27 août 2006
par JDCh


Adieu chères Sécu et Unedic

Après de bonnes vacances, mon "devoir de vacances" de "post" sera, je l'espère, mieux qu'un "galet dans la mer". Tout dépend bien sûr de l'écho que vous lui donnerez.

L'histoire est la suivante: depuis que je "surfe" dans la blogosphère, j'ai découvert qu'un certain nombre de combattants (cf section "Pour en savoir plus" ci-dessous) se battaient pour la fin du monopole de la Sécu, j'ai bien évidemment trouvé leur objectif intéressant et louable. J'ai pu suivre depuis (via RSS) leurs étonnants progrès...

Fin mai, le très sérieux Magazine Santé de France 5 diffusait un reportage (cf Extrait du magazine santé de France 5). Mi-juillet, l'un des combattants de la première heure, Claude Reichman, Président du Mouvement pour la Liberté de la Protection Sociale, était interviewé sur LCI et un article du Parisien faisait écho à un débat entamé sur le blog de Démagolène (*).

Bref, la fin du monopole de la Sécu semble avérée ou proche de l'être. Tout ceci pourrait avoir des conséquences lourdes (mais que j'anticipe favorablement) pour notre pays, son économie et ses citoyens.

Historique de la situation...

Le combat et le débat sont tout d'abord juridiques. En effet, deux directives Européennes de 1992 visant à organiser la concurrence entre les "assureurs" Européens furent traduites dès 1994 dans la loi Française mais en omettant volontairement le cas des "mutuelles". Un long combat s'en suivit incluant une condamnation de la France par la Cour de Justice des Communautés Européennes en 1999 et se terminant par une discrète mise en conformité via une ordonnance de Lionel Jospin le 19 avril 2001 (ordonnance n° 2001-350).

Depuis lors, la loi Française prévoit à la fois que certaines assurances sont obligatoires mais que la concurrence doit jouer : l'assurance maladie n'est pas différente, à ce titre, de l'assurance automobile. Ceci s'impose mécaniquement à 2 branches sur trois de la Sécu (Maladie et Vieillesse sachant qu'on ne peut pas parler d'"Assurance Famille" pour la troisième branche puisque bénéficiaires et cotisants sont totalement décorrélés) et également à l'UNEDIC (Assurance Chômage). Il y en a sans doute qui seraient capables d'apporter leur lot d'arguties juridiques à ce que je présente comme un fait accompli. En fait, peu m'importe car ce double principe d'assurance obligatoire mais pour lequel l'assureur peut être choisi librement par l'assuré ne me paraît pas contestable et en tout cas inéluctable dans son applicabilité.

Concernant l'assurance maladie,...

...les premiers milliers d'assurés-sociaux à s'être engouffrés dans cette brèche sont des travailleurs non salariés non agricoles: des travailleurs indépendants ou de profession libérale (dont visiblement un nombre significatif de médecins qui connaissent bien le sujet) qui sont, d'une certaine façon, leurs propres employeurs et qui se sont assurés auprès d'assureurs Belge, Danois ou Britannique. Pour environ 40% du coût précédent, ils obtiennent un niveau de remboursement et un service équivalent voire supérieurs à ceux de la Sécu et de leur éventuelle assurance complémentaire réunies (appelée communément "la mutuelle").

Quelques retraités ont suivi qui ont permis, ce qui est très surprenant mais positif, de confirmer que la CSG/CRDS (qui sont des contributions donc assimilables à des impôts ou taxes) n'étaient pas exigibles sur leurs retraites dans la mesure où ils avaient souscrit une assurance maladie hors de France (non exigibilité confirmée par écrit par leurs Caisses d'Assurance Vieillesse !).

Enfin quelques salariés courageux ont fait la démarche auprès de leurs employeurs qui, à priori, ont dû leur reverser les 13,55% de cotisations assurance-maladie et les 8% de CSG/CRDS: une bien belle augmentation de salaire utilisée pour une faible partie à payer leur assurance maladie Anglaise ou Belge !

A notre connaissance, à l'exception de Buffalo Grill qui aurait essayé en 2004 de souscrire un contrat entreprise d'assurance-maladie et de le proposer à ses salariés en remplacement de celui de la Sécu (avec à la clé une forte augmentation de leurs salaires nets) et qui y aurait renoncé (pour une raison que je n'ai pas retrouvée), aucune entreprise de taille significative n'a franchi à ce jour ce pas décisif. Il faut dire que quelques incertitudes pèsent encore:

  • quel pourcentage de salariés opteraient pour cette solution ?
  • la non exigibilité de la CSG/CRDS sera-t-elle confirmée ? et ce, seulement si l'assureur alternatif n'est pas en France ?
  • à qui reviennent naturellement les cotisations patronales ? 50/50 entre entreprise et salarié ?

L'assurance maladie n'étant pas plafonnée, les entreprises à fort salaire moyen sont bien évidemment les meilleurs candidates (société de conseil, d'audit, de services informatiques, de services financiers...) et nul doute que les mois à venir verront les premières proposer à leurs jeunes cadres dynamiques d'opter pour cette solution fort économique.

Un petit calcul montre que sur une population ayant un salaire de 3000€ bruts mensuels, on arriverait facilement à près d'un mois de salaire supplémentaire pour les salariés, près d'un mois de salaire d'économie pour les entreprises et un manque à gagner annuel "net" (recettes moins dépenses) pour la CNAM d'environ 6000€ par tête. Imaginez que 2 millions de salariés optent pour un tel système, c'est tout simplement le doublement immédiat et récurrent du déficit déjà abyssal de notre chère Sécu ! Les cent mille premiers ne sont pas pour demain mais une fois ceux-ci "transformés", les millions suivants seront très rapides à les rejoindre... et la cessation de paiement de la CNAM déclarée entre temps...

D'un côté, le plan de redressement rendu absolument nécessaire de la Sécu ne sera pas alors la n-ième réformette pilotée par un ministre tenu en otage par des syndicats "irresponsabilisés" mais une complète restructuration obligeant cette organisation à abaisser drastiquement ses coûts de gestion et à aligner son offre "commerciale" et sa qualité de service sur ses nouveaux compétiteurs. Ces derniers ne manqueront pas d'innover au travers de franchises, forfaits ou options permettant (comme dans la téléphonie mobile) d'adapter, au delà la couverture obligatoire de base (maladies graves et hospitalisation), la couverture contractuelle aux besoins des assurés responsabilisés naturellement, de ce fait, dans leurs engagements de dépenses. Ces dépenses connaîtront d'ailleurs une tendance baissière ou, au pire, stabilisée (imaginez simplement une option permettant de baisser votre prime d'assurance et ne vous donnant droit qu'au médicament générique s'il existe...).

De l'autre, nos gouvernants seront contraints d'introduire la C3SFAM (Contribution Sociale de Solidarité Suite à la Faillite de l'Assurance Maladie) dont l'assiette et le mode de calcul restent bien évidemment à déterminer et qui permettra de financer la couverture de base de ceux qui ne cotisent pas. Bien qu'il s'agisse d'un nouvel impôt, celui-ci étant créé dans le cadre d'une baisse générale et significative des prélèvements obligatoires et celui-ci permettant de séparer clairement ce qui relève d'une assurance personnelle et ce qui relève de la solidarité, l'accueil de la C3SFAM sera à la fois vigilant mais bienveillant de la part des contribuables...

Concernant l'assurance vieillesse,...

...le cadre juridique de fin de monopole de la Sécu est à priori le même mais la transition vers des systèmes alternatifs ne se fera sans doute qu'une fois cette transition considérée par tous comme inéluctable pour l'assurance maladie. Deux enjeux sont, en effet, à considérer concernant les retraites:

  • Le premier, qui semble derrière nous (jurisprudence concernant les salariés-résidents en France issus de pays étrangers et qui cotisent pour leur retraite dans leur pays d'origine), est celui de la non-imposition sur le revenu des sommes qui ne seraient pas versées au système en place mais à un système alternatif;
  • Le second, plus compliqué, est celui de la valorisation/transition des acquis auprès du système en place vers un système alternatif: autrement dit, après 20 ans de cotisations auprès du système actuel, comment je garde, cumule ou transfert les droits acquis durant ses 20 années après avoir "switché".

Concernant l'assurance chômage,...

...dont rappelons-le la gestion n'est pas du ressort de la Sécu mais d'un autre organisme géré lui aussi par les syndicats appelée l'UNEDIC, cadre juridique et facilité de transition sont les mêmes que pour l'assurance maladie. Même s'il est plus difficile à une DRH de vanter les mérites du contrat-entreprise d'assurance-chômage que celui d'assurance-maladie, le "switch" devrait suivre de très peu celui de la Maladie. Il n'existe cependant pas à ce jour d'offre commerciale permettant de quantifier le gain pour les salariés et entreprises à effectuer au sein des 6,48% de cotisations actuelles. Ils seront d'évidence limités comparés à ceux issus de la Maladie mais seront une source d'optimisation supplémentaire incluse dans des "bundles" "Maladie + Chômage" comparables, d'une certaine façon, à nos "packs" "Internet + Téléphonie" dans un autre secteur...

Conclusion et petites remarques acerbes...

Ainsi que je crois vous l'avoir démontré, la fin du monopole de la Sécu paraît avérée, elle trouvera des solutions vertueuses et positives pour notre économie, nos entreprises et bien sûr les assurés-sociaux que nous sommes. Cette "réforlution" (néologisme de mon fait signifiant "réforme provoquée par une révolution paisible issue de la société civile"), déclenchée pour l'heure par des travailleurs indépendants ou des retraités, va être amplifiée et généralisée par des chefs d'entreprises supportés par leurs salariés (et non par nos élus et gouvernants dont malheureusement nous ne pouvons plus espérer grand chose).

Je dois avouer que ce concept de "réforlution" me plaît bien et semble bien convenir à la fois à notre histoire et notre situation actuelle...

Je finirai sur une remarque qui mérite d'être faite sur la "connivence" confirmée dans cette grande affaire entre le pouvoir politique qui tente désespérément de nier la situation juridique telle que présentée (les derniers "nieurs" en date étant notre star lourdaise Douste et son acolyte Bertrand), les médias qui, pour l'instant, restent fort discrets sur un sujet aussi important (hommage doit cependant être rendu à France 5 et aux journalistes de son magazine santé) et les assureurs et mutualistes Français qui docilement semblent ignorer une opportunité commerciale de plusieurs centaines de milliards d'euros par an.

En dehors de la fameuse "cosanguinité politiques/ administrations/ grandes entreprises du secteur", auraient-ils simplement peur de se faire tailler des croupières par leurs homologues Européens et de voir le business de la "complémentaire santé" suivi de celui très juteux de l'"assurance-vie" leur échapper ?

On peut faire confiance à leur couardise, ils ne déclencheront rien mais seront là pour réagir et prendre leur part du gâteau le jour venu.

Juste une question de quelques mois...

Vive la "Réforlution" !

Pour en savoir plus:

Blog Quitter la Sécu
Dossier Fin du Monopole de la Sécu
Collectif d'Actions pour la Liberté d'Assurance Sociale
SOS Action Santé et bien d'autres sites et blogs.

Rédacteur Agoravox



24 août 2006
par JDCh


Les vessies et les lanternes de Fabius

J'ai entendu ou plutôt j'ai écouté notre ex-plus jeune Premier Ministre de la France s'exprimer sur le SMIC, les stock-options, la fameuse fusion GDF-Suez et le barrage que le PS compte faire à l'Assemblée contre le projet proposé par le gouvernement.

Je ne porterai pas de jugement sur le projet tel qu'il est envisagé au plan financier ou industriel mais plutôt sur la crédibilité des alternatives proposées par notre ami Fabulius (petit "nickname" que j'ai repéré sur le site helvétique www.largeur.com qui me paraît de bon aloi) qui, certes s'exprime de façon simple et accessible pour tous, mais nous prend parfois vraiment pour des c...

Les 2 scénarios alternatifs prônés par Fabulius sont:

1. Re-fusionner EDF et GDF: pourquoi pas ? Les 2 groupes ont été séparés pour permettre la libéralisation du marché de l'énergie, ils ont été mis en bourse séparément. On peut évidemment revenir à la case départ mais il faudra passer via les fourches caudines des autorités "anti-trust" de Bruxelles et il me paraîtrait logique que ça coince un peu beaucoup...

De plus, il faudra savoir expliquer aux minoritaires de GDF pourquoi l'offre éventuelle d'EDF est inférieure à celle de Suez ou, au contraire, aux minoritaires d'EDF, pourquoi EDF devrait payer plus cher... Je l'ai déjà dit (cf "post" Les privatisations...): être minoritaire aux côtés de l'Etat en situation de contrôle n'est pas une sinécure patrimoniale...

2. Faire absorber Suez par GDF avec l'état comme actionnaire majoritaire de l'ensemble: c'est là que je m'étrangle un peu car on est dans la pure démagogie, le mensonge par omission et par manipulation (Fabulius mérite sans doute son Pinocchio d'or !). Regardons en effet ce que voudrait dire tout cela...

Premièrement sur la question de "qui absorbe qui ?", il est peut-être bon de rappeler que, dans un "deal" par échange d'actions (en l'occurrence 1 action Suez pour 1 action GDF et un chouïa de dividende pour les actionnaires de Suez), la fusion peut se faire dans un sens ou dans un autre, le pourcentage de détention de chaque actionnaire de l'une ou l'autre des entités dans l'entité combinée sera le même. Fabulius nous croit-il assez stupide pour croire que si GDF absorbe Suez alors l'état aurait une position plus forte dans l'entité fusionnée ? Si les termes du "deal" restent les mêmes, l'état qui détient 80% de GDF détiendra à peu près 35% de l'ensemble (soit un perte de contrôle mais une minorité de blocage) et ce quel que soit le sens de la fusion.

Toujours sur cette question du sens de la fusion, on notera que la valeur d'entreprise de Suez (72 milliards d'euros) et celle de GDF (42 milliards d'euros) rend assez logique le fait de considérer que Suez fait l'acquisition de GDF. Chacun aurait le sentiment naturel qu'un GDF faisant l'acquisition d'un groupe presque deux fois plus gros que lui jouerait à la grenouille qui veut se faire...

Ceci étant dit, pour des raisons de faisabilité technique, une fusion dans laquelle GDF absorbe Suez aurait pu être préférée. Ce n'est pas le cas et c'est fort compréhensible: si Suez propose une offre d'échange aux actionnaires de GDF, il a à convaincre l'Etat (qui détient 80%) et ensuite à récolter le maximum au sein des 20% restant (facilement identifiables puisque l'introduction en bourse est récente): l'atteinte des 95% permettant de retirer GDF de la Bourse et de fusionner les 2 groupes est, dans ce scénario, très probable. A l'inverse, le plus gros actionnaire de Suez étant le groupe Albert Frère avec 8% du capital, faire une offre d'échange aux actionnaires de Suez et récolter 95% d'adhésion est promis à être long chemin de croix... Même pas sûr d'obtenir 50%...

Deuxièmement, si on fait l'hypothèse que l'on veut que l'Etat garde la majorité dans l'ensemble combiné, il faut changer le "deal", proposer un mixte d'actions GDF et de "cash" et apporter au minimum 14 milliards d'euros de "cash" aux actionnaires de Suez. A noter d'ailleurs que si Albert Frere et les autres actionnaires de Suez raisonnent comme moi et ne souhaitent pas être minoritaire aux côtés d'un Etat en situation de contrôle, il faut faire une offre pur "cash" soit environ 28 milliards d'euros.

Pour apporter du "cash" à une entreprise, il y a 2 moyens:

  • soit les actionnaires souscrivent à une augmentation de capital et il faudrait que l'Etat amène entre 11 et 22 milliards d'euros et je ne sais pas bien où Fabulius compte les trouver (les privatisations récentes des autoroutières ont rapporté environ 15 milliards et sont censées permettre un léger désendettement...),
  • soit on s'endette et on amènerait avant fusion GDF à un niveau d'endettement financier supérieur à celui de Suez qui déjà parait élevé (plus de 8 fois le résultat d'exploitation). Monsieur Cirelli nous a expliqué qu'il faudrait des marges de manoeuvres pour faire des investissements ou des acquisitions: si le groupe GDF-Suez se retrouve "day one" avec 56 milliards d'euros de dette, ça ne va pas être facile !... et ça ressemblerait assez vite à la situation de quasi-faillite de France Telecom connue fin 2002.

Enfin, si le scénario numéro 2 de Fabulius était retenu, on serait dans un cadre de nationalisation de Suez ce qui, je le comprends bien, peut plaire à nos syndicats et aux électeurs de la gauche traditionnelle mais qui paraît vraiment à contre courant de l'histoire et surtout des activités de privatisation menée par notre ami Fabulius lorsqu'il était à Bercy: il faut dire que ce ne serait pas la première fois que, dans une vision électoraliste et démagogique, notre ex-jeune premier retournerait sa veste !

Bref, Fabulius ment par omission, nous prend pour des c... et je ne voulais pas rester sans réaction à cela. Quant au journaliste intervieweur de BFM (radio que j'aime bien par ailleurs), il aurait pu quand même poser une question sur comment on finance les 11 à 22 milliards !

Vigilamment vôtre.

Rédacteur Agoravox