores et déjà exagérée ;

-les "stock options" doivent être l'"incentive" principale et, si les attributions sont particulièrement attractives, alors nos allocataires devraient renoncer aux avantages garantis (par exemple, réduction du salaire et suppression du "parachute" ou de la "retraite chapeau") ;

-le PDG dirige le "business" pour le compte des actionnaires, il faut éviter tout mécanisme entraînant un éventuel "conflit d'intérêts" entre ses 2 casquettes ("salarié" et stock-optionnaire/actionnaire).

"Point trop n'en faut" ou "pas de beurre et d'argent du beurre" ou "high risk, high reward" devraient se dire les administrateurs de ces grands groupes siégeant aux comités de rémunération: c'est à eux de jouer et d'éviter que de nouvelles dérives décrédibilisent à nouveau notre élite économique.

Rédacteur Agoravox



16 juin 2006
par JDCh


L'Europe, c'est fini !?

Les chefs d'état réunis à Bruxelles en ce début de semaine avaient l'air bien désemparés. Les "non" Français et Néerlandais de 2005 ont bloqué toute progression de l'idée et de l'ambition Européenne et l'Union qui compte depuis quelques années 25 pays se doit de fonctionner sur le principe historique de l'unanimité des décisions: autant dire que rien ne se passe... On parle d'encore une année pour rien suivie d'une année pour réfléchir...

On notera également que, malgré l'importance du sujet, aucun des candidats à la candidature présidentielle en France ne parle vraiment d'Europe (sauf parfois pour réfuter l'idée de l'entrée dans une dizaine d'années de la Turquie). L'idée de ce "post" est de rappeler le caractère impérieux de la nécessité d'un mouvement concernant notre volonté ou non d'une Europe qui progresse.

En effet, la France est dans la zone Euro et ne dispose plus de tous les leviers habituels d'un état souverain (j'en suis, d'ailleurs, assez content car si nous étions livrés à nous-mêmes dans une alternance démago-gauchisante telle que celle qui s'annonce, nos futurs gouvernants seraient capables de transformer la France en une nouvelle Argentine !) : impossible pour le Ministre Français de l'économie d'avoir une influence directe sur les taux d'intérêts ni sur le cours relatif de notre monnaie par rapport au dollar, à la livre sterling ou au yen puisque nous la partageons avec 11 (bientôt 12 avec la Slovènie) autres pays. Ces leviers historiques (à moins d'être la Suisse et son fameux secret bancaire !) seraient, d'ailleurs, sans doute vains tant notre économie est dépendante de l'économie Européenne et surtout en train de se marginaliser à l'échelle de la planète.

D'un autre côté, la France ayant dit "non" à une Europe maintenant sans gouvernance efficace, elle est très très mal placée pour proposer quelque initiative que ce soit à ses partenaires. La seule solution semble être que les Français interrogés à nouveau déclarent dans leur majorité vouloir quelque chose que nos 24 partenaires (ou un sous-ensemble d'entre eux) trouveraient intéressant ou mieux mobilisateur. Est-ce possible ? Est-ce un fantasme ?

Revenons, pour le savoir, sur les raisons du "non" et voyons si elles sont toujours d'actualité:

La politique intérieure menée par le pathétique couple Chirac / Raffarin

Nul doute que cet élément a fait voter "non" à un certain nombre de Français même si la question n'était pas celle-ci. Nous pouvons être rassurés: Raffarin est parti et Chirac ne sera plus là dans 11 mois. Une raison de voter "non" a disparu.

L'immigration et le contrôle des frontières

Cette raison a été invoquée principalement par l'extrême droite et lesdits "souverainistes": elle est toujours là. Il est loin d'être évident que l'Europe joue en la matière un rôle aggravant la situation mais cette raison demeure.

On peut cependant arguer qu'il faudrait une sortie complète de l'Europe pour transformer la France en "blockhaus" (je ne crois pas que la majorité des Français souhaite cela) ou qu'une Europe relancée s'occuperait plus efficacement de cet enjeu qu'une Europe en panne comme aujourd'hui.

Une bonne pédagogie devrait permettre de limiter aux traditionnels bastions de l'extrême-droite et des anti-européens "souverainistes" les bassins d'invocation de cette raison (soit 20% ou un peu plus des électeurs).

La fourberie d'un Fabius

Le calcul démagogique et extrêmement dangereux fait par Laurent Fabius ne semble pas avoir payé. Il a su être décisif dans cette campagne référendaire en "surfant" sur un mécontentement général et en croyant retrouver sa virginité gauchiste (auquel très peu de gens croient). Il semble que tout ceci soit feu de paille. Lolo n'est nul part dans les sondages....

Révélons un peu plus que notre ex-"plus jeune premier ministre de la France" n'a pas agi par conviction mais par pure manipulation et il sera définitivement marginalisé pour quelques élections présidentielles (il est encore jeune donc on le verra peut-être revenir en 2017 !). On ne peut pas viser les plus hautes responsabilités et agir de façon aussi irresponsable ! Carton rouge bien mérité pour Lolo... (carton rouge également par rebond aux affreux Emmanuelli, Mélenchon et consors qui le méritent aussi).

Le marché "intérieur" Européen régi par la "libre concurrence"

J'ai déjà évoqué dans un "post" (cf Libre concurrence: une bienfaitrice méconnue) combien le principe de la libre concurrence était profitable au consommateur, au progrès au sens large et au dynamisme économique (qui nous manque tant). Je ne vais pas vous la refaire...

Il est aussi sans doute utile de rappeler que le fameux titre III "Politiques et actions internes" définissant notamment les règles du "marché intérieur" de l'Union est en fait un agrégat des différentes dispositions déjà en oeuvre au travers des traité de Rome, de Maastricht (appelé "Acte d'union" pour ceux qui ont oublié qu'ils ont voté "pour") et de Nice ! Voter "non" à cause d'un ensemble de règles qui, de toute façon, sont applicables n'est pas très utile...

Il est évident surtout, je le crois personnellement, qu'une Europe plus forte permet de bien mieux jouer sa carte dans une économie de marché "mondialisée" (et qui est là pour durer que les Français vote pour "ci" ou pour "ça"). Le "soyons plus forts ensemble" n'est pas "pipeau" du tout !

On peut donc se méfier de la "mondialisation" (car on en subit ou anticipe les conséquences et on se sent démuni pour y réagir) mais il faut être fort crédule pour penser que l'Union Européenne accélère cette mondialisation et ses conséquences: ceci est faux.

Si le "marché intérieur" était dynamique du fait d'entreprises Européennes compétitives, les salariés Français de ces entreprises (qu'elles soient Françaises ou non) auraient tout à y gagner. L'immense "unfair advantage" des entreprises (petites, moyennes et grandes) Américaines est d'avoir localement un marché domestique homogène de 300 millions d'habitants. Cet avantage serait à la portée de l'Europe des 25 et de ses entreprises (notamment petites et moyennes)...

Bref, à part quelques "anti-capitalistes utopiques" (moins de 10% des électeurs ?) qui pourraient penser que faire basculer la France (voire l'Europe) dans une économie "alternative" ("marxiste" par exemple) pourrait contagionner le monde entier, beaucoup de votants "non" devraient pouvoir accepter de réviser leur point de vue issu plus d'un mouvement d'humeur, d'une confusion et d'une immense désinformation politico-médiatique que d'une analyse objective de la situation.

Le manque d'un volet social

Le projet de constitution laissait aux Etats de l'Union la compétence sur les sujets sociaux (maladie, chômage, retraite et pauvreté): il ne déclarait rien de nouveau en la matière. D'aucuns l'ont déploré fortement. Prenons-les au mot...

Il est à peu près clair que les 25 ont des conceptions et des soucis fort différents en la matière: La Grande Bretagne passée par la douloureuse mais salvatrice cure Thatchérienne n'a aucune envie de se voir imposer la moindre évolution par la "vieille Europe" et les anciens satellites communistes (Pologne, Hongrie, Tchèquie, Slovaquie...) qui reconstruisent des modèles "sociaux" sur les cendres de leurs systèmes d'avant la chute du mur de Berlin ont des préoccupations fort différentes des nôtres.

Restreignons alors la réflexion à la zone Euro dans laquelle, à part l'Irlande (qui connaît une bonne santé économique insolente) et dans une moindre mesure la Finlande, tous les pays ont un problème de transition démographique, de chômage, d'augmentation incontrôlée des dépenses collectives et souvent, par conséquence, de déficit budgétaire ou de niveau d'endettement incompatible du fameux "pacte de stabilité". Lançons un grand mouvement de réflexion et de réformes au sein des 12 "currency mates": "pour une zone Euro sociale et compétitive" (au contraire des Français qui rêvent parfois beaucoup, aucun de nos voisins n'est prêt à discuter sur une "Europe sociale et non compétitive" !).

Demandons à la Finlande (dans la zone Euro) et au Danemark (resté en dehors) et ayant réussi une remarquable transition de nous aider à composer entre efficacité économique et protection sociale. Proposons au Danemark et à la Suède de nous rejoindre s'ils se sentent convaincus par nos orientations. Soignons l'Allemagne (qui a décidé de le faire de toute façon après une digestion difficile de l'Allemagne de l'Est), l'Italie (dont le contraste Nord-Sud devient intenable) et la France (qui est en phase métastasique avancée) et vérifions que nos partenaires (plus ou moins vaillants) Espagnols, Portugais, Grecs, Luxembourgeois, Autrichiens, Belges ou Néerlandais adhèrent. Nous avons une histoire commune, des traditions sociales assez cohérentes et des objectifs communs fort nombreux, cela devrait être possible !

Ce grand effort de réflexion sur une harmonisation possible de nos systèmes sociaux, de nos politiques économiques favorables à l'emploi, de nos fiscalité et de nos politiques budgétaires (impossible en effet de séparer les sujets) ne pourra qu'être bénéfique. Cette harmonisation est inéductable, prenons simplement le taureau par les cornes et forçons le destin...

Les tenants du "volet social" seront obligés de passer de l'incantation au projet d'implémentation mais surtout comprendront comment nos voisins et partenaires font face aux mêmes enjeux que nous, combien nous pourrions être plus forts ensemble et combien impérieuse est la nécessité d'accepter la réforme, le changement, la raison, le pragmatisme et la lucidité.

Une volonté commune des 12 (ou 13) pays de la zone Euro d'être offensifs ("la meilleure défense c'est l'attaque") et, de ce fait, plus résistants à une globalisation (dont il ne sert à rien d'avoir peur sauf à partir perdants), une zone Euro en cours harmonisation de l'intérieur, tournée fièrement vers l'extérieur et un grand projet qui enfin retrouve le soufle qui lui manque tant.

Les tenants de l'immobilisme resteront bien sûr en retrait, critiqueront tous les projets et hurleront à la mort flanqués de leurs oeillères égoïstes dès que l'un de leurs privilèges ou avantages acquis se verra menacé: combien sont-ils et combien de temps resteront-ils crédibles ? Je n'en sais rien... Il suffit, en fait, de convaincre un peu plus de 10% des Français qui ont voté "non": c'est faisable !

So what ?

Pas mal de raisons au "non" qui semblent s'être estompées et d'autres qui paraissent fondées sur une incompréhension voire une manipulation... Il y aura toujours des opposants à tout (moins de 30% ?) mais il y a quelques raisons d'être optimistes. Soyons-le.

Pour ce qui me concerne, je travaille pour entreprise Britannique, j'ai été quelques années "Chairman" (Président non exécutif) d'une petite société Suédoise, je rencontre toutes les semaines des entreprises "innovantes" Allemandes, Suédoises, Finlandaises, Anglaises ou bien sûr Françaises et je vois poindre une génération d'entrepreneurs et de cadres véritablement Européenne: je suis, de par mon métier, convaincu des bienfaits d'une Europe qui bouge, progresse, s'harmonise et se mobilise...

...je mets donc au défi les candidats à la Présidentielle d'inscrire à leur programme une nouvelle consultation des Français sur le traité constitutionnel ainsi que sur le lancement d'un programme ambitieux pour une "Zone Euro sociale et compétitive". Je voterai pour le premier qui s'y engage !

Rédacteur Agoravox



10 juin 2006
par JDCh


Université tristesse

J'entendais récemment sur BFM Jean-Robert Pitte actuel Président de la Sorbonne dire crûment comment il était attristé de diriger une usine à fabriquer des non-diplômés, des chômeurs ou au mieux des smicards. Sa franchise, quand on connaît le prestige historique de la Sorbonne, ne saurait sonner faux et son livre "Jeunes, on vous ment !" paraît contenir à la fois un constat objectif et malheureusement déprimant et quelques recommandations de bon aloi mais, semble-t-il, utopiques.

J'ai déjà évoqué dans des "posts" précédents ce sujet en déconseillant à mon fils de s'inscrire à l'Université "gratuite, laïque et républicaine" de notre cher pays (cf Conseils de vieux c...) et en listant les éléments clé d'une réforme du système éducatif (cf I had a dream...).

J'ai eu envie de "poster" à nouveau sur le sujet en lisant, dans l'Express, l'entretien de Mr Pitte avec Gérard Aschieri, Secrétaire Général de la FSU, sorte de "cornac du mammouth", individu d'autant plus toxique qu'il s'exprime élégamment, sans jamais hausser le ton, démontrant sans sourciller qu'un "cheval borgne est cher" et refusant habilement tout changement dans un système pourtant quasi-unanimement considéré comme en échec profond.

Ce Mr Aschieri dont on voit l'effet qu'il produit sur ses sympathi- sants lors de ses discours de ré-élection (aucun trucage: cette photo est bien dans l'album de la FSU, cf congres.fsu.fr) pourrait également être surnommé "Non-Non". A l'évocation du moindre changement, de la moindre proposition d'amélioration ou même du moindre constat que "si on ne change rien, on va dans le mur", il esquive, il "dialectise" (en Français, "noyer le poisson"), il hypnotise (littéralement, "endormir son auditoire") et finalement dit "non à tout"...

En fait "Non-Non" est un peu "litotique", "Non Puissance 6" (NP6) serait plus approprié...

- Non à la revalorisation des filières professionnelles

Alors qu'il est démontré que l'on pourrait quadrupler les effectifs des filières type BTS ou IUT ou "masters professionnels" et répondre à la demande des entreprises en matière de jeunes diplômés, NP6 préfère parler de "travail entre les filières" ce qui ne veut rien dire sauf peut-être l'instauration de commissions diverses et stériles où siégeraient les élus FSU... C'est vrai, en plus, qu'un transfert significatif des étudiants vers ce type de filières entraînerait des changements pour les enseignants !

- Non à la formation en alternance

Alors qu'un itinéraire étudiant alternant appropriation d'un savoir académique et stages en entreprises pourrait permettre à des diplômés en sociologie, psychologie, langues étrangères ou même histoire de l'art de démontrer que leur savoir constitue une base sur laquelle on peut construire un savoir-faire professionnel, NP6 veut que tout ceci reste sous l'entière responsabilité des enseignants. Les entreprises ont déjà du mal à se convaincre que prendre de tels stagiaires/apprentis pourrait leur être bénéfique, si, en plus, il leur faut rendre des comptes sous le contrôle de NP6 et ses copains, on va voir fleurir les propositions de stages !

- Non à l'orientation professionnelle

Alors que les étudiants ne connaissent que fort mal l'entreprise, les différentes branches professionnelles et les secteurs dans lesquels ils pourraient trouver un emploi intéressant, rémunérateur et porteur, NP6 s'oppose à toute "professionnalisation" de l'orientation sous prétexte que cette orientation devrait être valable 40 ans, que les besoins vont changer et que donc on ne préparerait pas bien l'avenir. Quelle langue de bois ! Quelle négation de tout pragmatisme ! Quelle volonté de rester inefficace ! Encore une fois, NP6 est dans la dialectique, l'évitement, l'immobilisme...

- Non à la sélection

Alors, qu'au delà des Grandes Écoles et leurs concours d'entrée, des réussites notoires comme celle de Paris-Dauphine ou de l'Université Technologique de Compiègne sont fondées sur une sélection des étudiants sur dossier et sur une motivation forte et homogène des étudiants à obtenir leurs diplômes après avoir été sélectionnés, NP6 réfute que la loi interdit toute forme de sélection et que la sélection entraînerait une moindre place accordée à la recherche. La loi, ça se change, d'ailleurs en France on promulgue plein de lois qui changent les précédentes et le lien "plus de sélection/moins de recherche" ne m'apparaît vraiment pas comme direct. Quand il ne sait pas répondre, NP6 sait très bien noyer le poisson...

- Non à une nouvelle gouvernance des Universités

Alors qu'une indépendance accrue des Universités, la participation active du monde de l'entreprise aux Conseils d'administration de ces Universités, l'adaptation de celles-ci à leur environnement économique et géographique paraissent évidemment aller dans le bon sens, NP6 propose que les enseignants "aillent voir ce qui se passe dans les entreprises". Il en profite pour revendiquer moins d'heures d'enseignement pour ses "ouailles" pour compenser le temps qu'ils passeraient ainsi dans la vraie vie ! Impayable ce NP6...

- Non à l'augmentation des droits d'inscriptions

Alors que l'IEP (Sciences-Po) a mis en place avec succès un système de péréquation concernant les frais de scolarité (allant de quasi-zéro pour les familles démunies à 5000 € par an pour les plus-aisées) comme l'enseignement privé le fait depuis des décennies, que le budget par étudiant en université est 10 fois inférieur en France comparé aux États-Unis, que, je l'ai déjà écrit, les parents des classes moyennes ou supérieures seraient "ravis et fiers" de payer plus pour l'éducation de leurs enfants, NP6 préfère un système où les Universités viendraient grever encore plus le déficit de l'état par une augmentation de leurs budgets de fonctionnement. C'est vrai que, comme cela, il resterait impossible de savoir où vont nos impôts !

Bref, NP6 comme ses confrères de l'UNSA ou du SNES, prépare sa petite retraite prospère et protégée ainsi que celles de ses conscrits. Peu importe que le déluge soit pour après-demain !

"Changer" est un mot "tabou" pour les NP6 de cette France universitaire qui souffre d'une maladie parfaitement curable: diabolisons les médicaments, ils pourraient nous guérir contre notre gré !

Rédacteur Agoravox